Incendies Grèce : bilan humain, social et politique

Bilan humain, social et politique à ce jour des incendies en Grèce par Emmanuel Kosadinos

Blog : Le blog de Emmanuel Kosadinos

Le bilan des incendies meurtriers qui ont ravagé la périphérie de la capitale du pays est catastrophique. Il n’est pas encore possible d’en mesurer les conséquences ! Les plus démunis en première ligne du mouvement de solidarité

Grèce, population : 11 millions

Bilan des derniers incendies à ce jour

Victimes humaines : 93 morts dont plusieurs enfants !
Parmi eux : 1 mort en réanimation, 7 corps non retrouvés
Causes de décès : incinération, asphyxie, brûlures, noyades
Blessés hospitalisés : actuellement 36, dont 14 en réanimation
Habitations détruites : 1500
Véhicules détruits: 800

Sociologie des zones sinistrées : 50% habitations principales, 50% habitations secondaires et entreprises, notamment touristiques

Pic de température pendant la tempête de feu: 1000 degrés Celsius

Une tempête de feu s'est abattue en peu de temps sur des zones densément habitées Une tempête de feu s’est abattue en peu de temps sur des zones densément habitées

Moyens déployés : 190 pompiers professionnels (+ les bénévoles), 95 véhicules, 7 Canadair.
Une grande partie des moyens étaient non opérationnels car non entretenus.
Service central de protection civile, effectifs: 20 fonctionnaires
Part du budget dédié à la protection civile : 0,03%
Part du budget dédié à la défense et l’OTAN: 2,4%

Salaire brut d’un pompier: 800 euros
Temps d’attente des rescapés dans la mer: 5 heures !

1er communiqué officiel : 7 heures après le désastre
Réunion de crise du gouvernement : 27 heures après le désastre
Évacuation des zones sinistrées : selon les initiatives individuelles
Transport des blessés : avec des moyens individuels
Indemnisation par maison détruite : 5000 euros
Report des expropriations des foyers surendettés: néant !

Attitude du gouvernement SYRIZA : arrogance, complotisme, absence d’autocritique, décontraction gênante

État des services sanitaires : désorganisation
Sur ce dernier sujet, je publierai sur mon blog Médiapart le communiqué de la Fédération Panhéllenique des salarié-e-s des Hôpitaux Publics.

Solidarité spontanée : massive
Moyens : dons de sang, dons de matériel de toute sorte, implication physique, accueil des victimes

Acteurs de cette solidarité : les gens aux moyens modestes, les réfugiés syriens, les réfugiés kurdes, les Roms, les Dispensaires Solidaires autogérés, les Collectifs citoyens, la Croix Rouge.
Parmi les acteurs de la solidarité je dois rajouter les pêcheurs égyptiens de la mer Égée, qui ont recueilli beaucoup de rescapés dans les flots, alors que les embarcations des gardes portuaires ne s’étaient pas encore fait présentes. Ce sont ces mêmes pêcheurs que les nervis d’Aube Dorée avaient agressés il y a 4 ans.

Attitude des élites
Association des Industriels grecs : condoléances verbales, zéro dons
Église orthodoxe : pour Monseigneur Ambrosios c’est une punition divine juste car le peuple a voté pour un gouvernement d’athées, pour le parti SYRIZA.

Mesures gouvernementales prises après la crise: accélération annoncée de la démolition des constructions illégales, indemnisation de 5000 euros par habitation détruite (avec bonification selon le nombre de membres du foyer), octroi de deux mois supplémentaires pour les retraités sinistrés, 45 jours d’indemnité chômage supplémentaires pour les salariés dont l’entreprise a été détruite par le feu, 10.000 euros d’indemnité pour le survivant du couple dont un membre est décédé, une bourse d’études pour les jeunes des familles sinistrées, exemption de l’impôt immobilier pour les habitations détruites pour l’année 2018 uniquement, report de l’échéance pour la déclaration d’impôts au mois d’octobre, exemption de facture d’électricité pour les habitations détruites pour le premier semestre 2018.

Le coût cumulé de ces mesures est estimé à 10 millions d’euros, moins de 0,01% du budget de l’État grec. Les fonds seront puisés d’une « cagnotte spéciale » en voie de création.

L’opposition considère ces mesures insuffisantes. Le Parti Communiste de Grèce (KKE) a annoncé qu’il s’abstiendra du vote.

Des dégâts massifs que les maigres aides ne sauront soulager Des dégâts massifs que les maigres aides ne sauront soulager

Attribution de responsabilités :
Démission du ministre adjoint chargé de la protection civile, limogeage du Chef de la police et du Chef du corps des pompiers.
La justice a été saisie pour enquêter sur la situation et éventuellement attribuer des responsabilités. Le gouvernement SYRIZA a toutefois de mener une enquête indépendante de la justice et il a pour cela fait appel à des experts allemands

La Grèce éprouvé aujourd'hui un deuil profond pour les victimes La Grèce éprouvé aujourd’hui un deuil profond pour les victimes

Politique européenne et décès en méditerranée

Les politiques européennes sont responsables de la hausse du nombre de décès en Méditerranée centrale

Le nombre de personnes qui se noient en Méditerranée centrale ou sont reconduites dans des centres de détention sordides en Libye est monté en flèche du fait des politiques européennes visant à fermer la route de la Méditerranée centrale, écrit Amnesty International dans une nouvelle synthèse publiée le 8 août 2018.

Cette synthèse, intitulée ‘Between the devil and the deep blue sea. Europe fails refugees and migrants in the Central Mediterranean’, révèle l’impact dévastateur des politiques qui se sont traduites par plus de 721 morts en mer pour les seuls mois de juin et juillet 2018. Elle évoque la nouvelle politique de l’Italie, qui bloque des migrants en mer pendant des jours, et analyse comment les États de l’Union européenne (UE) cherchent à s’entendre pour contenir les réfugiés et les migrants en Libye, où ils risquent d’être victimes de torture et d’atteintes aux droits humains.

« Alors que le nombre de personnes qui tentent de traverser la Méditerranée a baissé ces derniers mois, le nombre de décès en mer a nettement augmenté. La responsabilité de ce bilan qui s’alourdit incombe aux gouvernements européens qui se préoccupent davantage de maintenir les migrants et les réfugiés hors de leurs frontières que de sauver des vies, a déclaré Matteo de Bellis, chercheur d’Amnesty International sur l’asile et les migrations.

« La politique européenne donne aux garde-côtes libyens le pouvoir d’intercepter les gens en mer, accorde moins de priorité aux opérations de secours et entrave le travail vital des ONG menant des opérations de sauvetage. La récente hausse du nombre de décès en mer n’est pas seulement une tragédie, c’est une honte ».

Elle s’accompagne d’une montée en flèche du nombre de personnes arbitrairement détenues dans les centres de détention surpeuplés en Libye. Ce nombre a plus que doublé ces derniers mois, passant de 4 400 en mars à plus de 10 000 – dont environ 2 000 femmes et enfants – fin juillet. Tous ou presque ont été amenés dans ces centres après avoir été interceptés en mer et renvoyés en Libye par les garde-côtes libyens, qui sont équipés, formés et financés par les gouvernements européens.

« Les gouvernements européens sont de mèche avec les autorités libyennes pour contenir les réfugiés et les migrants en Libye, malgré les terribles violations qu’ils subissent aux mains des garde-côtes libyens et dans les centres de détention. Les projets visant à étendre la politique d’externalisation à toute la région sont très préoccupants », a déclaré Matteo de Bellis.

