CR Réunion du collectif du 22 janvier 2018

Réunion du collectif « Citoyens de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe » du 22/01/2018

Présents : Marie-Claude, Béatrice, Lucienne, Liliane, Georges, Max

Excusés : Christine, Jean-Michel

Soirée du 6 mars 2018 à la MDA de Grenoble

Le déroulement :

– début 20h
– présentation du collectif de ses buts et de ses actions
– présentation rapide de la réalisatrice (Éloïse Lebourg) et de Nicolas (qui a participé aux convois solidaires de mars et de novembre)
– projection du film « Sur la route d’Exarcheia » (57 mn)
– discussion avec Éloïse et Nicolas, sur le déroulement de ces convois, sur la situation en Grèce …

Avant la soirée :

de 19h – 20h buffet partagé avec Éloïse, Nicolas, les membres du collectif et les membres d’Attac et du Cadtm qui voudront bien y participer, en informer la MDA (Max)

A l’entrée de la salle :

– table(s) avec :

* produits VIOME + information sur leur situation et sur la prochaine commande groupée
* confitures d’Isabelle vendues au profit des dispensaires
* tracts de présentation du collectif
* tracts d’appel aux dons pour les dispensaires
* chapeau pour la participation aux frais
– les panneaux d’information sur la situation en Grèce d’Isabelle

Pratique :

Éloïse arrivera en début d’après-midi et fera du covoiturage pour limiter les frais. Prévoir son hébergement et éventuellement celui de Nicolas s’il veut rester sur Grenoble.

Popularisation de la soirée :

– confection d’un tract et d’une affiche formats A4, A5 et éventuellement A6 à partir de l’affiche et du synopsis du film (Max)
– distribution du tract lors de la soirée du 28/2 à la Bobine (conférence gesticulée : chronique d’une ex banquière)
– affichage sur les panneaux de la MDA
– dépôts : MDA, bibliothèques, Maison des habitants, Mnei, Bobine …
– tenue d’un stand avec distribution de tracts samedi 3 mars place Félix Poulat, Georges fait la demande d’autorisation auprès de la mairie
– annonce sur le site et le Tamis (Christine), le Petit Bulletin et les Antennes (Georges)
– liste informer d’Attac 38 (Béatrice)
– liste d’info du Cadtm/G (Marie-Claude)
– courriel aux associations, partis, syndicats (Max)
– les Grecs de Grenoble (Christine)
– associations de Pontcharra et du Trièves qui ont participé au convoi de mars,  attac 73,  Nicolas, CSPG de lyon, Secol (Christine)

Prochaine réunion du collectif

Lundi 26 février 2018 de 17h à 19h salle 200 de la Maison des associations de Grenoble

Grèce : limitation du droit de grève

Mouvement de contestation en Grèce contre le projet de Tsipras de limiter le droit de grève

En Grèce, le projet du gouvernement de limiter le droit de grève a provoqué vendredi dernier un mouvement de contestation important. A Athènes la journée a été marquée par de gigantesques embouteillages, provoqués par les blocages des transports publics, des trains et des bateaux ainsi que par un ralentissement du fonctionnement des hôpitaux.

Pablo Morao lundi 15 janvier

Crédits photo : Aris Messinis/AFP

Les nouvelles réformes du gouvernement n’ont pas plu aux travailleurs et ils l’ont fait savoir en exerçant, vendredi dernier, leur droit acquis de haute lutte : la grève. Un droit que le gouvernement entend réduire. Alors que jusqu’ici, les syndicats pouvaient lancer une grève s’ils disposaient du soutien de 20% de leurs membres, le gouvernement entend passer ce taux à 50%, durcissant de fait la possibilité de journées d’action.

A l’appel des principaux syndicats, 20 000 personnes ont défilé dans les rues de Athènes. Particulièrement suivie dans les transports publics, la grève a provoqué des embouteillages monstres autour de la capitale grecque. Les dockers se sont également mobilisés en bloquant les bateaux, tandis que les hôpitaux fonctionnaient au ralenti.

Cette mesure portée par le gouvernement de Syriza fait partie des 140 « actions prioritaires » imposées par la Troïka, des mesures dont la mise en place constitue la condition de l’obtention d’aides financières et d’étalement de la dette. Depuis qu’il a capitulé devant la Troika et les créanciers, le gouvernement de Tsipras a mis en place scrupuleusement ce programme concocté par le FMI, la BCE, le Mécanisme Européen de Stabilité et la Commission Européenne. En parallèle de cette politique, la droite de Nouvelle Démocratie continue sa progression dans les sondages.

Imposée par les créanciers, la remise en cause du droit de grève illustre de manière particulièrement criante 3 années de trahisons. Par-delà toutes les souffrances qu’il aura et continue de causer, le gouvernement Tsipras aura au moins eu le mérite de démontrer les limites inhérentes à tout projet de « gauche » qui ne pose pas comme horizon la rupture avec l’ordre capitaliste, quand bien même il serait soutenu par des mobilisations et par un peuple qui avait exprimé clairement, lors du référendum de juillet 2015, son refus des plans austéritaires de la Troika.

Dès lors, la grève constitue l’ultime moyen de lutte d’un peuple qui souffre et que ses dirigeants ont choisi de sacrifier sur l’autel de l’austérité. La limitation de ce droit apparaît comme un moyen de faire taire les travailleurs. Une mesure paradoxale car cela fait bien longtemps que le gouvernement est sourd à toutes leurs revendications

http://www.revolutionpermanente.fr/Grece-les-travailleurs-en-greve-pour-le-droit-de-greve

E. Toussaint au sujet de Yanis Varoufakis 4eme partie

Série : Le témoignage de Yanis Varoufakis : accablant pour lui-même

Varoufakis s’est entouré de tenants de l’ordre dominant comme conseillers

Partie 4 18 janvier par Eric Toussaint

Si vous n’avez pas encore lu Conversations entre Adultes de Yanis Varoufakis, commandez-le à votre libraire. Cela se lit comme un polar politique, il y a du suspense, des rebondissements, des trahisons… L’immense intérêt de ce livre c’est que l’auteur donne sa version d’évènements qui ont influencé et influencent encore la situation internationale, en particulier en Europe mais aussi au-delà car la déception provoquée par la capitulation du gouvernement de la gauche radicale grecque marque profondément les esprits.

La série d’articles que je consacre au livre de Varoufakis constitue un guide pour des lecteurs et des lectrices de gauche qui ne souhaitent pas se contenter de la narration dominante donnée par les grands médias et les gouvernements de la Troïka ; des lecteurs et des lectrices qui ne se satisfont pas non plus de la version donnée par l’ex-ministre des Finances. En contrepoint du récit de Varoufakis j’indique des évènements qu’il passe sous silence et j’exprime un avis différent du sien sur ce qu’il aurait fallu faire et sur ce qu’il a fait. Mon récit ne se susbtitue pas au sien, il se lit en parallèle.

Lire les 3 précédents articles de la série :

La critique de la politique qui a été suivie par le gouvernement grec en 2015 ne consiste pas principalement à déterminer les responsabilités de Tsipras ou de Varoufakis en tant qu’individus Il est essentiel de prendre le temps d’analyser la politique mise en pratique par Varoufakis et le gouvernement Tsipras car, pour la première fois au 21e siècle, un gouvernement de gauche radicale a été élu en Europe. Comprendre les failles et tirer les leçons de la manière dont celui-ci a affronté les problèmes qu’il rencontrait sont de la plus haute importance si on veut avoir une chance de ne pas aboutir à un nouveau fiasco. Dans d’autres pays d’Europe, une majorité d’électeurs et d’électrices pourrait porter au gouvernement des forces de gauche qui promettent de rompre avec la longue nuit néolibérale. Ces pays ne sont certes pas nombreux mais ils existent. De toute façon, même là où les chances d’arriver au gouvernement sont très limitées, il est fondamental de présenter un programme cohérent de mesures qui devraient être prises par un gouvernement aussi fidèle au peuple que le sont les gouvernants actuels à l’égard du grand capital.

La critique que je fais des choix de Varoufakis est précise et elle est dure, sans concession. Il n’en demeure pas moins que Varoufakis a pris la peine de communiquer ce qu’il considère être sa part de vérité. Il a pris des risques en le faisant. S’il n’avait pas écrit ce livre, bien des faits importants seraient restés inconnus. Il ne faut pas s’attendre à ce que Tsipras livre sérieusement sa version de ce qui s’est passé. Il lui est impossible de relater son action et de la justifier. Si un jour il lui arrive de signer un récit, il aura été écrit par quelqu’un d’autre et il sera rempli de lieux communs.

Il faut aussi faire une distinction entre Tsipras et Varoufakis : l’un a signé le 3e mémorandum et l’a fait passer au parlement grec, l’autre s’y est opposé, a quitté le gouvernement le 6 juillet et, en tant que député, a voté contre le mémorandum le 15 juillet 2015.

L’enjeu est de tirer des leçons sur ce qu’un gouvernement de gauche radicale peut faire dans la zone euro L’enjeu de la critique de la politique qui a été suivie par le gouvernement grec en 2015 ne consiste pas principalement à déterminer les responsabilités respectives de Tsipras ou de Varoufakis en tant qu’individus. Ce qui est fondamental, c’est de réaliser une analyse de l’orientation politico-économique qui a été mise en pratique afin de déterminer les causes de l’échec, de voir ce qui aurait pu être tenté à la place et d’en tirer des leçons sur ce qu’un gouvernement de gauche radicale peut faire dans un pays de la périphérie de la zone euro.

Dans cette partie, nous présentons les conseillers dont s’est entouré Varoufakis. Force est de constater que, dès l’étape de sélection de ses principaux conseillers, Yanis Varoufakis s’est entouré de personnes peu disposées à réaliser les promesses de Syriza (c’est le moins qu’on puisse dire) et à mettre en œuvre des politiques alternatives afin de sortir la Grèce de l’emprise de la Troïka.

Les conseillers de Yanis Varoufakis comme ministre

Dans son ouvrage, Varoufakis décrit l’équipe de ses conseillers directs et lointains. La manière dont l’équipe a été composée est terrible. La logique qui a présidé aux choix des personnes explique en partie l’échec qui allait suivre. Ce n’est pas l’élément déterminant mais cela a joué un rôle.

Pour désigner un vice-ministre des Finances en charge de superviser le Trésor, un poste de la plus haute importance, Varoufakis raconte qu’il a consulté Alekos Papadopoulos, un ancien ministre des Finances des années 1990, issu du Pasok. Varoufakis explique qu’il avait collaboré avec Papadopoulos pour rédiger le programme économique que Georges Papandréou a présenté aux élections de 2004 remportées par les conservateurs de la Nouvelle démocratie. Syriza qui se présentait pour la première fois à des élections avait obtenu 6 députés avec 3,3 % des voix. Nouvelle démocratie de Karamanlis avait obtenu 45,4 % des voix et le Pasok conduit par Papandreou avait récolté 40,5 % des suffrages.

Varoufakis écrit : « Papadopoulos était dans l’opposition par rapport à Syriza, mais il était prêt à me soutenir personnellement et m’a promis de me trouver quelqu’un. (…) Le soir-même il m’a envoyé un sms en me donnant le nom de Dimitris Mardas  » |1|. Varoufakis contacte Mardas directement et lui propose le poste de vice-ministre des Finances.

