La prison des peuples européens

La prison des peuples européens . Par Costas Lapavitsas

Mardi, 29 mai 2018

Le coup d’État

Le refus du président italien Sergio Mattarella d’accepter le schéma gouvernemental proposé par le Mouvement Cinq Étoiles et la Ligue constitue très clairement un coup d’État politique. Ce détournement donné comme tel de la volonté du peuple et de la démocratie ne s’est pas produit en Italie depuis la chute de Mussolini en 1943.

Tout aussi surprenante s’avère l’argumentation de Mattarella. Mon rôle, a-t-il déclaré, est de protéger les intérêts du pays, ce qui signifie ne pas mettre en danger, sous quelle que forme que ce soit, son appartenance à l’euro. Les Italiens peuvent bien avoir le gouvernement qu’ils veulent, pourvu qu’il accepte l’UEM.

Le fait que de source officielle on reconnaisse de manière absolument cynique que l’euro est une prison pour les peuples européens reste sans objet. Mattarella a rencontré un soutien sans faille auprès de l’establishment italien mais également auprès des puissantes forces de l’UE. En premier lieu le président Macron, celui-là même qui doit apporter le grand changement démocratique en Europe, a rendu publiquement hommage à sa « responsabilité ».

L’échec de l’Italie dans l’UEM

Il ne fait aucun doute que la participation de l’Italie à l’UEM s’est révélée désastreuse pour son économie. Le pays n’a encore pas retrouvé le niveau de son PIB de 2007, lorsque la crise mondiale a éclaté, et son taux de croissance est absolument anémique.

La raison principale en est l’austérité constante exigée par l’UEM, avec les coupes dans les dépenses publiques et la fiscalité qui ont durement frappé la demande intérieure et l’activité économique. Il s’agit d’une situation désastreuse pour un grand nombre de PME qui dépendent du marché intérieur. C’est une situation également désastreuse pour les salariés car les salaires sont le plus souvent orientés à la baisse quand le chômage reste élevé, poussant ainsi la jeunesse italienne à émigrer. Il s’agit, enfin, d’une situation désastreuse pour l’État car, outre que les services publics se voient sans cesse limités et les infrastructures se trouvent dans un état d’usure sans précédent, la dette publique a dépassé 130% du PIB, conséquence logique de l’absence de croissance.

Mais tout n’est pas négatif pour tout le monde. La réduction de la demande intérieure restreint les importations, tandis que parallèlement la pression salariale vers le bas a bénéficié à l’industrie d’exportation. L’Italie est le seul pays d’Europe doté d’un grand complexe industriel pouvant concurrencer l’Allemagne. La politique que lui a imposée l’UE a réussi à créer de légers excédents pour le commerce extérieur ces dernières années. Mais il n’existe aucune certitude que la hausse des exportations conduise à une accélération de la croissance dans la mesure où l’économie intérieure connaît une réduction constante.

Les finances absurdes et les signes de la rupture

Les économistes de bonne foi ne peuvent qu’être d’accord sur le fait que l’Italie a besoin d’une stimulation directe de sa demande intérieure, par une levée de l’austérité et une diminution de la fiscalité, de façon à redonner du souffle à son économie. C’est exactement ce qu’a proposé le programme économique du gouvernement Cinq Étoiles-Ligue. Mais le problème est que le durcissement institutionnel de l’austérité dans l’UE ces dernières années exige précisément l’inverse. En d’autres termes, un pays comme l’Italie avec une dette publique supérieure à 130% devra réaliser un excédent de 1,5% du PIB, et donc accroître l’austérité.

S’agissant des finances, on danse sur un volcan, ou peu importe l’image qu’on pourrait employer. Et ce sont justement ces finances absurdes qui dominent dans l’UE et l’UEM qu’on présente aux entreprises internationales comme une politique « sérieuse » et « responsable » par opposition aux « stupidités » des « populistes ». Ce sont ces finances qu’a été chargé de mettre en œuvre M. Carlo Cottarelli, celui sur lequel s’est porté le choix de Mattarella après le coup d’État, nouveau Premier ministre par intérim bénéficiant d’une longue expérience au FMI (pouvait-il en être autrement ?).

Le choix de Mattarella suscitera certainement des réactions et s’ensuivront de fortes turbulences politiques dans les mois à venir, très probablement avec des élections à la clé. Une situation que les marchés financiers internationaux ont bien comprise de sorte que le spread des obligations italiennes à dix ans a immédiatement explosé à 1,83%. Les signes de la crise ont commencé à devenir évidents, notamment si l’on tient compte de la difficile situation des banques italiennes qui détiennent de gros volumes de prêts improductifs, tandis que le pays est complètement en panne depuis environ deux décennies.

Pour la zone euro, le danger est évidemment immense. En pratique, aucune structure n’a changé en mieux ces dernières années. La situation s’est stabilisée après l’application d’une austérité sévère, de privatisations et d’une déréglementation des marchés, mais plus particulièrement à travers la production d’argent bon marché par la BCE de M. Draghi. Les contradictions fondamentales de l’union monétaire, qui proviennent de la domination du capital allemand, restent cependant inchangées. L’UEM pourrait difficilement survivre après une crise italienne généralisée.