Au cours de l’année passée, les gouvernements européens n’ont pas conclu d’accord sur des réformes cruciales du système de Dublin, qui auraient permis d’éviter des désaccords sur le débarquement en Europe des personnes secourues en mer.

En réaction, l’Italie a commencé à refuser aux navires transportant des passagers secourus d’entrer dans ses ports. Cette nouvelle politique cible les bateaux des ONG, les navires marchands et même les bâtiments des marines étrangères.

Du fait de délais de débarquement inutiles, des personnes ayant besoin d’une aide d’urgence – dont des blessés, des femmes enceintes, des victimes de torture, des personnes traumatisées par un naufrage et des mineurs non accompagnés – sont restées bloquées en mer pendant plusieurs jours.

« En refusant de laisser des réfugiés et des migrants débarquer dans ses ports, l’Italie se sert des vies humaines comme monnaie d’échange. Des personnes désespérées sont bloquées en mer, sans eau ni nourriture suffisantes, sans abri, tandis que l’Italie tente de gagner des points sur le plan politique pour un meilleur partage des responsabilités entre États européens, a déclaré Matteo de Bellis.

« En outre, les autorités italiennes et maltaises ont calomnié, intimidé et criminalisé les ONG héroïques qui s’efforcent de sauver des vies en mer, ont refusé à leurs bateaux l’autorisation de débarquer et sont allées jusqu’à saisir leurs navires.

« L’Italie et les États et les institutions de l’Europe doivent agir sans délai pour accorder la priorité aux opérations de sauvetage en mer et veiller à ce que les personnes secourues puissent rapidement débarquer dans des pays où elles ne seront pas exposées à de graves violations et où elles pourront solliciter l’asile. »

Par ailleurs, la synthèse d’Amnesty International évoque des cas récents de violations du droit international. Les 16 et 17 juillet, l’ONG Proactiva a retrouvé une femme encore en vie et deux cadavres à bord d’une embarcation en train de couler après l’intervention des garde-côtes libyens. Le 30 juillet, l’Asso Ventotto, navire marchand battant pavillon italien, a reconduit en Libye 101 personnes.

« Ces faits graves doivent faire rapidement l’objet d’enquêtes minutieuses. Ils illustrent les conséquences mortelles de la politique de l’Europe, a déclaré Matteo de Bellis.

« Les gouvernements européens doivent sortir du cercle vicieux de fermeture et d’externalisation qu’ils ont mis en place et investir dans des politiques qui ramènent l’ordre dans le système, en permettant aux réfugiés et aux migrants d’emprunter des itinéraires sûrs pour se rendre en Europe. »

Source https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2018/08/surging-death-toll-in-central-med/

L’analyse de La Cimade sur la loi asile et immigration

La loi Asile et Immigration est adoptée : décryptage d’un texte dangereux 2 août 2018

La loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a été adoptée définitivement par l’Assemblée nationale le 1er août 2018. C’est un texte dangereux qui consacre une véritable chute de droits pour les personnes étrangères. Analyse du texte par La Cimade, véritable « Code de la honte ».

 

La Cimade dénonçait en février un texte « rédigé par le ministère de l’intérieur sans consultation réelle des acteurs associatifs de terrain » ainsi que « son manque d’équilibre flagrant ». Plus de cinq mois après des vifs débats dans les deux chambres, un rejet en dernière lecture du texte par le Sénat et des menaces d’exclusion des député·e·s La République En Marche opposé·e·s au texte, la loi votée par la majorité présidentielle au parlement n’a pratiquement pas bougé depuis la copie remise par Gérard Collomb en conseil des ministres.

Les principales mesures que La Cimade déplore et qui vont considérablement dégrader les conditions des personnes migrantes sont :

  • L’allongement de la durée de la rétention administrative jusqu’à 90 jours y compris pour les familles accompagnées d’enfants mineurs ;
  • Une intervention du juge des libertés et de la détention dans les quatre jours suivant le placement en rétention ;
  • La réduction du délai pour déposer une demande d’asile ;
  • L’absence de recours suspensif pour les personnes originaires d’un pays dit « sûr » qui demandent l’asile, pour celles qui demandent un réexamen ou qui sont considérées comme présentant un trouble grave à l’ordre public ;
  • La systématisation des mesures de bannissement et la multiplication de mesures de surveillance à l’encontre des personnes étrangères ;
  • L’extension des possibilités de prononcé d’une interdiction du territoire français ;
  • La banalisation des audiences par visio-conférence ;
  • La complexification de la procédure de reconnaissance de filiation et le durcissement de l’accès à un titre de séjour pour les parents d’enfants français ;
  • Le durcissement sans précédent de l’accès à la nationalité française pour les jeunes né·e·s à Mayotte ;
  • Le fichage des mineur·e·s isolé·e·s ;
  • La possibilité pour les préfectures de passer outre les avis médicaux dans le cadre de la procédure de régularisation pour raisons de santé.

La loi adoptée le 1er août 2018 ne répond pas aux enjeux migratoires de notre temps, La Cimade appelle à une autre politique migratoire en totale rupture avec celle menée ces dernières années.

Ci-dessous le document de décryptage de La Cimade actualisé le 2 août 2018 suite à son adoption définitive.

Loi_Asile_Immigration_Cimade_02082018

Terre brûlée La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Terre brûlée

Terre brûlée. Nous laissons derrière nous un tel mois de juillet, à vrai dire écœurant. Votre blog, se spécialisant malgré lui dans la chronique des cynismes en vogue, il ne pouvait ainsi qu’observer un certain silence devant l’insoutenable. Le pays réel brûle sous les effets multiples et multipliés de la décomposition programmée… pendant que ses trente millions de visiteurs annuels admirent ses beautés supposées immuables. Dessin dantesque.

Incendies meurtriers. Presse grecque du 25 juillet

Ces derniers jours, sur les vieilles citadelles du Péloponnèse ne servant plus qu’à être visitées sur fond de nuages, le drapeau national était alors en berne. Nuées d’ailleurs très inhabituelles aux dires des tous pour un mois de juillet finissant. “Méfions-nous de ce qui peut nous arriver cette année en mer ; nous n’avons pas encore vu le meltémi”, (vent habituel estival en mer Égée) “et les bourrasques inopinées sont de plus en plus nombreuses. Oui, le temps n’est vraiment plus ce qu’il était…” explique un des nos amis, skipper professionnel depuis plus de trente ans. En effet.

Dans la succession d’événements entre le choc et le deuil, tout deux d’ailleurs jamais accomplis jusqu’au bout il faut dire, ces incendies meurtrières ont été déclarées très étrangement à la suite d’une période où la protestation et autant l’écœurement sont de nouveau de mise chez les Grecs, cela, rien qu’au sujet de la piètre politique macédonienne du “gouvernement”. Au même moment, la marionnette Tsípras s’apprête à céder davantage devant l’interventionnisme direct et indirect de la Turquie d’Erdogan en Thrace Occidentale, déjà pour ce qui tient de la nomination des Mufti. Thrace Occidentale, région grecque en partie peuplée de musulmans turcophones, sachant que la majorité parlementaire des Tsiprosaúres ne tient qu’aux deux à trois députés issus de la minorité musulmane en Thrace, et qu’Ankara serait alors en mesure à les manipuler.

C’est également le temps géopolitique très dense, lorsque par exemple les États-Unis et Geoffrey Pyatt, leur Ambassadeur à Athènes…après Kiev, auraient signifié aux pantins de la politique locale, que le piètre accord macédonien doit être ratifié coûte que coûte et ceci, même si les Grecs s’y opposent à près de 80%, histoire de faire entrer la Macédoine Slave, dite “Macédoine du Nord”, au sein de l’OTAN.
Histoire surtout de faire barrage à l’influence des Russes dans les Balkans. Un très vieux jeu…sans cesse renouvelé.