Il faut savoir que le 17 janvier 2015, huit jours avant la victoire de Syriza, Mardas a publié un article particulièrement agressif contre la députée de Syriza Rachel Makri sous le titre « Rachel Makri vs Kim Jong Un et Amin Dada ». L’article se concluait par la très éloquente question (soulignée parlui-même) « Sont-ce ceux-là qui vont nous gouverner ? ». Dix jours plus tard, ce même Mardas devenait, grâce à Varoufakis, ministre suppléant des Finances. Varoufakis explique dans son livre qu’après un mois comme ministre il s’est rendu compte qu’il avait fait un mauvais choix. Signalons que Mardas, qui a soutenu la capitulation en juillet 2015, a été élu député Syriza aux élections de septembre 2015. Papadopoulos a lui aussi soutenu le 3e mémorandum de juillet 2015 |2|.

Varoufakis explique qu’en second lieu il devait choisir le Président du Conseil des économistes. Il se rend compte que ce poste avait été pourvu en son nom par le vice-premier ministre Dragasakis. Ce dernier avait en effet choisi George Chouliarakis, un économiste d’une trentaine d’années qui avait enseigné à l’Université de Manchester avant d’être transféré à la Banque centrale de Grèce. Chouliarakis a joué un rôle néfaste dès l’entrée en fonction de Varoufakis et pourtant celui-ci l’a gardé jusqu’à la fin. Son nom reviendra plusieurs fois dans le récit des évènements.

Ensuite Varoufakis a intégré à son équipe Elena Panaritis, parce qu’elle connaissait bien le langage et le modus operandi de la Troïka. Panaritis, en tant que députée du Pasok, avait voté en faveur du premier mémorandum de 2010. Avant cela, elle avait travaillé à Washington, surtout à la Banque mondiale, où elle s’était construit, selon Varoufakis, un excellent réseau de personnalités proches des institutions basées à Washington. Notamment l’ancien Secrétaire du Trésor, Larry Summers, à qui elle a présenté Varoufakis. Panaritis, dans les années 1990, a travaillé pour la Banque mondiale au Pérou où elle a collaboré avec le régime néolibéral, corrompu et dictatorial d’Alberto Fujimori. Varoufakis raconte : « Quand je l’ai revue avant les élections, je n’ai pas hésité une seconde à lui demander de me rejoindre. Il n’y a pas mieux pour se battre contre le diable que quelqu’un qui l’a servi et qui est devenu son pire ennemi. » |3| La suite a montré que loin d’être devenue son pire ennemi, elle a continué à collaborer avec lui.

Sa nomination comme conseillère du ministre des Finances a provoqué dès le début des remous dans Syriza et Tsipras a essayé de convaincre Varoufakis de s’en défaire. Ensuite, il s’en est très bien accommodé. Plus tard, quand Varoufakis, en mai 2015, a fait nommer, avec l’accord de Tsipras, Panaritis représentante de la Grèce au FMI, cela a provoqué une telle levée de boucliers dans Syriza et au parlement, qu’elle a finalement dû renoncer à ce poste le 1er juin 2015 |4|.

Dans son équipe, Varoufakis a également incorporé Glenn Kim, spécialiste des marchés financiers et en particulier du marché des dettes souveraines. En 2012, il avait collaboré à la mise en œuvre de la restructuration de la dette grecque notamment comme consultant des autorités allemandes. Quand Varoufakis a pris contact avec Glenn Kim, celui-ci lui a dit qu’il travaillait comme consultant pour le gouvernement islandais, qu’il aidait à mettre fin au contrôle des capitaux en vigueur depuis 2008. Cela convenait très bien à Varoufakis qui, à tort, ne voulait surtout pas recourir à un contrôle des mouvements de capitaux, alors qu’il aurait dû prendre en compte les résultats positifs obtenus en Islande.

Varoufakis écrit : « Un cynique dirait que les experts genre Glenn travaillent exclusivement pour l’argent et pour leur carrière personnelle. Peut-être. Mais être entouré de personnes comme lui, qui connaissent toutes les arcanes du pouvoir, est un atout précieux. » Précisons que Glenn Kim a continué à conseiller Tsipras après la capitulation de juillet 2015 |5|.

Des personnalités avec lesquelles il ne fallait surtout pas s’allier si on voulait réellement promouvoir une solution favorable au peuple grec.

Varoufakis se félicite d’avoir accepté les services de la Banque Lazard et de son directeur, le Français Matthieu Pigasse |6|. La banque Lazard avait collaboré, en échange de dizaines de millions d’euros de commission, à la restructuration de la dette grecque réalisée par la Troïka en 2012. Selon Varoufakis, Matthieu Pigasse et Daniel Cohen (professeur à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm à Paris et conseiller de Lazard |7|) qui l’accompagnait « ont réussi à me convaincre en me vantant les avantages de leur complicité, en s’excusant et me proposant leurs précieux services pro bono pour remettre la Grèce debout. Avec des transfuges de cette trempe à nos côtés, notre force technique était décuplée, voire plus. » |8|

Dans l’équipe internationale dont s’est entouré Varoufakis, il faut citer James Galbraith qui lui a apporté un soutien constant et qui a fait plusieurs séjours à Athènes pendant les six premiers mois de l’année 2015. Parmi les personnes que mentionnent Varoufakis comme l’ayant aidé de très près, James Galbraith est le seul à être digne de confiance même s’il a soutenu une orientation beaucoup trop conciliatrice à l’égard des créanciers. James Galbraith est un économiste néokeynésien des États-Unis, proche du Parti démocrate, connaisseur de la politique internationale. En 2009, il avait eu des contacts étroits avec le gouvernement de Georges Papandréou. Galbraith a travaillé principalement sur le plan B et cela dans le plus grand secret. Il témoigne lui-même de cela dans l’ouvrage Crise grecque, tragédie européenne |9|. De tous les membres de l’équipe que mentionne Varoufakis, Galbraith est le seul à propos duquel on peut considérer qu’il pouvait réellement apporter une aide constructive aux autorités grecques. Il a défendu, aux côtés de Varoufakis, une orientation trop modérée qui ne correspondait pas aux défis qu’il fallait relever et il le reconnaît partiellement |10|. Daniel Munevar, un collaborateur de Galbraith, a apporté activement son soutien à Varoufakis dans la négociation avec les créanciers à partir de mars 2015 mais Varoufakis ne mentionne pas son nom |11|.

Varoufakis préfère mentionner des personnalités étrangères faisant partie directement de l’establishment : « Outre Norman (Lamont), mes partisans d’outremer comprenaient Jeff Sachs, économiste à l’Université de Columbia, Thomas Mayer, de la Deutsche Bank, Larry Summers, et Jamie Galbraith » |12|. Des personnalités avec lesquelles il ne fallait surtout pas s’allier, à part Galbraith, si on voulait réellement promouvoir une solution favorable au peuple grec. En voici quelques exemples.

Larry Summers, Jeffrey Sachs et d’autres : Varoufakis continue avec des choix incompatibles avec le programme de Syriza

Le parcours de Lawrence ‘Larry’ Summers comporte un certain nombre de taches qui auraient dû être indélébiles… et empêcher toute collaboration. Varoufakis a pourtant cherché systématiquement celle-ci et en est très satisfait. Il déclare dans l’introduction de son livre : « Nous étions largement d’accord sur l’essentiel, et ce n’était pas rien d’avoir le soutien du formidable Larry Summers (…) » |13|.

Le passé de Summers mérite qu’on souligne quelques étapes importantes.

En décembre 1991, alors économiste en chef de la Banque mondiale, Summers écrit dans une note interne : « Les pays sous-peuplés d’Afrique sont largement sous-pollués. La qualité de l’air y est d’un niveau inutilement élevé par rapport à Los Angeles ou Mexico. Il faut encourager une migration plus importante des industries polluantes vers les pays moins avancés. Une certaine dose de pollution devrait exister dans les pays où les salaires sont les plus bas. Je pense que la logique économique qui veut que des masses de déchets toxiques soient déversées là où les salaires sont les plus faibles est imparable. […] L’inquiétude [à propos des agents toxiques] sera de toute évidence beaucoup plus élevée dans un pays où les gens vivent assez longtemps pour attraper le cancer que dans un pays où la mortalité infantile est de 200 pour 1 000 à cinq ans |14| ». Il ajoute même, toujours en 1991 : « Il n’y a pas de […] limites à la capacité d’absorption de la planète susceptibles de nous bloquer dans un avenir prévisible. Le risque d’une apocalypse due au réchauffement du climat ou à toute autre cause est inexistant. L’idée que le monde court à sa perte est profondément fausse. L’idée que nous devrions imposer des limites à la croissance à cause de limites naturelles est une erreur profonde ; c’est en outre une idée dont le coût social serait stupéfiant si jamais elle était appliquée |15| ».

Devenu vice-secrétaire au Trésor sous Clinton en 1995, Summers pèse de tout son poids avec son mentor, le secrétaire d’État, Robert Rubin, pour obtenir l’élimination en 1999 de la loi qui séparait les métiers de banque de dépôt et de banque d’investissement et la remplacer par une loi dictée par les banquiers |16|. En 1998, avec Alan Greenspan, directeur de la Réserve fédérale et Robert Rubin, Summers avait aussi réussi à convaincre l’autorité de contrôle des bourses des matières premières, la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), d’abandonner toutes les barrières qui « entravaient » le marché des dérivés de crédits vendus de gré à gré (Over The Counter – OTC). La porte est alors grande ouverte pour une accélération de la dérèglementation bancaire et financière qui a abouti à la crise de 2007-2008 aux États-Unis et qui a eu des retombées en Grèce en 2009-2010.

Ajoutons qu’en 2000, Summers fait pression, en tant que secrétaire d’État au Trésor, sur le président de la Banque mondiale, James Wolfensohn, pour que celui-ci se débarrasse de Joseph Stiglitz, qui lui a succédé au poste d’économiste en chef et qui est très critique sur les orientations néolibérales que Summers et Rubin mettent en œuvre aux quatre coins de la planète où s’allument des incendies financiers. Après l’arrivée du président républicain George W. Bush, il poursuit sa carrière en devenant président de l’université de Harvard en 2001, mais se signale particulièrement en février 2005 en se mettant à dos la communauté universitaire après une discussion au Bureau national de la recherche économique (NBER) |17|. Interrogé sur les raisons pour lesquelles on retrouve peu de femmes à un poste élevé dans le domaine scientifique, il affirme que celles-ci sont intrinsèquement moins douées que les hommes pour les sciences, en écartant comme explications possibles l’origine sociale et familiale ou une volonté de discrimination. Cela provoque une grande polémique |18| tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’université. Malgré ses excuses, les protestations d’une majorité de professeurs et d’étudiants de Harvard l’obligent à démissionner en 2006.

En 2009, Summers est devenu membre de l’équipe de transition du président élu Barack Obama et a dirigé le Conseil économique national. En septembre 2010, Summers a quitté l’équipe d’Obama et a repris sa carrière à l’université d’Harvard tout en jouant un rôle dans les coulisses de la politique notamment à Washington. Varoufakis raconte qu’il a demandé à Helena Panaritis de le mettre en contact avec Summers en 2015 afin de pouvoir avoir une influence sur Obama d’une part et sur le FMI d’autre part.