La rupture

Pour les peuples européens, dans la prison de l’euro, les choses ont désormais commencé à se rapprocher des conditions de survie. Il est évident qu’aucune réforme dans le sens d’une amélioration pour les intérêts populaires ne peut voir le jour. La seule perspective réaliste qui s’offre est celle de la rupture.

Mais la rupture n’est pas encore quelque chose de facile, même en Italie. Comme je l’ai déjà mentionné, le grand capital industriel d’exportation en Italie, qui est concentré au Nord, est rentable et s’est adapté à l’UEM. Il ne veut pas du danger politique et social de la rupture. La masse des PME, d’un autre côté, est impitoyablement frappée et réagit. Le travail salarié et les couches populaires défavorisées, enfin, font face à une pression constante, mais ne réagissent pas de manière coordonnée.

Le pays tout entier est en train d’étouffer, sans qu’apparaissent clairement les forces de classe permettant de résoudre le problème.

L’apathie sociale se reflète dans le chaos politique. La Ligue est une formation d’extrême droite ayant des caractéristiques fascistes dans laquelle personne ne peut placer la moindre confiance. Le Mouvement Cinq Étoiles est un patchwork de protestations sans pouvoir ni structure. Le parti de droite de Berlusconi se définit par son absence de fiabilité et son insolvabilité. Mais la tragédie concerne le Parti Démocrate, le principal héritier de la grande gauche italienne, que le malheureux Matteo Renzi a transformé en terminus européiste craintif de l’establishment italien. Pour le moment aucun leadership politique fort pouvant réellement créer la rupture en faveur des couches laborieuses et populaires ne transparaît.

Et dans notre pays ?

Enfin, concernant la Grèce, son peuple a toujours laissé une marge pour la rupture, comme l’a montré de manière éclatante l’été 2015. Son principal adversaire n’était pas Wolfgang Schäuble. C’était l’establishment grec, qui a fait alliance avec les créanciers et a œuvré contre vents et marées pour que le pays reste dans l’euro à tout prix. La raison était évidente. La rupture serait ce qu’il peut advenir de plus dangereux pour les mécanismes de classe qui dominent la situation grecque.

Les couches laborieuses et populaires n’avaient pas la force de s’organiser de manière indépendante pour imposer leurs propres intérêts. Elles ont demandé du soutien auprès du système politique, ont cherché quel leadership pourrait gérer la rupture. Le tort immense qu’a fait et continue de faire Syriza, c’est qu’il a fermé les yeux sur la rupture et a transigé pleinement avec l’ordre établi du pays, humiliant la volonté populaire.

Dans cette situation d’essoufflement qu’affronte aujourd’hui la Grèce, il est bon de nous rappeler qu’aucune condition de stabilité sociale et politique n’existe ni n’est envisageable dans la prison de l’euro. Quoi que puissent en penser les propriétaires et les occupants, la perspective de la rupture est et sera présente parce qu’elle porte la promesse de la croissance économique, de la renaissance sociale, de la démocratie et de la souveraineté populaire. L’Italie a beaucoup à nous apprendre concernant la voie que notre pays devra suivre.

Traduction : Vanessa de Pizzol

Costas Lapavistas est professeur d’économie à l’École des études orientales et africaines de l’Université de Londres. Élu député de Syriza en janvier 2015, il a fait partie du groupe de députés et de militants qui ont quitté le parti en septembre 2015 pour créer le nouveau parti Unité Populaire (Laiki Enotita), après l’acceptation par le Premier ministre Tsipras du 3ème Mémorandum imposé par l’Eurogroupe, en dépit du « Non » massif des électeurs lors du référendum de juillet 2015.

Source https://unitepopulaire-fr.org/2018/06/17/la-prison-des-peuples-europeens-costas-lapavitsas/

Casinos vs santé La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Casinos vs santé

Ciel gris, admirables orages ce week-end sur la Grèce. À Athènes, la lourdeur est autant politique, entre le mémorandum 4bis adopté cette semaine, et en prime, cette parodie d’accord présumé sur l’affaire dite macédonienne, imposée par les États-Unis, l’Otan, Bruxelles et Berlin à la marionnette Tsípras, et voila que toute la Grèce se rebiffe. Nous y reviendrons. Cependant, un autre événement a eu lieu cette semaine et il a été malheureusement ignoré des… grands médias. Une conférence de presse exceptionnelle avait été tenue par les responsables du Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón jeudi 14 juin, émotion alors et aussi espoir, le blog “Greek Crisis” y était invité.