Drapeau en berne. Péloponnèse, juillet 2018
Dystopie ambiante et figurée. Athènes, juillet 2018

Notons qu’il y à peine trois semaines, plus exactement le 11 juillet dernier, et comme par hasard à la veille du sommet de l’OTAN, le “gouvernement” Tsípras avait expulsé deux diplomates russes au motif avancé de leur prétendue intervention aux affaires internes grecques au profit des opposants à l’accord Macédonien. C’est tout de même, une première historique pour la Grèce, car jamais Athènes n’avait exécuté de telles mesures visant la diplomatie russe, étant donné les liens historiques, religieux et culturels entre les deux peuples remontant à Byzance. Du jamais vu donc, même du temps des Colonels (1967-1974), voire, de la Guerre Civile (1944-1949) entre les communistes et la droite. Même parmi les analystes proches des cercles de l’OTAN à Athènes, cette mesure a été critiquée pour son aventurisme… de l’échine courbée, à l’instar par exemple d’Athanássios Droúgos le 13 juillet dernier.

Les Grecs savent que derrière… l’avènement Tsípras et de sa clique au pouvoir, il y a un agenda géopolitique imposé que d’ailleurs nous découvrons plutôt soudainement coup après coup. La marionnette Tsípras irait très probablement jusqu’au bout alors proche dans cet agenda à peine dissimulé d’ailleurs depuis l’arrivée de la Troïka en Grèce et de sa politique dite d’austérité. Agenda qui conduirait en cas de réussite, ni plus ni moins, à la disparation culturelle, nationale, sociale, sociétale, démographique et même partiellement territoriale de la Grèce contemporaine, telle est toute… la préparation des Tsípras et d’ailleurs des Mitsotákis qui arrivent derrière.

Sauf qu’il y a urgence, car les Grecs se réveillent même… tétanisés, d’où cette urgence semblable quant à la mécanique sociale, cette dernière rajoutant du choc au deuil et du deuil au choc depuis près de huit ans maintenant. Et voilà que ces incendies en Attique Ouest et Est, visiblement volontairement provoqués supposons par de simples pyromanes (?) avec près de quatorze foyers initiaux simultanés lorsque la météo avait prévu la grande violence des vents soufflant jusqu’à 90 km/h, sont ainsi “arrivés” on dirait… à point nommé en Grèce.

Cloches et alerte. Météores, Thessalie, juillet 2018
Touristes. Athènes, juillet 2018
Volcan ancien. Péloponnèse, juillet 2018

Comme l’écrit mon ami Olivier Delorme sur son blog, le pays est: “seule face aux spéculateurs qui ont mis la Grèce à genou en 2010, seule face aux provocations et violations de sa souveraineté par une Turquie, dont on sait aujourd’hui, par le témoignage de l’ancien Premier ministre Yilmaz, que ses services spéciaux furent à l’origine de vagues d’incendies dans les îles durant les années 1990…”

Le jour des incendies et au-delà des causes structurelles du drame humain, car il ne s’agit pas d’une catastrophe naturelle, -concernant un habitat au départ illégal sans P.O.S. (Plan d’occupation des sols) et légalisé ensuite, sur une zone agricole, boisée seulement à partir des années 1950 pour ce qui est des communes les plus touchées-, les services de l’État mémorandaire grec ont complètement failli dans leur gestion de la crise, et c’est le moins que l’on puisse dire. À très juste titre cette impréparation grecque liée aux politiques imposées par la Troïka, a été dénoncé par le Sénateur de la majorité Alberto Bagnai en Italie, et son intervention fustigeant la supposée “solidarité européenne d’une meute de loups” a bien été signalée en Grèce par les analystes grecs à l’instar de Dimítris Konstantakópoulos sur son blog.

Sur le terrain et d’abord, aucun signal d’alarme n’a été déclenché et aucun plan d’évacuation de la population n’a été mis en exécution, quotidien “Kathimeriní” du 1er août. Parallèlement, la circulation sur l’avenue de Marathon avait été déviée de manière criminelle vers les zones d’habitant près de la côte, au lieu d’être interrompue. Les automobilistes de passage envoyés ainsi tout droit jusqu’au cœur de l’incendie par les autorités, autant que les habitants sous l’effet de la panique, ils ont été ainsi piégés et parfois brûlés vifs. “Les policiers, qui se trouvaient sur l’avenue Marathon, exécutaient bien des ordres. S’ils avaient reçu l’ordre d’arrêter la circulation et de renvoyer les voitures, plutôt que de les dévier tout droit vers le cœur du désastre, ils le feraient. L’erreur fatale est clairement due à un manque total de coordination. Les Pompiers, la Police, les municipalités et la Région d’Attique participent ainsi de cette catastrophe. La responsabilité de la coordination (…) incombe pourtant à la Protection Civile, laquelle n’a pas fait son travail”, quotidien “Kathimeriní” du 1er août.

Animal adespote. Péloponnèse, juillet 2018
Grecs à la plage. Péloponnèse, juillet 2018
Boire de l’eau dans les restes antiques. Épidaure, juillet 2018

Au même moment, aucun des systèmes d’alerte supposés établir le contact entre les différents postes de la Police, des Pompiers ainsi que le fameux numéro 112 n’ont fonctionné, ceci, entre coupes sobres dans les budgets depuis 2010 et aussi, entre le népotisme et l’irresponsabilité criminelle des gouvernants SÝRIZA compris. On sait que de nombreux officiers des Pompiers ont été remerciés et sortis du service, pour qu’un de leurs collègues, certes beaucoup moins bien noté mais cependant Syrizíste patenté, puisse être nommé à leur tête, sans la moindre expérience sur le terrain des incendies en Attique, région pourtant capitale, où d’ailleurs près du 40% de la population du pays y réside. Pauvre pays historique… et inflammable. Nos touristes n’auront finalement remarqué que cette inhabituelle grisaille météorologique dans le ciel de l’Acropole, et également du site bien théâtral d’Épidaure. Grèce éternelle des clichés accomplis partis en fumée !

Nous sommes déjà à une plus d’une semaine de ce jour sombre du lundi 23 juillet dernier. Au soir de ce même lundi, et pendant que les informations sur les première victimes étaient déjà connues, Aléxis Tsípras devant les cameras de la télévision publique, n’en faisaient pas la moindre mention. Au gouvernement, on faisait déjà semblant que de minimiser l’ampleur du drame. Un show télévisé à but de communication et de gestion du temps politique. Mardi, le jour d’après, Aléxis Tsípras dans une allocution télévisée, déclare que “rien et personne ne sera oublié”. Mercredi, le porte-parole du gouvernement annonce des mesures à l’aide des victimes, à savoir, le… report des obligations fiscales de six mois et 5.000€ d’aide par foyer… complètement dévasté.

Aléxis Tsípras au soir du grand incendie. Presse grecque

Jeudi, devant les réactions sociales et alors l’immense colère des Grecs, le ministre de la défense Pános Kamménos se rend à la localité sinistrée de Mati, pour rejeter la responsabilité de la tragédie sur les seuls résidents locaux. Le soir du même jour, avait été tenue une conférence de presse qui restera dans les annales et que personne n’oubliera avant plusieurs années. Tóskas, ministre de l’Intérieur et de la Protection du Citoyen (sic), et Tzanakópoulos, porte-parole du gouvernement, à travers leur conférence de presse alors outrancière, ils ont fait valoir que d’après leurs propres investigations, il n’y a pas d’erreur dans la gestion des incendies et ils ont même rajouté que l’évacuation de la population était impossible. Trois jours après, ce même Tóskas a avoué avoir proposé dès le premier jour sa démission, sauf que Tsípras ne l’avait pas accepté.