Varoufakis a demandé également à Jeffrey Sachs, spécialisé lui aussi dans les jeux d’influence dans les coulisses de Washington, de collaborer de manière rapprochée, ce que celui-ci a accepté en se rendant plusieurs fois à Athènes, à Bruxelles, à Londres, à Washington en 2015, afin de renforcer l’équipe de Varoufakis. Jeffrey Sachs, comme Lawrence Summers, est lié au parti démocrate, et est présenté dans les médias dominants comme favorable à une solution douce aux crises de la dette en tenant compte des intérêts des pauvres |19|. Pourtant, Jeffrey Sachs a été conseiller de gouvernements néolibéraux qui ont appliqué la politique de la thérapie du choc dans leur pays : Bolivie (1985), Pologne (1989), Russie (1991). Dans son livre La Stratégie du choc. Montée d’un capitalisme du désastre (2008), Naomi Klein a dressé un réquisitoire implacable contre Jeffrey Sachs et les politiques qu’il a recommandées en collaboration avec le FMI, la Banque mondiale et les classes dominantes locales.

Varoufakis mentionne également le soutien indéfectible qu’il a reçu de Lord Norman Lamont qui a été Chancelier de l’Échiquier (ministre des Finances de Grande-Bretagne) dans le gouvernement du conservateur John Major de 1990 à 1993. « Mon amitié avec Lord Lamont of Lerwick, Tory et eurosceptique pur jus, le Chancelier qui avait permis à la Grande-Bretagne d’échapper au Système monétaire européen, s’accordait mal avec mon image d’extrême-gauchiste. » Varoufakis souligne l’importance de la collaboration avec Norman Lamont : « J’ai passé 162 jours à la tête du ministère des Finances et Norman a toujours été un soutien inébranlable, notamment pour finaliser la dernière version de mes propositions de réforme de la dette et de la fiscalité à soumettre à l’UE et au FMI » |20|.

Parmi les autres experts étrangers auxquels Varoufakis a eu recours et qui ont participé à l’élaboration des propositions qu’il a faites aux créanciers : Willem Buiter, qui a rejoint la banque Citigroup en 2010 comme économiste en chef, et Thomas Mayer, ex-économiste en chef de la Deutsche Bank.

Si l’on s’en tient au récit de Varoufakis, le rôle de ces personnalités n’a pas été anodin. Se référant au énième plan qu’il a proposé en mai 2015 aux créanciers, il écrit : « Le temps que j’atterrisse, le Plan pour la Grèce était finalisé. Jeff Sachs avait brillamment rectifié la version que je lui avais envoyée deux jours plus tôt. Norman Lamont avait effectué des ajouts importants ; l’équipe de Lazard avait affiné la proposition d’échange de dettes et Larry Summers avait avalisé l’ensemble. » |21|

Spyros Sagias, un autre exemple d’un défenseur de l’ordre dominant faisant partie du cercle étroit de Tsipras et de Varoufakis

Varoufakis explique qu’il a établi une relation étroite avec Spyros Sagias qui est devenu le conseiller juridique du Premier ministre Tsipras, avec qui il a fait connaissance quelques jours avant les élections. Le choix de Sagias par Tsipras en dit également long sur les priorités de Tsipras au moment de choisir son entourage en tant que chef du gouvernement. Il voulait autant que possible s’entourer de personnages pouvant établir des ponts avec l’establishment, avec le patronat, avec les créanciers. Sagias avait conseillé le gouvernement du socialiste Simitis dans les années 1990 au moment où celui-ci entamait un important programme de privatisations.

Varoufakis décrit Sagias de la manière suivante : « Sagias n’était pas un homme politique mais, comme il se présenta plus ou moins en riant, un avocat systémique. (…) Pas un seul grand contrat d’affaires où étaient en jeu intérêts privés et secteur public n’échappait à sa sagacité : privatisations, vastes projets immobiliers, fusions, il dominait tout. Il avait conseillé Cosco, le conglomérat chinois qui avait acheté des parts du Pirée et rêvait d’en acquérir la totalité, une privatisation à laquelle Syriza était farouchement opposé ». Il ajoute : « Le jour où Pappas m’avait dit que Sagias serait sans doute secrétaire de cabinet, j’avais été heureusement surpris : on aurait un as du droit parmi nous, un conseiller sachant rédiger des projets de loi imparables et déterrer les secrets honteux de l’ancien régime ». « Je l’aime bien, Sagias, pensais-je. Il avait conscience de fricoter avec l’oligarchie et ne s’en cachait pas » |22|. Sagias, comme le montre Varoufakis plus loin dans son livre, a soutenu les choix successifs qui ont amené à la capitulation définitive.

Ajoutons que pendant le gouvernement Tsipras I, il a aussi aidé Cosco à acquérir les parties du Port du Pirée que l’entreprise chinoise ne possédait pas encore |23|. C’est d’ailleurs la firme de Sagias qui avait rédigé la première convention avec Cosco en 2008. Après avoir quitté ses fonctions de secrétaire du gouvernement, Sagias s’est remis encore plus activement à son cabinet d’affaires |24|. Il est redevenu le conseil attitré de grands intérêts étrangers pour favoriser de nouvelles privatisations. Il a servi les intérêts de l’Émir du Qatar en 2016 qui souhaitait acquérir une île grecque, l’île d’Oxyas à Zakinthos, appartenant à une zone Natura. Sagias a également été le conseil de Cosco en 2016-2017 dans un litige avec les travailleurs du port du Pirée, quand il s’est agi de trouver une formule de départ anticipé (ou de licenciement déguisé) pour plus d’une centaine de travailleurs proches de l’âge de la retraite.

Dans la cinquième partie nous aborderons les évènements de janvier-février 2015 : les journées qui ont précédé la victoire attendue de Syriza le 25 janvier, la création du gouvernement Tsipras, le programme de Syriza, l’entrée en fonction de Yanis Varoufakis comme ministre des Finances et les négociations qui conduisent à l’accord funeste du 20 février 2015.

Notes

|1| Y. Varoufakis, Conversations entre adultes. Dans les coulisses secrètes de l’Europe, Les Liens Qui Libèrent, Paris, 2017, Chapitre 5, p. 127.

|2| Voir Vice, « The Former Finance Minister Who Tried to Warn Greece About the Crisis », publié le 15 juillet 2015, consulté le 12 novembre 2017

|3| Y. Varoufakis, op.cit., Chapitre 5, p. 129.

|4| Adea Guillot, « Grèce : l’ex-députée socialiste Elena Panaritis renonce au FMI », publié le 1er juin 2015, Le Monde

|5| Alors que, sous Varoufakis, il avait été défrayé de manière modeste, il a remis, en août 2015, une facture de 375 000 euros pour la période antérieure à juillet 2015. Cela a provoqué des remous et a alimenté la campagne de discrédit lancé par la presse dominante grecque contre Varoufakis. GRReporter, « A Korean adviser of Varoufakis claims a fee of €375,000 », publié le 9 août 2017, consulté le 12 novembre 2017

|6| La Banque Lazard est un groupe mondial de conseil financier et de gestion d’actifs. Entreprise franco-américaine à sa création en 1848, Lazard est aujourd’hui cotée à la bourse de New York et est présente dans 43 villes dans 27 pays. Son dirigeant le plus connu en France est Matthieu Pigasse. Sous sa conduite la banque a conseillé différents gouvernements en matière de dette ou de gestion d’actifs (entendez privatisations) : l’Équateur en 2008-2009 en ce qui concerne la dette, la Grèce en 2012 et en 2015, le Venezuela en 2012-2013. M.Pigasse a des intérêts directs dans le quotidien Le Monde, dans Huffington Post et dans le magazine Les Inrockuptibles. À la fin de l’année 2017, Matthieu Pigasse et la Banque Lazard se sont rangés aux côtés du régime corrompu et répressif du président congolais Denis Sassou-Nguesso pour l’aider dans ses relations avec les créanciers.

|7| Spécialiste de la dette souveraine, il est conseiller à la banque Lazard, avec laquelle il a conseillé le Premier ministre grec Georges Papandréou et le président équatorien Rafael Correa pour la renégociation de la dette de leurs pays. Il a participé, avec la Banque mondiale, à l’« initiative de réduction de la dette des pays pauvres très endettés » (initiative PPTE). Il est éditorialiste au quotidien Le Monde. Daniel Cohen a également été conseiller de François Fillon, Premier ministre de Nicolas Sarkozy de 2010 à 2012. Puis il a soutenu François Hollande, président de 2012 à 2017.

|8| Y. Varoufakis, op.cit., chapitre 5, p. 131.

|9| James K. Galbraith, Crise grecque, tragédie européenne, Éd. du Seuil, Paris, 2016

|10| Voir l’article de Martine Orange « L’économiste James Galbraith raconte les coulisses du plan B grec »

|11| Daniel Munevar est un économiste postkeynésien originaire de Bogotá, en Colombie. De mars à juillet 2015, il a travaillé comme assistant de Yanis Varoufakis alors qu’il était ministre des Finances ; il le conseillait en matière de politique budgétaire et de soutenabilité de la dette. Auparavant, il était conseiller au Ministère des Finances de Colombie. En 2009-2010, il a été permanent du CADTM en Belgique puis de retour en Amérique latine, il a cordonné le réseau du CADTM en Amérique latine de 2011 à 2014. C’est une des figures marquantes dans l’étude de la dette publique en Amérique latine. Il a publié de nombreux articles et études. Il a participé avec Éric Toussaint, Pierre Gottiniaux et Antonio Sanabria à la rédaction des Chiffres de la dette 2015. Il travaille depuis 2017 à Genève à la CNUCED.
Daniel Munevar fait référence à sa participation à l’équipe de Varoufakis dans cet article. Dans le livre déjà mentionné, James Galbraith souligne l’importance de l’aide que lui a apportée Daniel Munevar.

|12| Y. Varoufakis, op.cit., chapitre 5, p. 133.

|13| Y. Varoufakis, op.cit., p. 17

|14| Des extraits ont été publiés par The Economist (8 février 1992) ainsi que par The Financial Times (10 février 1992) sous le titre « Préservez la planète des économistes ».

|15| Lawrence Summers, à l’occasion de l’Assemblée annuelle de la Banque mondiale et du FMI à Bangkok en 1991, interview avec Kirsten Garrett, « Background Briefing », Australian Broadcasting Company, second programme.

|16| La loi adoptée sous la conduite de Robert Rubin et de Lawrence Summers est connue comme la loi Gramm-Leach-Bliley Act Financial Services Modernization Act de 1999. Cette loi américaine a été adoptée par le Congrès, dominé par une majorité républicaine, et promulguée par l’administration Clinton le 12 novembre 1999. Elle permet aux banques d’affaire et aux banques de dépôts de fusionner en mettant en place des services de banques universelles qui assurent aussi bien les services d’une banque de dépôt que d’une banque d’investissement et que d’une compagnie d’assurance. Le vote de cette loi a été l’objet d’un intense lobbying des banques pour permettre la fusion de Citibank avec la compagnie d’assurances Travelers Group, afin de former le conglomérat Citigroup, l’un des plus importants groupes de services financiers au monde. L’adoption de la nouvelle législation revenait à abroger la loi Glass Steagall Act, ou Banking Act, en place depuis 1933, qui a notamment déclaré incompatibles les métiers de banque de dépôt et de banque d’investissement et qui a permis d’éviter de grandes crises bancaires aux États-Unis jusqu’à celle de 2007-2008.

|17| Financial Times, 26-27 février 2005.

|18| La polémique a été également alimentée par la désapprobation de l’attaque lancée par Summers contre Cornel West, un universitaire noir et progressiste, professeur de Religion et d’études afro-américaines à l’université de Princeton. Summers, prosioniste notoire, dénonça West comme antisémite parce que celui-ci soutenait l’action des étudiants qui exigeaient un boycott d’Israël tant que son gouvernement ne respecterait pas les droits des Palestiniens. Voir Financial Times du 26-27 février 2005. Cornel West, qui a soutenu Obama avec enthousiasme, s’est étonné que celui-ci veuille s’entourer de Summers et de Rubin. Voir www.democracynow.org/2008/11…

|19| Sachs a publié en 2005 un livre intitulé La fin de la pauvreté (The End of Poverty : How We Can Make it Happen in Our Lifetime) qui a été très bien accueilli par l’establishment. En 2007-2008 le CADTM a participé à la réalisation et à la diffusion du film documentaire La fin de la pauvreté ? qui constitue la démonstration opposée à celle de Sachs. Ce film du cinéaste Philippe Diaz a été sélectionné au festival de Cannes en 2008 par la semaine de la Critique (il contient des interviews de Joseph Stiglitz, Susan George, Amartya Sen, Éric Toussaint, John Perkins). Sachs a publié un nouveau livre mainstream en 2015 sur le développement durable. Voici un exemple de commentaire promotionnel qu’on peut trouver dans la presse : « Conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU, l’économiste Jeffrey Sachs compte parmi les personnalités les plus influentes en matière de développement durable. Inspirateur des 8 objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui ont couru de 2000 à 2015, Sachs sait briller et être entendu dans tous les milieux. »

|20| Y. Varoufakis, op.cit., chapitre 5, p. 132.

|21| Y. Varoufakis, op.cit., chapitre 15, p. 398

|22| Adéa Guillot et Cécile Ducourtieux du quotidien Le Monde écrivaient à propos de Sagias « Longtemps proche du PASOK, il a participé à de nombreuses négociations de contrats publics et conseille régulièrement des investisseurs étrangers souhaitant s’implanter en Grèce. »

|23| Je reviendrai plus loin sur le rôle joué par Varoufakis lui-même dans la poursuite de la privatisation du port du Pirée et sur ses relations avec Cosco.

|24| Voir le site officiel de la firme de Sagias.

http://www.cadtm.org/Varoufakis-s-est-entoure-de

Le Portugal à feu et à cran

paru dans CQFD n°159 (novembre 2017), par Mickael Correia, illustré par Emilie Seto

À en croire nos plus brillants analystes, le Portugal sort la tête de l’eau après avoir subi les affres de l’austérité. Mais derrière les chiffres clinquants d’une croissance sur le retour se cache une tout autre réalité : celle d’une population abandonnée à son sort par les pouvoirs publics. Chronique d’un État qui se dévoie et d’un peuple portugais qui s’organise.

«  L’improbable redressement », «  la vigueur après la rigueur » ou encore « la résurrection économique du Portugal », exulte depuis plusieurs mois la presse française [1]. Depuis l’avènement fin 2015 d’une coalition de gauche au pouvoir [2], le pays serait en passe de tourner la page de l’austérité. L’augmentation du salaire minimum et la baisse des impôts sur le revenu auraient fait redémarrer l’économie. En tournant le dos au dogme libéral, le gouvernement de gauche plurielle est même devenu un objet d’adulation pour les médias français, qui n’hésitent plus à parler de « modèle portugais ».

Campagnes en feu

Et pourtant. Depuis cet été, c’est plus un sentiment de rage que de justice sociale que partagent les Portugais. En octobre, pour la deuxième fois en quatre mois, le pays a été frappé par les incendies les plus meurtriers de son histoire. En un été, plus de cent personnes auront trouvé la mort dans des feux de forêt. La cause de cette catastrophe ? Le vaste chantier de réduction des dépenses publiques mené par l’État portugais depuis cinq ans [3]. Après que la plantation de l’eucalyptus (un arbre très inflammable, mais à grande rentabilité économique) a été libéralisée en 2013 pour relancer une économie rurale en berne, le gouvernement de gauche a divisé par quatre les effectifs des services forestiers. De même, la coalition au pouvoir a dès 2016 privatisé la lutte anti-incendie aérienne et s’est refusée à financer une politique forestière publique, austérité oblige. Ces économies sur le dos de services publics essentiels dans un pays recouvert à plus d’un tiers par la forêt ont tellement exaspéré les Portugais que la ministre de l’Intérieur a été contrainte de démissionner le 18 octobre dernier. Mais que le populo des champs se rassure : le pays brûle, certes, mais le déficit public recule.

Villes à vendre

Malgré ses promesses, la coalition de gauche n’a toujours pas modifié la loi sur les locations de logements (Lei das rendas), mise en place par ses prédécesseurs de centre-droit. Cette loi autorise les propriétaires à signer des baux à très court terme et facilite l’expulsion des locataires de longue date. Elle a pour but d’inciter les proprios à louer aux touristes et d’attirer les fonds d’investissement pour qu’ils spéculent dans l’immobilier. Ces trois dernières années, la municipalité socialiste de Lisbonne a ainsi pu revendre une centaine d’immeubles d’habitation publics à des investisseurs sans scrupules qui les ont réhabilités en apparts haut de gamme. La frénésie immobilière, l’explosion des locations Airbnb et la gentrification sont telles qu’elles ont entraîné l’expulsion massive de dizaines de milliers d’habitants des quartiers populaires des centres-villes [4].

La gauche gouvernementale semble par ailleurs très bien s’accommoder des exonérations fiscales créées par la droite pour attirer les retraités européens [5] et les grandes fortunes étrangères investissant dans le pays, créant de facto un eldorado immobilier. Mais encore une fois, que le populo des villes se rassure : il ne peut plus se loger certes, mais l’investissement revient.

Entraide rurale & luttes de quartier

Face à l’incurie d’un État quasi inexistant aux yeux des Portugais, nombre d’entre eux renouent avec l’ajudada, une ancienne pratique rurale qui voyait une même communauté s’entraider en cas de gros labeur agricole ou de coup dur. En août 2016, après qu’un feu de forêt a ravagé plus de 400 voitures en marge du festival de danses traditionnelles Andanças, les autorités ont décidé fissa que personne n’était responsable du sinistre. Mais les automobilistes concernés ne se sont pas laissé faire. « On a vite compris qu’en coopérant tous ensemble, on pouvait trouver par nous-mêmes la meilleure solution possible », explique Rui, l’un des organisateurs du rassemblement. Une ajudada autogérée a alors été lancée par les victimes de l’incendie, avec caisse commune de solidarité, appui juridique, prêt de matériel et de véhicules [6].

Suite aux feux de forêt de cet été, de nombreux autres réseaux d’entraide dans l’esprit des ajudadas ont fleuri à travers le pays. À Viseu, les habitants ont ainsi organisé une caravane de solidarité de trente camionnettes, qui effectue depuis octobre la tournée des villages reculés les plus touchés par les flammes. Et dans les hauteurs de la Serra da Estrela, une caisse de soutien autonome pour acheter collectivement plusieurs tonnes de foin a été lancée à destination des paysans qui ont perdu leur récolte dans les incendies.

À Lisbonne, autour du quartier populaire de la Mouraria, seize familles se sont quant à elles auto-organisées face à leur propriétaire, qui voulait les expulser mi-2017. Après nombre de manifestations, de coups de pressions sur les élus et de sardinades solidaires, les locataires ont obtenu en août dernier la garantie qu’ils ne se feraient pas déloger. « La loi permet de m’expulser en toute légalité, je ne pouvais rien faire d’autre que m’accrocher et lutter pour mon quartier », résume une habitante. Enfin, depuis septembre dernier, une Assemblée d’occupation de Lisbonne squatte tout un immeuble appartenant à la municipalité. Alors qu’à une des fenêtres du bâtiment occupé flotte une banderole « En définitive, nous voulons tout », les squatteurs assurent : « Nous ne voulons pas seulement soustraire cette maison aux griffes de la spéculation, mais en faire un espace d’habitation utile à toutes et à tous. » Un autre modèle portugais, en somme.

Notes

[1Respectivement, Les Échos (22 juin 2017), Libération (20 avril 2017) et Capital (19 septembre 2017).

[2La coalition rassemble les socialistes, les communistes, les Verts et les anti-capitalistes du Bloco de Esquerda.

[3Voir l’article « Y a le feu à l’austérité », publié dans le n° 156 de CQFD, juillet-août 2017.

[4Voir « Lisbonne tremble encore », article publié dans CQFD n° 147, octobre 2016.

[5En 2016, on estimait qu’environ 25 000 Français s’étaient installés au Portugal.

[6 Voir le site ajudadaandancas2016.

État espagnol. Salaire minimum et orientation syndicale

le  15 janvier 2018 Par Miguel Salas pour Alencontre

Il est évident que l’un des problèmes les plus importants que la crise économique a engendré depuis 2008 est l’inégalité sociale croissante. L’abîme économique, culturel et social entre les classes est une caractéristique du capitalisme.

Pendant les années de prospérité économique, l’inégalité que la crise actuelle a encore élargie, semblait pouvoir être réduite. Or, les 10% les plus riches disposent aujourd’hui des mêmes revenus que 50% du total de la population. 12,9 millions de personnes sont menacées d’exclusion et de pauvreté, la moitié des chômeurs ne reçoivent aucune allocation et la moitié de ceux qui la reçoivent ne perçoivent qu’une allocation du niveau de l’assistance sociale.

Nous sommes à la queue de l’Europe dans la distribution des revenus. En 2016, le coefficient de Gini, qui mesure l’inégalité dans la répartition des revenus entre les ménages, place l’Espagne en queue de pelotons de l’UE-28, juste devant la Roumanie, la Lituanie et la Bulgarie.

En ce qui concerne la distribution de la fortune (patrimoine), selon l’enquête financière de la Banque d’Espagne portant sur les ménages, l’inégalité de la distribution de la fortune entre eux a doublé en 12 ans seulement. Si en 2002, les 50% des ménages les plus riches disposaient d’un patrimoine moyen de 6,6 fois plus élevé que le 50% des ménages, cette différence est de 12,2 fois en 2014. La plus riche de la moitié du pays a augmenté son patrimoine moyen de 29%, tandis que la moitié la plus pauvre l’a réduit de 30%.

Le salaire moyen a été dévalué autour de 7% en ces années de crise. Et l’inégalité entre les diverses couches salariales a considérablement augmenté, car 10% des salarié·e·s u bas de l’échelle ont perdu 22,5% jusqu’en 2015. De plus, le nombre de chômeurs et chômeuses ne descend pas au-dessous de 3,7 millions et les salaires ne permettent pas de vivre à 31% de ceux et celles qui travaillent et qui même disposant d’un emploi se retrouvent sur la ligne de crête de la situation de pauvreté (pas de quoi répondre aux besoins de base).