Épidaure, juillet 2018
L’incendie de 1917. Thessalonique, juillet 2018
L’incendie de 1917. Thessalonique, juillet 2018

Le boomerang de la propagande se retourne alors contre le gouvernement. Ainsi, vendredi dernier, Tsípras se voit contraint de convoquer un conseil ministériel d’urgence… pour déclarer qu’il assume toute la “responsabilité politique” dans ce drame, sans formuler des excuses, car essentiellement niant toute responsabilité gouvernementale, évoquant plutôt la force du vent, les irrégularités quant au POS, puis ces “sombres centres voulant déstabiliser le gouvernement”.

Les révélations durant le week-end furent pourtant choquantes. Certains officiers de la Police et des Pompiers qui se trouvaient dans l’œil du cyclone au moment de la catastrophe, ont démontré qu’un certain nombre de morts était déjà connu dès lundi soir, au moment justement, où Tsípras organisait son… show télévisé.

Ils se sont passés déjà plusieurs jours. Aléxis Tsípras avait certes le temps pour visiter les lieux du martyre. Sauf qu’il ne voulait pas être exposé à la colère populaire. D’après ses calculs, rien que par les stratagèmes de communication, il surmonterait alors la crise. Finalement, Tsípras a visité les lieux de la tragédie à Mati, une semaine après l’incendie, à savoir le 30 juillet. Une visite très vespérale après 6h du matin, une visite autant non annoncée et tenue secrète, finalement suivie d’une seule camera…“prédestinée”. Cette visite a autant provoqué para suite les vives réactions de la presse pour son caractère savamment improvisé, à savoir, sans journalistes ni caméras. Aléxis Tsípras était d’ailleurs arrivé à Mati, au moment exactement où de nombreux journalistes et médias se trouvaient sur le port proche de Rafína pour couvrir l’accident du ferry rapide FLYINGCAT 4, lequel a heurté le quai du port.

Épidaure, juillet 2018
Prier. Météores, Thessalie, juillet 2018

Cette visite de Tsípras n’aura finalement duré qu’un peu plus d’une heure, sans évidemment rencontrer la population et encore moins sa colère, selon la presse grecque du 30 juillet.

Depuis, la contre-attaque du gouvernement se résume en sa volonté affichée de démolir bon nombre de constructions hors POS en Attique, histoire de renforcer le clou de la seule responsabilité des habitants, quotidien “Kathimeriní” du 1er août. C’est en même temps et une fois de plus, taper fort sur cette classe moyenne, laquelle n’est d’ailleurs plus du tout sa supposée clientèle politique. C’est facile et surtout, c’est de la sorte du fait politicien, avant toute autre considération.

Maríage. Thessalonique, juillet 2018

Et ce n’est d’ailleurs plus du divorce qu’il s’agit entre les supposés citoyens et la classe politique, la gauche Syrizíste en tête, mais d’une relation emplie de haine. Et la haine… n’est jamais très bonne conseillère comme on sait.

C’est ainsi “l’été qui est devenu la mort”, d’après le reportage du quotidien “Kathimeriní”, sur place, l’appréciation est fort juste. Au reste du pays supposé normal, nos touristes souriants se promenèrent entre nos ruines antiques sans trop distinguer nos ruines contemporaines, tandis que les Grecs quant à eux, ils fréquentent les plages du coin la glacière sous les bras. Comme du temps des débuts de la classe moyenne.

Hasard du calendrier, Thessalonique, deuxième ville du pays et fière capitale de la Macédoine grecque, commémore à sa manière par une très belle et émouvante exposition, le grand incendie qui a dévasté une bonne partie de la ville historique, c’était en 1917.

Au pays présenté comme béni, on priera toujours pour se faire entendre des divinités, pendant que nos animaux adespotes boiront de l’eau dans les restes antiques. La dystopie ambiante et figurée est certainement dépassée par la dystopie galopante des temps toujours présents, les Grecs sont accablés, perdant ainsi leur pays et parfois même leurs vies et son sens avec. Pourtant ils se réveillent…

Prier. Thessalonique, juillet 2018

Votre blog, aussi attristé n’a pas pu ni voulu réagir à chaud, ni publier pour une énième fois, les terribles images déjà connues via la presse grecque et internationale.

Sur notre petite plage préférée, près de trente personnes ont trouvé la mort et on y récupère encore leurs corps carbonisés au gré des vagues et des courants marins. Nous n’y retournerons plus, et voilà que notre univers se rétrécie encore davantage, dans la mesure où à travers ce beau pays qui est censé être le nôtre, nous ne voyageons pratiquement plus que pour travailler.

Après tout, notre ami skipper, il a raison, méfions-nous de ce qui peut nous arriver cette année en mer… comme sur terre. Le temps n’est vraiment plus ce qu’il était. Sauf pour nos terribles animaux adespotes.

Animal adespote. Péloponnèse, juillet 2018
* Photo de couverture: Humain du temps passé. Musée de Mycènes, juillet 2018

L’Aquarius repart en mer

Message de SOS Méditerranée 1/8/18  : L’Aquarius est reparti aujourd’hui vers les eaux internationales au large de la Libye pour poursuivre sa mission de sauvetage en mer parce qu’il en a le droit et le devoir. Depuis le début de l’année, au moins 1100 personnes sont mortes noyées en Méditerranée centrale, dont 2/3 en juin alors que les navires humanitaires étaient empêchés d’agir dans les eaux internationales au large de la Libye.

L’Aquarius est désormais l’un des deux seuls navires actifs dédiés aux sauvetages en Méditerranée centrale.

Face à la complexité des opérations en mer et aux risques encourus par les personnes en détresse ces dernières semaines, l’Aquarius s’engage à rendre public, dans la plus grande transparence, tout ce dont il sera témoin. Il s’engage également à dénoncer tout ce qui irait à l’encontre des règles du sauvetage en mer définies depuis plusieurs décennies par les conventions maritimes internationales.

Cette mission nous la partageons avec vous, citoyens européens, dont le soutien et la vigilance sont indispensables pour continuer à sauver des vies en mer. Ainsi vous pourrez consulter un journal de bord en ligne entièrement accessible au public – https://onboard-aquarius.org/ qui documente l’ensemble des activités de l’Aquarius.

Au cours de notre escale à Marseille, nous avons également effectué des changements matériels pour répondre à un contexte de plus en plus incertain. Dans un souci constant de renforcer l’efficacité de nos opérations, l’Aquarius a été équipé d’un nouveau canot de sauvetage plus rapide et d’une plus grande capacité d’accueil. L’autonomie alimentaire à bord a été renforcée afin de pouvoir faire face à une éventuelle attente prolongée en mer. Enfin, une chambre réfrigérée a été installée pour respecter la dignité des personnes décédées.

Malgré les difficultés, nous repartons plus déterminés que jamais à poursuivre notre mission de sauvetage en mer, et à être les yeux et les oreilles des citoyens européens qui, comme vous, considèrent que secourir ceux qui sont en danger prévaut sur toute autre considération.

Plus que jamais, nous avons besoin de vous pour continuer.