L’augmentation des prix des services de base a été brutale et a absorbé une grande partie des augmentations salariales. Au début de 2018, le gaz a augmenté en moyenne de 6,2%, l’électricité de 10%, et pour l’eau au environ d’un euro par mois (selon la zone géographique). Les péages routiers, les transports publics, les télécommunications et même les timbres-poste ont augmenté. Dans ce tableau comparatif, vous pouvez voir la relation entre l’augmentation du prix des services de base et celle des salaires.

En dix ans, le prix de l’eau a augmenté de 76%; dugaz de 48%; de l’électricité de 87%, tandis que les salaires de seulement 13%. En 2007, pour payer ces services de base, 9% du salaire médian était nécessaire, maintenant 14%. Beaucoup d’autres éléments statistiques pourraient être ajoutés, comme la perte du pouvoir d’achat des retraites, ce qui illustre la brutalité de la crise capitaliste pour la majorité des familles ouvrières.

Accord sur le salaire minimum

Dans ce contexte d’inégalité croissante, le 26 décembre 2017, a été signé un accord promu par le gouvernement entre lui, les syndicats CCOO (Commissions ouvrières), l’UGT (Union générale des travailleurs) et les employeurs afin que le gouvernement accepte de fixer le salaire minimum à 850 euros, et cela sur trois ans, avec une hausse de 4% cette 2018, de 5% en 2019 et de 10% en 2020. Mais à la dernière minute, le gouvernement a introduit des clauses qui conditionnent l’accord à ce que l’économie ait enregistré une croissance réelle du PIB de 2,5% ou plus et une augmentation de l’affiliation moyenne à la Sécurité sociale de plus de 450’000 personnes. Le non-respect de ces conditions ouvrirait un mécanisme de renégociation des augmentations.

Cet accord peut bénéficier directement à quelque 530 000 travailleurs et indirectement à la négociation de conventions collectives dans les secteurs à bas salaires. Mais, l’accord a toute une série de limites et de répercussions politiques qui doivent être prises en compte. Par exemple, le salaire minimum est également une référence pour les dépenses sociales car il détermine les allocations directes ou indirectes des prestations sociales, des indemnités pour chômage, de l’aide au logement, etc.

Toutefois, l’accord ne comprend pas l’augmentation du salaire minimum pour l’IPREM (Indicateur public de revenu à effets multiples); derrière ce nom pompeux réside la référence pour les prestations sociales, qui restent à 537 euros.

La décision, non sans importance, de conditionner l’évolution du salaire minimum à l’évolution de la situation économique incertaine, pourrait aboutir à ce que cet accord «si important » pourrait s’enliser dans des eaux polluées, donc mieux lancer la campagne sur des airs triomphalistes et qualifier cet accord selon des termes précis.

Les gouvernements utilisent souvent le salaire minimum comme une arme politique de promesses qui ne se concrétisent souvent pas. En tant que président Zapatero [avril 2004-décembre 2011] a promis que le salaire minimum atteindrait 800 euros. Or, nous ne sommes pas encore arrivés là! Mariano Rajoy est en train de poser sur la photo avec les dirigeants syndicaux après une défaite électorale difficile en Catalogne. Il promet aussi, reste à voir si l’accord sera tenu. Ce montage photographique de Mariano Rajoy vise également à neutraliser le projet de loi soumis par Unidos Podemos et qui a été approuvé par une majorité simple en novembre 2016, contre le vote du PP et l’abstention de Ciudadanos. Dans ce projet de loi était indiqué une augmentation du salaire minimum jusqu’à 800 euros pour 2018 et 950 en 2020. Il est clair que, Le PP l’a ignoré et a empêché le gouvernement de mettre en œuvre une décision du Parlement.

Et pour faire la clarté sur la situation, rappelons qu’en 2017 le salaire minimum (SMI) a augmenté de 8% (pour 2018, l’accord a fixé la hausse à 4%). Pour quelle raison? Est-ce que M. Rajoy est devenu fou? Non, c’est plus simple. Rajoy avait besoin de votes pour son élection à la fin de l’année 2016 et pour y parvenir, il a dû accepter à cette augmentation de 8%. Rappelons également la protestation légitime, à cette époque, des deux principaux syndicats. La Gaceta Sindical des CCOO, en novembre 2016, a déclaré: «Ce qui s’est passé avec le SMI n’a pas été un bon précédent, car au-delà d’une hausse jugée insuffisante par CCOO, les syndicats ont demandé un SMI de 800 euros en 2017 et l’augmentation convenue entre le PP et le PSOE c’était 707,60 euros. Ce qui est intolérable fut d’enlever au dialogue social [entre patron et syndicat] un sujet qui est de sa compétence exclusive». Rappelons que selon l’accord passé le 26 décembre 2017 le salaire minimum pour 2018 sera de 736 euros, loin des 800 que les syndicats ont demandés pour 2017!

Autrement dit, il semble que le salaire minimum soit un instrument utilisé ou caché, que ce soit pour une investiture ou pour une photo avec des «acteurs sociaux»[patrons et syndicats]. Or, ce dont on a besoin, c’est d’un revenu suffisant pour satisfaire des besoins élémentaires.

A l’offensive! Quelle offensive?

Ce qui semble évident, c’est qu’un plan et une mobilisation aussi large et généreuse que possible sont nécessaires pour inverser la situation présente. Les bénéfices des sociétés croissent trois fois plus que les salaires et les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté de 10% au premier semestre de 2017, alors que les salaires ont perdu 0,6% de leur pouvoir d’achat (jusqu’en novembre 2017 selon l’accord convenu les salaires ont augmenté de 1,43% en moyenne, contre une hausse moyenne des prix à la consommation de 2,04%) et les retraites ont perdu 1,8 point. Et tout cela dans un contexte terrible de précarité professionnelle.

Il y a quelques jours, le secrétaire des CCOO, Unai Sordo, a déclaré en Estrémadure que les «CCOO veulent être le fer de lance de l’offensive contre l’inégalité». On répète du côté des CCOO et de l’UGT que la grande bataille est la lutte contre l’inégalité, puisque la croissance économique ne se traduit pas par de meilleures conditions de vie, par des salaires décents, ou par un emploi de qualité. Les CCOO de Catalogne insistent depuis des mois sur le fait ququ’il faut poursuivre l’offensive contre la précarité et récupérer les droits sociaux et les salaires. A la fin de l’été 2017, la direction des CCOO a annoncé: «La négociation collective va faire faire à un automne difficile et les syndicats sauront y faire face avec détermination et force, et si nécessaire, nous étudierons la possibilité d’un appel en faveur d’une vaste campagne d’information et de mobilisation pour la défense des salaires (aussi du pouvoir d’achat perdu en 2017), et pour l’emploi de qualité et une protection sociale».

Et pourtant, le peu d’efforts faits pour renverser la situation et recouvrer les droits et les salaires n’a pas été couronné de succès. Pour passer à l’offensive, il ne suffit pas d’appeler une ou plusieurs assemblées de délégué·e·s, puis de continuer comme si de rien n’était, en gérant le quotidien. Il faut constater que le mouvement syndical n’est absolument à la hauteur de la gravité de la situation ; qu’il s’est considérablement affaibli conjointement à son rôle actif dans les conflits sociaux, tant au niveau de l’entreprise, du secteur public et face aux employeurs. Une tâche énorme de récupération de capacités s’affirme. Le «dialogue social» est réel quand vous avez établi et démontré suffisamment de force pour imposer les exigences des travailleurs et travailleuses. Ce n’est n’est pas une question de responsabilité – que tout le monde assume celles qui lui reviennent – mais il s’agit d’établir les raisons de difficultés présente et, surtout, le plan à mettre en place, avec les mesures nécessaires et les mobilisations qui s’y attachent, pour récupérer le terrain perdu.

Le syndicalisme de classe continue d’être un outil essentiel pour la lutte contre les inégalités et il a son terrain spécifique pour la développer, dans les accords conventionnels et/ou les négociations sectorielles, dans son pouvoir de représentation vis-à-vis des employeurs et de l’Etat. Il faudrait tendre vers des mobilisations plus larges et unitaires et une convergence dans la négociation collective entre différentes entreprises ou secteurs.

Le syndicalisme seul n’a pas eu en tant que tel la force de résister aux politiques néolibérales mises en œuvre contre les classes laborieuses. Pour cette raison, il faut chercher à établir le maximum d’alliances et se situer sur un plan d’égalité avec les autres mouvements sociaux qui luttent contre les politiques économiques actuelles, les marées [mouvements des salarié·e·s du secteur, avec l’appui des usagers]pour la santé publique ou les marées pour la défense de l’éducation publique et les mouvements des retraité·e·s et les associations de quartier, en lutter contre les atteintes aux droits démocratiques, etc. etc.

Un troisième élément, non moins important, est la nécessité de lier, d’une manière ou d’une autre, la mobilisation et la lutte pour améliorer les conditions de vie et de travail aux changements politiques. Nous devons nous battre maintenant et exiger des revendications maintenant, mais beaucoup d’entre elles sont impossibles sans changement de gouvernement, sans donner un «virage à gauche» en politique, à travers la pression sociale et électorale. Il ne s’agit pas que le syndicalisme se substitue à quoi que ce soit, mais il s’agit d’additionner pour changer. En juin 2016, le CCOO et l’UGT ont présenté 20 mesures pour un gouvernement de changement, parmi lesquelles ressortaient un plan de choc pour l’emploi, l’abrogation des réformes du travail, la fin des politiques d’austérité, l’augmentation des salaires et du salaire minimum, etc..

Relier les exigences immédiates de la lutte pour l’emploi, contre la précarité, pour de meilleurs salaires avec les exigences sociales et le changement politique est ce qui peut ouvrir une perspective pour résoudre les difficultés réelles dans le développement de la mobilisation générale contre les politiques néolibérales et leurs gouvernements. (Article publié sur le site Sin Permiso le 13 janvier 2018; traduction A l’Encontre)

https://alencontre.org/europe/espagne/etat-espagnol-salaire-minimum-et-orientation-syndicale.html

Crise migratoire : “L’Europe continue d’être dans une forme de déni”

Juliette Bénabent  publié sur Telerama le 12/01/2018.

En 2017, 118 000 personnes sont arrivées par la Méditerranée sur les côtes italiennes (elles étaient 180 000 en 2016), essentiellement en provenance d’Afrique subsaharienne. Malgré cette baisse, « les raisons de départ des migrants et réfugiés n’ont pas du tout disparu », prévient Vincent Cochetel, envoyé spécial du HCR (Haut-Commissariat aux réfugiés) de l’ONU pour la Méditerranée centrale.

En Libye, les images tournées par CNN montrant des Africains esclavagisés ont ému le monde (bien que cette situation soit connue et dénoncée depuis des mois par les acteurs humanitaires et onusiens). En octobre, Emmanuel Macron annonçait que la France accueillerait bientôt 10 000 réfugiés « réinstallés » depuis des pays de transit (Turquie, Liban Jordanie…), dont 3 000 depuis le Niger et le Tchad.

Le HCR, présent en Libye et dans les quinze pays de la route migratoire des Africains, sélectionne au préalable ces candidats à la réinstallation, pour qui il réclamait au monde, en septembre, 40 000 places. En marge d’un colloque organisé le 9 janvier 2018 par France Terre d’asile à Paris sur le Sahel et la Libye, Vincent Cochetel explique la difficile action du HCR sur place, rappelle l’ampleur de l’effort encore à fournir par les pays européens et souligne le rôle moteur de l’Europe en matière d’asile.

L’« enfer libyen » indigne le monde entier. Combien de migrants sont présents en Libye, et quelles sont leurs différentes situations ?

Il faut d’abord rappeler que l’emprisonnement des migrants illégaux en Libye n’est pas nouveau : les centres de détention existaient, comme les mauvais traitements et tortures, à l’époque de Kadhafi. D’ailleurs, à sa chute, en 2011, un million d’étrangers ont fui vers la Tunisie et l’Egypte voisines, où il a fallu ouvrir des camps. Seulement, les migrants ne partaient pas alors pour l’Europe, qui ne s’en souciait donc pas…

La présence étrangère en Libye est ancienne et importante. Aujourd’hui, l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) recense 700 000 étrangers en Libye, dont les situations sont très diverses. Il y a des migrants économiques qui travaillent et n’ont pas l’intention de quitter le pays : 64 % des personnes arrivant en Libye ont atteint leur destination finale, tous ne veulent pas venir en Europe, loin de là ! Le HCR – qui n’a pas accès à tous les réfugiés – identifie aujourd’hui 45 000 personnes relevant de la Convention de Genève de 1951, c’est-à-dire éligibles au statut de réfugié – qui n’existe pas en Libye.

Beaucoup ne sont pas enfermés, notamment des Palestiniens, Irakiens ou Syriens, qui ont parfois un travail, un logement, et des conditions de vie supportables. La situation la pire concerne les pesonnes originaires d’Afrique subsharienne, victimes de racisme et de xénophobie, et soumises à d’épouvantables violations des droits de l’homme lorsqu’elles sont retenues en captivité. Parmi les femmes évacuées au Niger, surtout érythréennes et éthiopiennes, je n’en ai pas rencontré une seule qui ne raconte pas avoir subi des violences sexuelles. Pas une seule. Et, selon un rapport récent de l’Oxfam, 74 % des personnes détenues en Libye ont été témoins de meurtre ou de torture…

“Les gens ramenés en Libye sont exposés à des conditions abominables de détention”

Comment jugez-vous les accords aux termes desquels l’Union européenne finance et équipe les garde-côtes libyens afin d’intercepter les migrants en mer et de les ramener en Libye ?

Il est normal qu’un Etat cherche à contrôler les sorties de son territoire. Mais dans ce cas précis, les gens ramenés en Libye y sont exposés à des conditions abominables de détention, en l’absence de tout contrôle judiciaire et de tout recours légal. L’Union affirme qu’elle cherche à influencer les autorités libyennes et à obtenir des alternatives à la détention pour les migrants, mais, sur le terrain, on n’observe pour l’instant aucune évolution de la situation à cet égard…

Quel travail parvient à effectuer le HCR en Libye ?

Le HCR est présent en Libye depuis longtemps. Sous Kadhafi, une quarantaine d’agents y intervenaient, ils sont aujourd’hui une centaine. Mais il faut démystifier notre action : nous ne pouvons pas faire grand-chose. Quand je vais en Libye, j’ai des gardes du corps avec moi en permanence, et je ne peux me déplacer que dans un rayon de 20 kilomètres autour de Tripoli.  Nos agents visitent une trentaine de centres de détention sous compétence gouvernementale, mais l’accès est irrégulier, les entretiens se déroulent en présence d’hommes armés, sans aucune confidentialité ni garantie sur les conséquences que peuvent avoir nos discussions.

Nous avons souvent des états d’âme : nos interventions renforcent-elles le régime libyen de détention illimitée pour tout migrant illégal ? Sur place, les gens que nous rencontrons nous disent de continuer à venir pour leur porter assistance, et parce que nous sommes témoins de ce qui leur arrive… Dans ces trente centres, nous accédons à entre 16 000 et 18 000 personnes, mais de nombreuses autres sont enfermées dans des lieux de détention informels, répertoriés ou non.

De plus, les autorités libyennes ne nous autorisent à parler qu’à certains ressortissants : Somaliens, Soudanais s’ils viennent du Darfour, Ethiopiens s’ils sont des Oromos, Erythréens, Palestiniens, Irakiens, Syriens. Nous n’avons pas le droit de parler avec des Maliens, des Nigérians ou des Sud-Soudanais… Nous réclamons un accès non discriminatoire, qui nous est pour l’instant refusé.

Mais nous sommes aussi présents dans tous les pays de la région, où nous assistons les autorités dans la gestion des camps de réfugiés, l’accès aux procédures, la favorisation de l’intégration locale… Dans les pays limitrophes de la Libye, l’asile existe : il faut l’organiser, le consolider, le soutenir. Le dialogue doit être rétabli et renforcé entre les Etats membres de l’Union et ces pays africains, et il faut aussi appliquer entièrement l’accord de La Valette de 2015, qui prévoyait des retours des demandeurs d’asile déboutés et des migrants illégaux, « en échange » d’ouverture sur les voies légales de migration.

Les engagements de réinstallation de réfugiés promis par M. Macron sont-ils encourageants ?

Oui. Le HCR réclame 40 000 places de réinstallation pour les réfugiés présents autour de la Libye, notamment au Niger et au Tchad. La France s’est engagée pour 3 000 personnes et cela a incité d’autres pays à réfléchir à ces alternatives légales aux migrations clandestines [notamment la Suisse, la Norvège, le Canada, NDLR]. En ce sens, c’est une étape importante : dissuader les réfugiés de risquer leur vie en mer n’est possible que si de réelles alternatives, crédibles, sont mises en place.

Mais il est désormais urgent que davantage de pays se mobilisent et s’engagent sur des nombres plus importants de réinstallations. Sinon, nous ne pourrons plus procéder à des évacuations depuis la Libye : si les personnes évacuées restent coincées au Niger, les autorités ne les accepteront plus. Or, en Libye, chaque jour, des gens meurent et disparaissent en détention.

“Il faudrait agir comme dans la lutte contre le trafic de drogue ou le terrorisme”

Vous évoquez un « décalage entre les discours officiels de lutte contre les passeurs et la réalité des actions » : pourrait-on faire davantage ?

Sans aucun doute. Je vous donne quelques exemples : certains dinghys (canots pneumatiques utilisés par les passeurs) viennent de Chine – l’exportateur est tout à fait connu – et sont expédiés en Libye à partir de pays d’Europe [il s’agit de Malte et de la Turquie, NDLR]. Il existe des documents de douane, l’argent est parfaitement traçable, mais personne n’est poursuivi alors que les dinghys ont tué plus de monde en Libye que la guerre civile depuis 2012 !

De même, les demandes de rançon adressées par les trafiquants aux familles des migrants circulent sur les réseaux sociaux, avec des comptes bancaires qui se trouvent en Europe ou dans les pays du Golfe… Ou encore chaque jour des ports libyens accueillent des bateaux venus se ravitailler en pétrole illégalement. Les pays dont ils battent pavillon les laissent faire, alors que le trafic de pétrole est intimement connecté à celui des migrations. Cet argent alimente les réseaux criminels et renforce le pouvoir des milices que l’on prétend par ailleurs combattre pour renforcer le gouvernement libyen et protéger les ressources dont il a tant besoin…

Incontestablement, il y a un travail de police qui n’est pas fait systématiquement, alors qu’il faudrait agir comme dans la lutte contre le trafic de drogue ou le terrorisme : qu’attend-on pour arraisonner ces bateaux, remonter les filières bancaires, geler les avoirs des personnes impliquées ? Il faut une volonté politique et une coopération interétatique entre les forces de police des divers pays concernés, et ces efforts ne sont pas faits. Pas encore…

Historiquement, le droit d’asile doit beaucoup à l’Europe. Quelle est l’ampleur de la responsabilité de l’Union, et singulièrement de la France ?

J’ai toujours pensé que la manière dont un Etat traite les étrangers – surtout ceux qui sont vulnérables car ils ne peuvent compter sur la protection de leur propre pays – est un bon indicateur de mesure de la protection des droits de l’homme. La conduite de l’Europe a, et aura, des répercussions sur le comportement du reste du monde. Elle peut être un moteur.

Il est évident que la question des retours est cruciale : nous ne sommes pas naïfs, nous sommes conscients que le droit d’asile ne peut exister que s’il s’accompagne de retours effectifs et efficaces pour ceux qui n’ont pas droit à l’asile. Le système perdrait, sinon, sa crédibilité. Néanmoins, l’Europe continue d’être dans une forme de déni, alors que des efforts suplémentaires sont nécessaires, et qu’une action coordonnée, organisée, efficace est possible : la Suède, lors de la crise de 2015, a débloqué 160 000 places d’accueil, les demandeurs étaient enregistrés en un jour, dans des centres d’accueil ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pas un ne dormait dehors, et un programme de réinstallation a été ouvert, à hauteur de 3 000 places par an.

On peut agir, c’est possible ! C’est le moment d’avoir du courage, et aussi de se montrer modeste : on n’accueille pas « toute la misère du monde », on en est même très loin : l’écrasante majorité des réfugiés du monde se trouve dans les pays en développement. C’est l’intérêt de l’Europe, et son honneur, de passer la vitesse supérieure, tout en soutenant l’asile dans les pays voisins de la Libye.

http://www.telerama.fr/monde/reinstallation-des-refugies-la-conduite-de-leurope-a-des-repercussions-sur-le-reste-du-monde%2Cn5435790.php

Fosse sceptique La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Fosse sceptique

Semaine mouvementée. La… terre a même fini par bouger. Au soir du lundi 15 janvier, le texte dit “des prérequis” au mémorandum intermédiaire était adopté au “Parlement”. Nos manifestants affligés avaient alors quitté la place de la Constitution depuis un moment déjà, lorsque peu avant 22h30, un séisme qualifié de modéré d’une magnitude de 4,4 a été fortement ressenti dans la capitale. Chez “Greek Crisis”, Mimi s’est mise à miauler, tandis que le jeune Hermès s’est aussitôt réfugié sous le canapé, preuve s’il en fallait… que la terre ne ment pas !

La place a retrouvé sa… normalité. Athènes, janvier 2018

La grande place historique et centrale d’Athènes a pu retrouver… toute sa normalité en ces temps décidément hors normes (démocratiques entre autres), retrouver ses passants, ses quelques touristes hivernaux, surtout ses animaux adespotes et néanmoins nourris par les policiers qu’y stationnent de manière permanente.

Le texte long de 1.531 pages, a été… adopté au pays des adaptés, et cela même par une majorité désormais renforcée il faut le signaler. Aux 153 (très… chers) élus SYRIZA et ANEL (le petit parti de droite, allié des Syrizistes), s’est jointe une certaine Théodora Megalooikonomou , ex-parlementaire du parti dit de l’Union des Centristes de Vassilis Leventis, petite formation politique ayant fait sont entrée au “Parlement” en 2015 et dont le chef serait, aux dires de nombreux observateurs, une personnalité mentalement (et relativement) déséquilibrée.