Merci pour votre engagement à nos côtés.

http://www.sosmediterranee.fr/

Solidarité et autogestion sur la terre brûlée

par Yannis Youlountas ·

Suite aux incendies qui ont frappé les environs d’Athènes : SOLIDARITÉ ET AUTOGESTION SUR LA TERRE BRÛLÉE

Nous avons évoqué précédemment la cuisine sociale « L’Autre Humain », avec un extrait du film « L’Amour et la Révolution », pour faire savoir le dispositif permettant désormais de participer au loyer de son nouveau local*.

Ajoutons qu’actuellement « L’Autre Humain » est tous les jours à Mati, la petite ville la plus ravagée par les récents incendies, avec non seulement sa cuisine de rue, mais aussi des distributions de nombreux matériaux et denrées nécessaires.

Tout cela, dans l’autogestion bien sûr, alors que les pouvoirs se sont révélés, au contraire, totalement incompétents et lamentables : fermeture tragique des accès à la mer, diminution des moyens des pompiers (baisse de 30% des effectifs, restrictions budgétaires, beaucoup de bouches à eau hors-service faute d’entretien, plus qu’un seul canadair opérationnel sur dix), minuscule mobilisation des troufions et de leur matériel, tentatives grotesques de récupération politique de tous les côtés…

Bref, tout s’est déroulé exactement comme en novembre dernier, lors des inondations qui ont dévasté la ville de Mandra, à l’ouest d’Athènes, et causé de nombreux morts et disparus : ce sont les initiatives autogérées qui ont le mieux répondu aux besoins immédiats, à commencer par celles des victimes elles-mêmes et de leurs réseaux alentours, parfois avec des moyens très modestes.

La cuisine sociale « L’Autre humain » était également présente à Mandra l’année dernière, dès le début des inondations. De même, l’équipe médicale de la structure autogérée de santé d’Exarcheia était aussi sur le terrain, à Mandra, comme elle se trouve ces jours-ci également à Mati et Rafina, avec l’appui, une fois de plus, du groupe Rouvikonas.

Loin des grands discours télévisés, des effets d’annonce illusoires, des visites éclairs sous les projecteurs des caméras, des lourdeurs administratives rebutantes et des méandres hiérarchiques abscons, c’est bien l’entraide parmi les opprimé-e-s qui est une fois de plus au rendez-vous sur la terre brûlée.

Prenons nos vies en mains, nous en sommes capables : les circonstances difficiles nous le prouvent.

Maud et Yannis Youlountas

* Voir l’extrait du film « L’amour et la révolution » sur la cuisine sociale « L’autre humain » http://blogyy.net/2018/07/29/la-cuisine-sociale-lautre-humain/

Si vous souhaitez participer, avec nous, chaque mois, au paiement du loyer du nouveau local (trois dernières photos) de la cuisine sociale « L’Autre Humain » : http://blogyy.net/2018/07/29/la-cuisine-sociale-lautre-humain/

Voir toutes les photos http://blogyy.net/2018/07/30/solidarite-et-autogestion-sur-la-terre-brulee/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le nouveau local de la cuisine sociale « L’Autre Humain » :

 

 

 

Une intervention de Zoé Konstantopoulou

Si vous aimez la Grèce, aidez-nous à nous débarrasser d’Alexis Tsipras et de son parti zombie

26 juillet par Zoe Konstantopoulou


Retraités grecs lors d’un rassemblement anti-austérité à Athènes Photo : Yannis Kolesidis/EPA

Le Premier ministre grec et Syriza ont trahi leur peuple et leurs principes. Ils doivent partir.

La semaine dernière (ndlr : article initialement publié en anglais le 9 juillet 2018), c’était le troisième anniversaire du référendum de 2015, par lequel le peuple grec a dit non à plus d’austérité et non aux atteintes à la démocratie par les créanciers.

La semaine précédente, Alexis Tsipras, le Premier ministre qui a trahi le courageux « non » du peuple grec, s’est rendu à Londres pour présenter comme une prouesse sa capitulation devant la troïka, composée de la Commission européenne, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque centrale européenne (BCE).

Imaginez comment réagirait le peuple britannique face à un Premier ministre élu pour mettre fin aux privatisations et qui au contraire aurait privatisé presque tout ce qui était public ; qui aurait été élu pour servir la paix et qui au lieu de cela aurait facilité les actions militaires contre des cibles en Syrie et aurait accepté de vendre des armes à des pays accusés de commettre des crimes au regard du droit international ; qui aurait été élu pour protéger les domiciles des particuliers et qui serait resté les bras ballants pendant que les banques procédaient à leur saisie, laissant les gens à la rue ; qui aurait été élu pour promouvoir la démocratie et l’indépendance de son pays et qui pourtant l’aurait livré en pâture à l’Union européenne, au FMI et à la BCE.

C’est là ce que Tsipras a fait subir au peuple grec.

J’étais députée de Syriza et présidente du Parlement grec pendant les sept mois qu’a duré le premier gouvernement de ce parti. Lorsque Tsipras a signé le troisième mémorandum en dépit de sa toxicité, en 2015, j’ai lutté de toutes mes forces pour préserver nos procédures parlementaires que le Premier ministre et la troïka foulaient aux pieds. En dépit des pressions permanentes, j’ai refusé de déroger à nos règles démocratiques et d’endetter encore plus notre peuple. Avec des dizaines d’autres parlementaires de Syriza, j’ai voté contre cet accord monstrueux.

Tsipras a alors dissous prématurément le Parlement pour nous écarter, les parlementaires dissidents et moi.

Trois ans plus tard, sa capitulation devant la troïka s’est révélée aussi désastreuse que nombre d’entre nous l’avions prédit. La vie de nos concitoyens est devenue intolérable. Le chômage des jeunes est devenu la norme et on estime à 8 % la part de la population qui a quitté le pays à la recherche d’un emploi. Le salaire minimum ne permet pas de couvrir les factures et des centaines de milliers de familles doivent se passer d’électricité pendant de longues périodes.

Cette tragédie a commencé dès 2010, mais Tsipras et son gouvernement soi-disant de gauche ont tout fait pour prouver qu’ils pouvaient mener les politiques austéritaires mieux que leurs prédécesseurs. Ils se vantent même de dépasser les cruels objectifs de la troïka en matière de coupures budgétaires et d’impôts.

Pendant les élections anticipées de 2015, Tsipras a prétendu avoir signé le troisième mémorandum parce que la troïka lui avait promis des discussions sur un allègement de la dette. Le 21 juin dernier, l’Eurogroupe a convenu d’une extension de dix ans de l’échéancier de remboursement de la Grèce, ce qui en définitive, signifie que davantage d’enfants et de jeunes deviendront endettés contre leur volonté. Chaque nouveau-né en Grèce voit le jour avec une dette de 40 000 euros, et de moins en moins de bébés naissent depuis l’imposition de mesures d’austérité.

Tsipras a salué la prolongation de l’échéancier dans un discours où il qualifie ce 21 juin de « jour historique ». Je doute que quelqu’un s’en souvienne l’année prochaine. La dette de la Grèce, source de nos ennuis, a été déclarée « illégitime, illégale, odieuse et insoutenable » par la commission parlementaire d’audit de la dette que j’avais convoquée lorsque j’étais présidente du Parlement en 2015. Tsipras n’a jamais utilisé les rapports officiels de cette commission. Sous son mandat, la dette de la Grèce s’est encore accrue et selon les prévisions, elle devrait exploser.