L’épisode… Megaloéconomiste (Megalooikonomou) est suffisamment révélateur des funèbres réalités politiques actuelles. D’abord, il faut préciser que l’Union des Centristes de Leventis ne sera plus présente au “Parlement”, d’après les sondages en tout cas. Ensuite, Théodora Megalooikonomou, marchande de métaux précieux et bijoutière au Pirée comme sa famille, avait été parmi les rares financeurs du petit parti de Leventis durant plusieurs années (presse grecque, janvier 2018), et qu’aux temps des difficultés économiques, ce dernier en guise de retour, il lui avait offert la première place éligible sur la liste des candidats que son parti présenta aux élections législatives de 2015.

Vendeur de billets de loterie. Place de la Constitution, janvier 2018
Le train… heureux et vide. Athènes, place de la Constitution, janvier 2018
Rares touristes. Place de la Constitution. Janvier 2018

L’élue du Pirée, considérant que le parti de Vassilis Leventis ne replissait plus son rôle… de (futur) propulseur vers le “Parlement”, elle a aussitôt mis son cap ailleurs. Interviewée sur son choix tout nouveau et Syriziste, Théodora Megalooikonomou a même déclaré ceci:

“Je choisi désormais d’appartenir à la majorité SYRIZA car je trouve que ce que fait Alexis Tsipras est bon. Ainsi, je voudrais contribuer à son œuvre. J’ai pris la décision d’intégrer SYRIZA plutôt que la Nouvelle Démocratie de Kyriákos Mitsotakis, car ayant attentivement écouté les deux chefs politiques, j’ai remarqué que lorsque Kyriákos Mitsotakis nous disait que finalement, ‘un plus un égale trois’, Alexis Tsipras expliquait qu’alors ‘un plus un égale deux’. Donc je ne pouvais pas faire autrement que de me ranger derrière Alexis Tsipras” (citée de mémoire, Radio 90,1 FM, matinée du 17/01/2018), tandis que dans une interviewe accordée à un journal plutôt “people” en novembre 2017 , Théodora Megalooikonomou déclarait… qu’elle “souhaite s’inscrire dans une école de journalisme pour apprendre à s’exprimer et à rédiger des articles en autonomie”.

Démocraties d’opérette, politiciens marionnettes… et notamment commerce. Déjà en son temps (306 avant J.-C), Épicure dont la pensée fut entre autres une réaction évidente à la désagrégation de la ville-État dans laquelle l’homme-citoyen avait trouvé traditionnellement la possibilité de se réaliser et de satisfaire ses aspirations, le grand philosophe donc, faisait alors remarquer que la seule raison pour laquelle les hommes entrent en politique, c’est leur désir d’obtenir, richesses, pouvoir et gloire. Alexis Tsipras a, non seulement remercié publiquement la… bijoutière du Pirée, mais il l’a également aussitôt officiellement invité au palais du Premier ministre .

Les soldats Evzones gardent toujours les lieux. Place de la Constitution, Athènes, janvier 2018
Le… retour aux sources de l’Orthodoxie. Presse grecque, Athènes, janvier 2018
Les animaux adespotes des lieux. Devant le “Parlement”, Athènes, janvier 2018

Tel un fantôme pour tout dire authentique, le dernier manifestant solitaire posant devant le “Parlement” et devant les journalistes, il était porteur du message tant de fois répété: “Peuple réveille-toi, ils nous paupérisent les uns après les autres et nos enfants avec, de manière pseudo-démocratique”. Il s’est éclipsé à la tombée de la nuit, aussitôt après le vote des “élus”, comme celui de Théodora Megalooikonomou.

Les soldats Evzones gardent ainsi les lieux, et en synchronie, une certaine presse suggère… le retour aux sources de l’Orthodoxie. En attendant, seuls les animaux adespotes du secteur semblent encore pouvoir nous surveiller… offrant ainsi la possibilité d’un regard sur nos affaires humaines comme “politiques” que l’on qualifierait aujourd’hui d’épicurien.

Peut-être aussi, pour nous rappeler cette ultime réponse de l’oracle de Delphes, donnée au tragique empereur Julien: “Le temple est en ruine. – Phébus ne parle plus. Les lauriers sont flétris. – Et les flots de la source à jamais sont taris.” Et c’était le dernier oracle rendu à Julien, dit l’Apostat, en 362 après J.-C.

Jardins d’Athènes, et Jardin d’Épicure. Six longues secondes de bruit et alors le tremblement de terre qui s’est produit à une profondeur de seulement cinq kilomètres et son épicentre a été localisé à 24 kilomètres au nord-est de la capitale, non loin de Marathon, lieu encore historique et symbolique. Les spécialistes auront précisé que la zone de l’épicentre du séisme se caractérisait par de “petites failles qui n’ont pas la capacité de déclencher quelque chose de plus important”. Notre terre bouge, notre histoire alors se remue. Nous voilà rassurés !

Les nouveaux assistés devant la résidence du Premier ministre. Presse grecque, janvier 2018
“Ne touchez pas au droit de grève”. Athènes, le 15 janvier 2018 (presse grecque)
Devant le “Parlement”. Athènes, le 15 janvier 2018 (presse grecque)
Les Institutions (Troïka). Presse grecque (janvier 2018)

Les Syrisocrates actuels mettent en ce moment en place certains types d’allocations (au demeurant fort dérisoires), sauf que pour que les paupérisés de l’Hellade au chômage sans indemnités puissent les percevoir, ils ne doivent plus posséder grand chose en biens (immobiliers et autres). Autrement-dit, ils doivent brader leurs biens (et ainsi détruire irrémédiablement leur identité sociale, symbolique et économique), avant d’espérer… en l’arrivée improbable de l’aumône du nouvel ordre lorsque par exemple de très nombreux députés Syrizistes possèdent chacun… plusieurs dizaines de biens immobiliers.

C’est alors un volet essentiel, consubstantiel même à la mutation imposée aux sociétés occidentales (en plus de la destruction du travail, des salaires et des droits des travailleurs), besogne politique rémunérée pour la quelle la dite “gauche radicale” et Alexis Tsipras (probablement propulsé à la tête de SYRIZA pour cette raison en 2008) auront si bien accepté et incarné le rôle. Il y a de quoi lever les yeux vers les cieux, et remercier autant toute l’équipe de l’Ambassade de France à Athènes pour ses vœux de bonne année. Nous en avons grandement besoin.

L’équipe de l’Ambassade de France à Athènes, vœux de bonne année. Athènes, janvier 2018
Il y a de quoi lever les yeux vers les cieux. Athènes, temps de crise

Le “gouvernement” prépare en ce moment la liste des prochaines privatisations pour ce qui est des grands ports du pays, après ceux d’Athènes (Pirée) et de Thessalonique, l’heure viendra pour les deux portes d’entrée en Grèce depuis l’Adriatique, Patras et Igoumenítsa, et ensuite au menu, il aura Mykonos, Corfou et Héracleion en Crète. C’est aussi cela les 1.531 pages approuvées sans être lues par la bijoutière du Pirée… devenue à l’occasion la dernière perle de SYRIZA.

Enfin, notons que la nouvelle de la privatisation de nouveaux ports grecs, tient d’abord d’un reportage de la Deutsche Presse-Agentur GmbH, Agence de Presse allemande… en Métropole, communication par la suite reproduite par les médias grecs. Il y a de quoi complimenter parfois (et sans aucun esprit d’ironie) les journalistes Allemands pour leur travail. .

En attendant sans doute des jours meilleurs, (et) cette fois-ci à Thessalonique justement, 68 regards de chaussée et autres plaques d’égout ont été subtilisées en une seule nuit, “c’est inuit et c’est fort inquiétant” annoncent-on depuis la Municipalité . Place de la Constitution (à Athènes), les promeneurs curieux peuvent alors découvrir sur une façade le message suivant: “Du vent, du vent, pour que ce choléra de politiciens s’en aille. Quelle Démocratie ?”

“Du vent, du vent, pour que ce choléra de politiciens s’en aille. Quelle Démocratie ?”. Athènes, janvier 2018
Scepticisme. Place de la Constitution, Athènes, janvier 2018
L’arbre où le pharmacien retraité Dimitri Christoúlas s’est suicidé en 2012. Athènes, janvier 2018
Tri… parallèle des déchets, travail effectué par les migrants. Athènes, janvier 2018

La paupérisation, la criminalisation de l’économie, la trahison de toute la classe politique, la Grèce, enfin entre fosse septique (comme sceptique) et le tout-à-l’égout. En somme, tel est le dernier… des progrès comme des “progressistes” à la SYRIZA, et c’est peut-être en son sein que désormais Théodora Megalooikonomou finirait par apprendre à s’exprimer et à rédiger des articles en autonomie.

Il y a de quoi en rire, cela étant dit, l’alphabétisation même des marionnettes politiciens ne constituerait plus un prérequis nécessaire à l’exercice de leur… fonction. En 2016, Alexis Tsipras l’inculte suffisant, en vol à bord d’un avion entre Paris et Strasbourg avait ainsi déclaré… qu’il venait de quitter le sol français (considérant que Strasbourg… c’est une ville allemande) .

Semaine mouvementée, la… terre qui bouge, les travaux du tramway à Athènes, le film sur Marie Calas, l’ouvrage en sa mémoire, sa disparition, les condoléances de son médecin parisien, puis celles de Rapanakis, alors capitaine du vraquier Artemision II, le navire appartenant à l’époque à la grande cantatrice. Ses cendres sont (ou ce que l’on pense être comme telles) ont été dispersées en 1980 entre le Golfe Saronique et la mer Égée. Naviguer… toujours naviguer.

Artemision II dans les années 1970 (presse grecque)
Télégramme du capitaine Rapanakis en 1977. Athènes, janvier 2018
Les condoléances du médecin de Maria Calas à Paris (1977). Athènes, janvier 2018
Travaux du tramway. Athènes, janvier 2018

Chanter, écrire, témoigner, naviguer. Le poète Séféris l’avait déjà superbement noté en 1963 à sa manière:

“Qu’est-ce qui a le plus compté dans ma vie ? Ma réponse spontanée est: d’écrire une phrase ou même un mot juste. Ce qui rachèterait pour moi la souffrance de vivre. Mais ce n’est pas si simple car, ainsi formulée, cette affirmation peut donner naissance à bien de malentendus, à commencer par l’accusation d’esthétisme et d’indifférence à l’action ou à la vie. Or ce n’est absolument pas le cas car je veux ainsi exprimer ma position morale: un mot est le résultat d’une vie intense, d’un grand travail et d’une relation profonde avec les hommes.” (Séféris, note inédite, 1963, “Essais, Hellénisme et Création”, Mercure de France, 1987).

Fosse… sceptique, funèbres réalités politiques actuelles et pourtant séisme, alors qualifié de modéré d’une magnitude de 4,4. Chez “Greek Crisis”, Mimi qui s’est mise à miauler, le jeune Hermès se refugiant sous le canapé.