L’Eurogroupe a imposé à la Grèce un objectif d’excédent budgétaire d’au moins 2,2 % du PIB d’ici 2060. Tsipras prétend que la Grèce « sortira proprement » du mémorandum en août prochain : il a déjà légiféré pour introduire de nouvelles mesures austéritaires prescrites par la troïka jusqu’à 2022, accepté la surveillance de l’économie jusqu’à 2060 et a renoncé à tout contrôle sur les biens publics jusqu’à 2114.

Tsipras prétendait vouloir mettre à bas les oligarques des médias. Aujourd’hui pourtant, ces anciens oligarques n’ont rien perdu de leur pouvoir et une nouvelle génération s’est même installée, les « oligarques de l’ère Tsipras ».

Sa politique étrangère a connu le même sort : en octobre dernier, alors qu’il représentait un État en faillite, il a dépensé pas moins de 2,4 milliards de dollars pour l’achat d’avions de chasse F-16 aux États-Unis. Il a ensuite fait l’éloge de Donald Trump qui, selon lui, perpétue « la tradition de démocratie et de liberté » née en Grèce. En bon caniche de Washington, Tsipras a également noué d’étroites relations avec le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou, a accepté de vendre des armes à l’Arabie Saoudite, dont le régime est actuellement accusé de bombarder des enfants au Yémen et a levé le véto de la Grèce à l’expansion de l’OTAN dans les Balkans. Il a également signé des accords sur les réfugiés qui constituent une violation criante du droit international humanitaire.

Depuis 2015, il a mis en œuvre un programme de privatisation cynique, vendant à vil prix nos ports, nos aéroports, nos côtes, nos voies ferrées, nos compagnies d’électricité, d’eau et de gaz, nos sites archéologiques et culturels, nos théâtres, nos tribunaux, nos mines d’or et d’autres entreprises prospères. Aucun de ses prédécesseurs néolibéraux n’avait osé aller aussi loin.

En 2017, son gouvernement a lancé la vente aux enchères en ligne des logements de familles qui n’étaient plus en mesure de s’acquitter de leur dette envers leur banque, en ayant recours à des méthodes anticonstitutionnelles et à la violence policière. Comme avocate, j’ai même vu la police user de gaz lacrymogène dans un tribunal. Pour complaire à la troïka, il a même criminalisé les manifestations contre la vente aux enchères des domiciles.

En tant que dirigeante du parti Trajet de liberté, j’ai appelé le peuple grec à résister à la troïka et à Syriza, son gouvernement vassal. Nous demandons le soutien de tous les progressistes, y compris de nos amis du parti travailliste britannique.

Syriza n’est pas le parti de gauche qu’il prétend être. Il est devenu un zombie politique, piétinant toutes les valeurs progressistes alors qu’il se rend, tel un somnambule, vers son trépas électoral. Sa destitution est la première étape vers la restauration de la démocratie en Grèce.

Zoe Konstantopoulou est l’ancienne Présidente du Parlement hellénique.

Traduit depuis l’anglais par Hélène Tagand

Source http://www.cadtm.org/Si-vous-aimez-la-Grece-aidez-nous-a-nous-debarrasser-d-Alexis-Tsipras-et-de-son

Délit de solidarité : acharnement judiciaire

Martine Landry : l’acharnement judiciaire Publié le 25.07.2018 Amnesty international

Le 24 juillet 2018, dans la soirée, nous apprenions avec consternation que le procureur général d’Aix-en-Provence faisait appel du jugement rendu le 13 juillet par le tribunal correctionnel de Nice. La relaxe avait été prononcée pour Martine Landry poursuivie pour « aide à l’entrée sur le territoire de deux mineurs en situation irrégulière ».

Quelques jours après avoir été relaxée, Martine Landry déclare : « Cette décision me sidère. Je pensais pouvoir recommencer à vivre normalement, sans épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Mon répit est de courte durée. Je reste toutefois déterminée et sûre de la légalité de mes actes ».

Lire aussi : Une militante accusée de délit de solidarité

Le parquet fait appel

La procédure devant le tribunal correctionnel de Nice a duré près d’un an du fait de reports, demandés notamment par le parquet.

Le parquet est garant de l’intérêt public. En première instance, la procureure [du tribunal de Nice] avait demandé la relaxe. Il est assez étonnant que la protection de ce même intérêt public exige une condamnation dix jours après la relaxe prononcée.

Alors que le tribunal correctionnel de Nice avait reconnu la légitimité de l’action de Martine Landry, la décision du parquet de faire appel est un nouveau coup porté à la solidarité et la fraternité aux frontières, et nos associations dénoncent un acharnement contre leur militante.

Source https://www.amnesty.fr/refugies-et-migrants/actualites/martine-landry-lacharnement-judiciaire


Lire sur le même sujet https://www.20minutes.fr/justice/2312811-20180725-nice-parquet-fait-appel-relaxe-benevole-aide-entree-migrants

Italie Grèce la question migratoire

Italie 2018 vs Grèce 2015 : deux façons opposées d’aborder la question migratoire Par

Dans une Italie bien moins exposée aux arrivées d’exilés que par le passé, le ministre de l’intérieur Matteo Salvini se répand en propos xénophobes tandis que les attaques racistes se multiplient. Rien à voir avec la Grèce de l’été 2015 qui, asphyxiée financièrement, avait généreusement accueilli les personnes qui débarquaient chaque jour par milliers.

Surenchère, inconscience et provocation. Tels semblent être les moteurs du ministre italien de l’intérieur, Matteo Salvini, depuis qu’il a pris ses fonctions, le 2 juin dernier. Ces derniers jours, il est allé jusqu’à citer quasiment mot pour mot Mussolini, lançant sur Twitter, à l’occasion du jour anniversaire de l’ancien dictateur fasciste : « Tellement d’ennemis, tellement d’honneur ». Quant aux agressions racistes qui se multiplient depuis quelques mois dans le pays, il a répondu ce lundi : « Je rappelle qu’il y a environ 700 délits commis chaque jour en Italie par des immigrés, soit près d’un tiers du total, et ceci est la seule vraie urgence pour laquelle je me bats en tant que ministre. »

Il faut rappeler que le tonitruant vice-président du Conseil italien avait commencé son mandat par ces mots : « Pour les clandestins, la fête est finie. » Il ne donnait alors qu’un mauvais avant-goût de ce qui allait se passer par la suite : opposition au débarquement de l’Aquarius – puis d’autres navires ayant secouru des humains en pleine mer –, avalanche de propos xénophobes sous couvert de « bon sens », annonces d’expulsions massives, fantasme sur la réalité du phénomène migratoire en Italie… Depuis à peine deux mois qu’il est au gouvernement, Salvini a répandu sa haine dans les médias, sur les réseaux sociaux, et dans les réunions européennes, réduisant l’exercice de la politique à une communication abjecte tous azimuts sans pour autant mettre en œuvre de mesures concrètes.

Le chef de la Ligue (extrême droite) s’est ainsi imposé comme le numéro un de facto de ce gouvernement italien inédit, éclipsant le très discret Giuseppe Conte, chef officiel de l’exécutif, mais aussi son partenaire de la coalition gouvernementale et autre vice-premier ministre, Luigi Di Maio, dont le Mouvement Cinq Étoiles était pourtant arrivé en tête des élections du 4 mars avec un score près de deux fois supérieur à celui de la Ligue (33 % contre 17 %).

De fait, les Cinq Étoiles ne contestent guère l’orientation prise par le ministre de l’intérieur. À croire qu’ils partagent avec lui le rejet des “migrants”, la critique des ONG, et sa façon d’exercer la pression sur les autorités européennes. Au sein du mouvement, seules deux élues régionales ont publiquement émis des réserves sur la ligne du M5S depuis qu’il est au gouvernement.

Le chemin emprunté par Matteo Salvini est pourtant tout autant égoïste que les attitudes européennes qu’il entend dénoncer. A-t-il une seule fois, lorsqu’il était eurodéputé, manifesté un geste de solidarité avec Athènes quand la Grèce faisait face à un afflux autrement plus important, il y a trois ans ? A-t-il une seule fois, au cours de ses deux mandats à Strasbourg, proposé une solution européenne à la question migratoire ?

Sans vouloir minimiser les difficultés de l’Italie ni l’accueil réalisé depuis des années par ce pays face à une Europe de moins en moins solidaire, force est de constater que l’attitude de Salvini est surtout révélatrice de la manière dont un pays peut s’enfoncer dans la xénophobie devant une immigration fantasmée, quand d’autres ont su au contraire faire preuve d’humanisme et de solidarité, tout en recourant, aussi, à l’aide européenne dont ils avaient cruellement besoin.

Lorsque, à l’été 2015, la Grèce, asphyxiée financièrement et prise dans l’étau du chantage européen après l’arrivée au pouvoir de Syriza, se retrouve aux avant-postes de l’arrivée des exilés des conflits en Syrie et en Irak, nulle vague xénophobe ne se fait jour. Ni de la part du gouvernement, ni du côté de la société. L’organisation criminelle néo-nazie Aube dorée – sous le coup de poursuites judiciaires depuis le printemps 2015 – qui avait percé à environ 6 % des voix aux élections de 2012, au pire moment de la crise économique, ne progresse pas d’un pouce. À droite comme au gouvernement, le discours reste dans l’ensemble modéré vis-à-vis des migrants.

Entre juin et décembre 2015, ce sont pourtant près de 900 000 personnes qui passent par les îles grecques, puis par la Grèce continentale, pour rejoindre la « route des Balkans ». À Lesbos – l’une des îles les plus proches de la Turquie –, à Idomeni  – à la frontière avec la Macédoine –, mais aussi au port du Pirée, à Athènes, et en d’innombrables points de ce parcours, les solidarités s’organisent, des gens qui n’avaient jamais aidé s’activent.

De passage à Paris en mars dernier à l’occasion d’une exposition au théâtre d’Aubervilliers, Vassilis Tsartsanis nous avait raconté cet élan spontané. Pendant des mois, cet habitant d’Idomeni a vu, chaque jour, quelque 500 personnes passer la frontière entre la Grèce et la Macédoine. Jusqu’à son démantèlement, en mai 2016, le “camp” d’Idomeni accueillera jusqu’à 15 000 personnes. « Les gens du village ont ouvert leurs cœurs, leurs armoires, leurs maisons pour aider ces exilés. Je ne suis pas du genre à être fier de mon village, mais là, je dois dire que nous avons vécu quelque chose d’extraordinaire. Il n’y a pas eu une seule manifestation raciste. »

On en viendrait presque à s’étonner, aujourd’hui, du pacifisme et de la tolérance des Grecs face à l’arrivée de ces exilés en 2015, alors que le pays traversait sa sixième année consécutive d’austérité et de récession. Il en ressort une évidence : à la différence de l’Italie aujourd’hui, la société hellène n’avait pas été provoquée par des propos inconséquents et racistes de la part de son gouvernement. S’il allait être progressivement transformé par son leader Alexis Tsipras, le parti de gauche au pouvoir Syriza n’avait pas oublié son ADN de parti traditionnellement engagé dans la défense des droits des immigrés.Au ministère de la politique migratoire, c’est d’ailleurs un militant de la société civile qui occupe le poste de septembre 2015 à début 2018, Yannis Mouzalas. Dans l’interview qu’il nous accorde en septembre 2016, il demande, lui aussi, l’aide européenne. Mais son approche humanitaire et son propos posé n’ont rien à voir avec les déclarations irrationnelles et démagogiques de Salvini aujourd’hui.

Moins de 20 000 personnes arrivées par la mer

« Voici ce que nous voudrions faire, expliquait alors Yannis Mouzalas face à la situation des quelque 60 000 exilés coincés en Grèce depuis la fermeture de la « route des Balkans » et l’accord UE-Turquie, développer des hébergements qui ne soient plus du provisoire. Pas sous la forme de tentes, mais sous la forme de constructions en dur, avec des espaces pour cuisiner, des classes pour les enfants, des soins médicaux. Il faut aider en particulier les enfants, qui représentent environ 40 % des 50 000 réfugiés sur le continent. Il faut que ces jeunes retrouvent le contact avec le système scolaire, soit en allant directement dans les écoles grecques les plus proches, soit par le biais de classes spéciales dans les camps. »

On est loin, très loin de l’attitude du ministre de l’intérieur italien qui a promis « un bon coup de ciseaux » dans les cinq milliards d’euros du budget national consacrés à l’accueil des demandeurs d’asile. À peine trois semaines après sa prise de fonction, Matteo Salvini s’est en outre rendu à Tripoli pour y poursuivre la coopération de Rome avec les autorités libyennes et défendre l’idée, dans cet État failli, de « centres d’accueil et d’identification » pour les migrants cherchant à rejoindre l’UE.

Bien que la Turquie et la Libye ne soient pas comparables, le Grec Yannis Mouzalas, lui, n’était pas du tout dans ce type d’approche bilatérale focalisée sur le blocage des traversées. Il était réservé sur l’accord UE-Turquie ; et sans le remettre complètement en cause, il insistait sur l’absolue nécessité de permettre à tous les arrivants sur les îles grecques d’avoir accès à une procédure de demande d’asile en bonne et due forme. Il était hors de question, pour ce membre du gouvernement Tsipras, d’envisager une expulsion si la personne n’avait pas pu effectuer sa demande d’asile.

Lorsque nous interrogeons Yannis Mouzalas, nous sommes un an après le pic des arrivées en Grèce. Si leur nombre a chuté, les débarquements continuent et ne s’interrompront pas les années suivantes. Depuis début 2018, plus de 15 000 personnes ont encore rejoint l’archipel de la mer Égée.

En Italie, pays six fois plus peuplé que la Grèce, ce sont moins de 20 000 personnes qui sont arrivées par la mer depuis le début de l’année. De nombreux incidents racistes ont pourtant été répertoriés. Parmi les plus notables, il y a eu en février, à Macerata (centre du pays), une fusillade de personnes noires par un militant de la Ligue, au cours d’une campagne électorale entièrement focalisée sur la question migratoire. Début juin, un jeune Malien, Soumaila Sacko, est assassiné en Calabre. Quelques jours plus tard, en Campanie, trois hommes tirent sur deux Maliens à bout portant avec un pistolet à air comprimé – et comme pour illustrer l’impact qu’une xénophobie affichée au plus haut sommet de l’État peut avoir sur la population, les tireurs auraient, d’après des témoins, crié « Salvini, Salvini ! ».

Ce dimanche, près de Turin, c’est une lanceuse de disque, Daisy Osakue, qui est blessée à un œil après avoir reçu un œuf lancé depuis une voiture. Née en Italie de parents nigérians, cette athlète risque de ne pas pouvoir participer aux championnats d’Europe la semaine prochaine à Berlin. Ce même week-end, un Marocain pris en chasse en voiture par des Italiens l’accusant d’être un cambrioleur, dans une petite ville au sud de Rome, a fini mort à l’hôpital… Tandis qu’à Palerme, un Sénégalais a été roué de coups par un groupe d’Italiens sous les cris de « sale nègre ».