Mimi et Hermès de Greek Crisis. Athènes, janvier 2018
* Photo de couverture: “Peuple réveille-toi…”. Place de la Constitution, Athènes, le 15 janvier 2018, (presse grecque)

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

Prochaine action du collectif : film-débat  » Sur la route d’Exarcheia » à la MDA

Le collectif Grèce-austérité de Grenoble vous invite à la projection-débat du film

 

Sur la route d’Exarcheia

Récit d’un convoi solidaire en utopie

Le Mardi 6 mars 2018 à 20 h

à la Maison des associations de Grenoble 

6 rue Berthe de Boissieux Salle de conférence

suivie d’un débat avec Eloïse Lebourg réalisatrice

Synopsis :

Le 28 mars 2017, un mystérieux convoi de 26 fourgons venus de France, Belgique, Suisse et Espagne arrive au centre d’Athènes, dans le quartier rebelle d’Exarcheia. Les chaînes de télé grecques évoquent une grave menace. Le ministre de l’intérieur annonce qu’une enquête est ouverte. La fabrique de la peur tourne à plein régime.

En réalité, il s’agit d’un convoi solidaire qui vient apporter un soutien matériel, politique et financier au mouvement social grec et aux réfugiés bloqués aux frontières de l’Europe. Parmi les 62 visiteurs, 4 enfants participent à cette aventure humaine : Achille, Nino, Capucine et Constance. Ce film raconte cette odyssée fraternelle et rend hommage aux solidarités par-delà les frontières.

Durée : 57mn- Production MEDIACOOP – Réalisation de Éloïse LEBOURG avec le soutien de Maxime GATINEAU et Mathias SIMONET.Images de Maxime GATINEAU, Éloïse LEBOURG, Roman STACHA. Montage et mixage de Mathias SIMONET.Enregistrement voix off MIX & MOUSE. Voix de Constance et Capucine.
Avec le soutien du collectif solidaire ANEPOS.
Remerciements à Maud et Yannis YOULOUNTAS et tous les convoyeurs.

Le déroulement de la soirée sera préparée lors de la prochaine réunion du collectif du 22 janvier 2018.

Le collectif de Grenoble avait participé à la collecte pour les convois de mars mais également de novembre 2017 organisés par Yannis Youlountas avec le collectif Anepos.

 

France : Recours devant le Conseil d’État contre les circulaires « hébergement d’urgence »

action collective

Plus de vingt associations saisissent le juge des référés du Conseil d’Etat contre la circulaire du 12 décembre organisant le tri des personnes étrangères dans les centres d’hébergement.

A la fin de l’année 2017, le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Cohésion des territoires ont édicté, sans concertation, plusieurs circulaires visant en particulier l’hébergement des ressortissants étrangers. Et ce, malgré la vive opposition de l’ensemble des associations et acteurs concernés qui s’est manifestée dès leurs parutions et une saisine du Défenseur des droits.

La circulaire du 4 décembre est relative à « l’évolution du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés ». Elle prévoit d’orienter les personnes de nationalité étrangère qui sollicitent un hébergement vers des dispositifs au regard de leur statut administratif.

La circulaire du 12 décembre organise « l’examen des situations administratives dans l’hébergement d’urgence » par des « équipes mobiles » composées d’un ou plusieurs agents de l’Ofii et d’agents de la préfecture compétents en droit des étrangers.

Par ces textes qui instaurent des procédures de recensement et d’évaluation des personnes sans-abri ou hébergées à raison de leur nationalité et de leur statut administratif, le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Cohésion des territoires contreviennent aux principes fondamentaux qui gouvernent l’hébergement des plus vulnérables.

En particulier, ils remettent en cause le principe d’accueil inconditionnel en hébergement d’urgence prévu par le Code de l’Action Sociale et des familles au profit de « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale  », quels que soient sa nationalité ou son statut administratif, ainsi que son corollaire, la continuité de la prise en charge. Ces principes sont cardinaux pour l’ensemble du secteur de la veille sociale, de l’hébergement, et de l’accompagnement.

En prévoyant un tri selon la nationalité ou le statut administratif des personnes dans les centres d’hébergement, les circulaires en viennent donc à hiérarchiser, voire à mettre en concurrence les situations de pauvreté et de misère, sur le fondement de critères discriminatoires.

Plus grave encore, pour mettre en œuvre cette politique de tri entre les plus vulnérables, la circulaire du 12 décembre 2017 a prévu un ensemble de mesures intrusives et qui vont affecter la mission de protection sociale des centres d’hébergement.

D’une part, la circulaire autorise des « équipes mobiles » composées d’agents de la préfecture et de l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration) à intervenir directement dans l’ensemble des structures d’hébergement d’urgence pour procéder à l’identification et donc au tri des personnes. Du fait de cette intrusion, les centres d’hébergement vont se muer en des lieux de contrôle et de tri des personnes sans domicile, où risquent d’être réalisées de véritables opérations de contrôle d’identité et des titres de séjour. A l’issue de ces contrôles dans les centres d’hébergement, certaines personnes sans abri et sans droit au séjour pourront être visées par une assignation à résidence ou un placement en rétention ainsi que par une mesure d’éloignement du territoire, remettant directement en cause le principe d’accueil inconditionnel.

D’autre part, la circulaire risque de transformer les intervenants sociaux, auxquels les personnes sans domicile font confiance, en véritables auxiliaires de l’OFII et de la préfecture. En effet, non seulement les centres d’hébergement devront ouvrir leurs portes aux agents de la préfecture et aux agents de l’OFII, mais, la circulaire implique que les centres collectent et transmettent aux autorités relevant du ministre de l’Intérieur un ensemble d’informations à caractère personnel et confidentiel concernant les personnes hébergées, contraires aux directives de la CNIL.

Dès lors que le Gouvernement persiste à mettre en oeuvre un tel projet malgré la forte opposition des principaux acteurs concernés, plus de vingt associations qui agissent dans le secteur de l’hébergement social et qui défendent les droits et libertés ont mandaté Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, afin de saisir le Conseil d’État d’un recours en annulation contre ces circulaires, assorti d’une demande, en référé, de suspension.

Les requêtes au fond seront déposées le 11 janvier. Le Conseil d’État aura vocation à se prononcer d’ici environ dix mois, au fond, sur la légalité de ces circulaires.

Le dispositif de tri et de contrôle dans les centres d’hébergement étant d’ores et déjà mis en œuvre, ces recours seront assortis d’une procédure d’urgence : une demande de suspension en référé contre la circulaire du 12 décembre 2017.

Par cette action spécifique, les associations sollicitent du juge des référés du Conseil d’État qu’il suspende au plus vite les deux points qui sont les plus manifestement illégaux et attentatoires aux droits et libertés :

  • d’abord le fait que la circulaire autorise, sans base légale, des équipes relevant du ministère de l’intérieur à pénétrer dans des centres d’hébergement protégés pour y réaliser des contrôles ;
  • ensuite, le fait que les données personnelles et confidentielles des personnes hébergées soient collectées et transmises aux autorités, mais aussi que les centres d’hébergement soient contraints de participer à cette collecte illégale.

Le juge des référés saisi pourra organiser une audience publique qui se tiendrait alors deux à trois semaines après le dépôt du recours. Cette audience permettra qu’un débat ait lieu entre les associations et les représentants du gouvernement. A l’issue de ces débats, le juge des référés rendra sa décision.

En tout état de cause, après le recours en référé, les arguments et critiques des associations contre les circulaires seront examinés par le Conseil d’Etat réuni en formation collégiale pour statuer sur les recours en annulation.

Paris, le 10 janvier 2018

Liste des organisations requérantes :

  • Amicale du Nid
  • Association nationale des assistants de service Social (ANAS)
  • Aurore
  • Centre d’Action Sociale Protestant (CASP)
  • Centre Primo Lévi
  • La Cimade
  • Cités du Secours Catholique
  • Dom’asile
  • Droit au Logement (DAL)
  • Emmaüs France
  • Emmaüs Solidarité
  • Fondation Abbé Pierre
  • Fondation de l’Armée du Salut
  • Fédération Entraide Protestante
  • Fédération des acteurs de la solidarité
  • Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (FEHAP)
  • France Terre d’Asile
  • Gisti
  • Ligue des droits de l’Homme
  • Médecins du monde
  • Médecins sans frontières
  • Oppelia
  • Petits frères des Pauvres
  • Le Refuge
  • Secours Catholique
  • UNIOPSS

https://www.gisti.org/spip.php?article5833

Grève et marche à Athènes contre une réforme du droit de grève

Par Agence Reuters

ATHENES (Reuters) – Plusieurs milliers de Grecs ont manifesté vendredi dans le centre d’Athènes contre des réformes que le Parlement doit adopter la semaine prochaine en échange d’une nouvelle aide internationale.

Une grève, la première de l’année en Grèce, a parallèlement provoqué de nombreuses perturbations dans la capitale.

Le métro d’Athènes, emprunté quotidiennement par 938.000 usagers, est resté portes closes, provoquant d’importants embouteillages dans la ville de 3,8 millions d’habitants.

Les dockers ont paralysé le trafic portuaire et les hôpitaux publics ont dû faire appel à du personnel de remplacement.

D’autres arrêts de travail sont programmés lundi, jour de l’examen par le Parlement d’un projet de loi prévoyant notamment une réorganisation des prestations familiales, la mise en place d’une nouvelle procédure pour les saisies de biens immobiliers et un durcissement des conditions d’appel à la grève.

« Pas touche à la grève ! », « Non à l’esclavage moderne » ou « Soulèvement ! » ont crié des manifestants lors d’une marche qui a rassemblé quelque 20.000 personnes dans le centre d’Athènes.

Des incidents se sont produits devant le Parlement, où les élus débattaient du projet de loi. La police est intervenue brièvement à l’aide de gaz lacrymogène pour disperser quelques individus tentant d’approcher le bâtiment.

Le projet de loi est dénoncé par de nombreux Grecs, qui ont vu leurs revenus chuter et leurs conditions de vie se dégrader fortement depuis le premier plan de sauvetage financier du pays en 2010.

Deux autres plans de renflouement ont été accordés depuis par les Européens et le Fonds monétaire international (FMI).

« Cela revient à abolir le droit de grève. De telles choses ne s’étaient produites que sous la junte », a déclaré un officier de marine à la retraite, George Papaspyropoulos, en référence à la dictature des colonels (1967-74).

« Ce gouvernement n’a de gauche que le nom, mais en réalité, c’est une junte », a-t-il dit.

Le gouvernement est dirigé depuis 2015 par l’alliance de gauche Syriza.

Pour le moment, un syndicat peut lancer un appel à la grève s’il est soutenu par un tiers de ses membres. La nouvelle loi relèverait ce seuil à 50%.

Le gouvernement justifie ces réformes par la nécessité de recevoir de l’argent frais. Le troisième plan de renflouement, toujours en cours, expire en août.

Jusqu’à présent, la Grèce a perçu 40,2 milliards d’euros sur les 86 milliards prévus. Elle espère recevoir prochainement une nouvelle tranche de 4,5 milliards.

Constant Kaimakis vidéos :

les manifestants sont nombreux https://youtu.be/9kyqueOf2YA  https://youtu.be/Nyd41qv-PkE
les manifestants et les lacrymogènes  https://youtu.be/OyP4UG9-qnY
https://youtu.be/j47hGufinTo

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