Certes, il existe aussi, en Italie, une multitude d’initiatives solidaires envers les immigrés. Mais le discours ambiant, alimenté sans scrupule par le chef de la Ligue et antérieur à lui, ne leur est pas favorable. Il faut reconnaître que les gouvernements précédents avaient préparé le terrain, se rapprochant déjà de la Libye, rendant difficile la régularisation des immigrés, et finissant par mettre des entraves, à l’été 2017, au travail des ONG. Quant aux médias, ils ont aussi leur part de responsabilité dans ce développement.

« L’Italie est en campagne électorale depuis 2013, écrivait le mois dernier l’auteur de l’enquête Gomorra, Roberto Saviano, dans Le Monde. Savez-vous ce que cela signifie ? Que tout est communication politique – et la communication politique est une chose très différente de la politique elle-même : c’est de la communication, de la vulgarisation, de la simplification. Cela signifie que les Italiens sont entourés, assiégés, écrasés sous le poids d’une politique qui, loin d’être réelle, se fait dans les talk-shows et sur les réseaux sociaux. (…) Cela signifie que ceux qui parlent des migrants comme d’un fléau à éradiquer obtiennent aussitôt de la visibilité, surtout s’ils ont gagné en crédibilité dans des milieux dits “de gauche”. (…) Mais la triste vérité, c’est que, malgré tout, ce gouvernement plaît – et ses soutiens se multiplient – parce qu’il indique des cibles, des ennemis à lapider, des catégories de personnes contre lesquelles se battre. »

Le journaliste d’investigation Roberto Saviano est l’une des rares personnes connues en Italie à s’être élevée, publiquement, contre l’orientation prise par Matteo Salvini. Le ministre a d’ailleurs déposé plainte contre lui il y a une quinzaine de jours, à la suite d’un tweet le mettant en cause. La société italienne semble peu mobilisée : seule une petite manifestation a eu lieu à Rome début juillet, pour critiquer la politique migratoire de l’exécutif.

Au-delà du positionnement du gouvernement transalpin, c’est donc tout un environnement qui baigne, aujourd’hui, dans le fantasme de l’immigration. « Comment un pays de 60 millions d’habitants peut-il se considérer comme envahi par 150 000 personnes ?, s’interrogeait cet hiver Giuliano Giuliani, un homme engagé bénévolement auprès des étrangers rencontré au cours d’un reportage à Gênes. C’est une folie que de penser de cette manière. Et c’est une hypocrisie. Léconomie des régions riches comme la Lombardie et la Vénétie repose en grande partie sur la main-d’œuvre immigrée… » À l’exact opposé de la Grèce, cette “invasion” que subirait l’Italie fait maintenant partie du magma médiatique dominant.

Source https://www.mediapart.fr/journal/international/310718/italie-2018-vs-grece-2015-deux-facons-opposees-d-aborder-la-question-migratoire

La Grèce sauvée? …Pas sûr

La Grèce est sauvée ? … Pas sûr après les privatisations et le recul industriel ! Par Gabriel Colletis

Qu’il s’agisse du gouvernement grec dont le Premier ministre, Alexis Tsipras, a mis récemment pour la première fois une cravate pour signifier qu’il considérait qu’il avait résolu le problème de la dette ou des institutions de la célèbre « Troïka » – le FMI, la BCE et la Commission européenne- tout le monde semble s’accorder pour considérer que la Grèce est sauvée. Par Gabriel Colletis*, Professeur d’Economie à l’Université de Toulouse 1

Après trois mémorandums, des dizaines de réformes ayant exténué le pays, la Grèce, assainie, serait enfin sortie de ses difficultés et pourrait retrouver enfin le chemin de la croissance et même se financer toute seule sur les marchés.

Observée d’un peu près, la réalité apparaît tout autre

En dix ans, le recul des salaires et des pensions de retraite est considérable, supérieur à 30%. La baisse des dépenses publiques de santé et d’éducation dépasse les 40%. La pression fiscale n’a jamais été aussi forte et on ne compte plus les impôts nouveaux. Le PIB s’est effondré (-25%) de même que les investissements (-40%).

Derrière ces chiffres un peu froids, on découvre une vie quotidienne des Grecs qui s’est très gravement détériorée : le chômage touche près du quart de la population active, la pauvreté s’est largement étendue, l’angoisse face à la maladie touche tout le monde, des centaines de milliers de jeunes Grecs (les mieux formés) ont quitté la Grèce à la recherche d’un emploi, hypothéquant ainsi l’avenir du pays. Dans certaines îles, y compris les plus touristiques comme Corfou, les ordures s’accumulent le long des trottoirs sur des dizaines de mètres de long.

Tout cela pourquoi ou avec quelle justification ? Faire tomber le poids de la dette publique afin d’assainir l’économie, a-t-on expliqué aux Grecs comme aux autres peuples des autres pays européens. Eh bien, cette dette n’a nullement reculé et avoisine toujours les 180% du PIB ! La Grèce n’a pas seulement perdu dix ans, elle a, en réalité, perdu son avenir.

Les privatisations opérées privent la Grèce des moyens de son développement. Le port commercial du Pirée a été cédé aux Chinois qui l’utilisent pour déverser leurs marchandises dans l’Europe entière. Les aéroports et nombre d’infrastructures essentielles (chemins de fer, eau, distribution de l’électricité) ont également été vendus à des groupes étrangers (allemands principalement, mais aussi en partie français grâce à l’invitation faite aux firmes françaises par l’ex-Président Hollande d’aller faire de bonnes affaires en Grèce).

Un sauvetage en trompe-l’œil

Contrairement aux illusions entretenues quant à la possibilité d’un redémarrage des exportations industrielles grâce à la baisse des salaires et la fin des conventions collectives, la balance commerciale grecque reste très gravement déficitaire. Les importations de la Grèce (des appareils de communication électroniques aux produits alimentaires en passant par les vêtements, l’équipement de la maison, les automobiles, les machines de toutes sortes qui sont employées dans l’agriculture et ce qui reste de l’industrie) excèdent, en effet, largement ses exportations. Et les recettes du tourisme sont loin d’être suffisantes pour couvrir ce déséquilibre.

Le problème largement ignoré est ainsi moins la faiblesse des exportations que l’extrême dépendance de la Grèce à ses importations. Ici réside le véritable problème de l’économie grecque et non dans la dette de l’État.

Les gouvernements grecs successifs -dont l’actuel- portent, avec la complicité de fait du FMI et des institutions européennes, une responsabilité écrasante dans ce qui est non le sauvetage, mais le naufrage de la Grèce. Ils n’ont pas compris que l’urgence était d’engager un véritable programme de développement du pays centré sur un renouveau des activités productives orientées vers la satisfaction des besoins fondamentaux des Grecs (industrie et agriculture) tout en permettant de réduire les importations.

Ce développement aurait de plus permis à l’État d’élargir la base de ses recettes fiscales, de réduire ainsi son déficit et à terme sa dette.

La politique économique conduite avant comme après 2015 a comme seule cohérence d’obéir à la doxa dominante. Elle aura été néfaste au pays comme à sa population.

Gabriel Colletis est Professeur d’Économie à l’Université de Toulouse 1-Capitole et Président de l’Association du « Manifeste pour l’industrie » http://manifestepourlindustrie.org/.
Il a publié un ouvrage intitulé « Exo apo tin Krisi », Editions Livanis 2014. Il a conseillé plusieurs membres du gouvernement grec jusqu’en juillet 2015.

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