Ceux d’Ellinikón à Bruxelles en 2015 (presse grecque)

Au beau milieu de cette Grèce du chaos ordonnancé, le Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón vient de recevoir il y a peu, “sa” lettre d’expulsion. La société Ellinikón S.A. ayant “acquis” l’ensemble du site de l’ancien aéroport sous la “gouvernance” Tsípras, tout doit… entrer visiblement dans le nouvel ordre des choses et des affaires, l’ultimatum adressé aux médecins bénévoles, ainsi qu’à l’ensemble des solidaires du centre Médical avait été fixé pour la fin du mois de ce juin 2018. Les… investisseurs ne doivent plus attendre, c’est bien banal.

Le cardiologue Yórgos Vichas, co-initiateur du Centre, a expliqué lors de la conférence de presse que dans un premier temps, le gouvernement est resté indifférent et muet devant le scandale de son expulsion, de même que l’Ordre des médecins d’Athènes comme d’ailleurs, à l’exception notable de l’Ordre des dentistes du Pirée. Solidarité disons soluble. Yórgos Vichas a également insisté sur le fait que le Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón ne quittera pas les lieux, tant qu’une véritable solution de délocalisation ne soit trouvée, proposée et débattue.

“Ceci est d’ailleurs une obligation de la Politeía, autrement-dit du gouvernement, et cela sous ces seules conditions alors posées par nous: Que notre Centre Médical Solidaire puisse poursuivre dans sa mission sans la moindre modification ni interférence dans son mode de fonctionnement. N’oublions pas que notre centre rempli une mission d’intérêt public, nous accueillons entre 700 et 1000 patients par mois, et notre action est pour tout dire connue et reconnue jusqu’à l’étranger. Cette semaine, une manifestation de soutien à notre Centre a eu lieu devant les représentations diplomatiques grecques à Bruxelles, et ce n’est qu’un début dans les réactions.”, Yórgos Vichas durant la conférence de presse (le 14 juin 2018).

Chaos, Athènes, années dites de crise
Ambulance… Grèce, années dites de crise (presse grecque)
“Les médecins grecs émigrent en Allemagne” (presse grecque, 2014)

“Nous venons d’apprendre que Panos Skourlétis, Ministre (SYRIZA) de l’Intérieur vient d’intervenir cette semaine à l’Assemblée en faveur de notre Centre et ceci, après plus de deux semaines de silence. Que s’est-il alors passé ? D’après nos informations, il y aurait eu un mail de la Troïka (‘Institutions’), exigeant du gouvernement que de ne pas expulser notre structure avant de trouver une solution définitive et durable.”

“Cette issue, vraisemblablement positive avait été entre autres, le résultat de nombreuses pressions internationales, faisant suite à toute cette formidable chaîne de solidarité qui nous entoure et qui nous encourage depuis les autres pays en Europe et même ailleurs.” Un peu ‘off the record’, les bénévoles du Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón ont encore indiqué que comme la… formule bien trouvée, laquelle avait été lancée ces derniers jours à Bruxelles fut: “Casinos vs Santé”, et que comme cette formule a été jugée visiblement préjudiciable pour l’image de marque des… investisseurs, alors, la Troïka aurait finalement jugé bon d’intervenir pour indiquer au gouvernement grec que le Centre Médical Solidaire devait rester en place faute de solution de relocalisation.

Non à l’expulsion du Centre. Ellinikón, 14 juin 2018
Yórgos Vichas lors de la conférence de presse du 14 juin

Ceux du Centre, ont à l’occasion rappelé que leur bel exemple si réussi aux dires et aux yeux de tous, est autant un cas d’école, car le fonctionnement s’opère sans aucune hiérarchie entre les bénévoles, et que cette structure libre n’a pas d’existence juridique officielle.

“Notre grande force, c’est celle des citoyens ; et nous pratiquons à la fois la solidarité, la dénonciation des responsabilités, et la résistance. C’est pour cette raison que notre Centre n’a pas voulu recevoir le Prix qui lui a été décerné par le Parlement européen en 2015… Les bourreaux ne peuvent pas en même temps nous récompenser pour nos actions”, conférence de presse du 14 juin 2018.

“Le site de l’ancien aéroport n’est pas à vendre”, luttes des années 2011-2017
La… zone euro. Presse grecque, années dites de crise
Sur un certain Tsípras. Place de la Constitution, 2016 (presse grecque)

Il a été également évoqué que depuis ses débuts en 2011, près de 70.000 patients se sont adressés au Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón, et 7.000 d’entre eux ont été suivis et pris en charge de manière constante. Actuellement, près de 9.000 boîtes de médicaments sont administrées par le centre chaque mois, tandis qu’en moyenne 30.000 autres boîtes sont offertes chaque mois par le Centre d’Ellinikón à d’autres structures qui en font la demande suivant leurs besoins urgents.

L’action du Centre, ce sont aussi près de 4.900 examens médicaux (imagerie et laboratoire) effectués par ses soins, ainsi que 128 interventions chirurgicales urgentes que certaines structures privées ont voulu prendre entièrement et gratuitement en charge au bénéfice des patients suivis à Ellinikón.

“Nos actions sont à la fois larges et ciblées”, a voulu préciser Yorgos Vichas. “Nous avons été à l’origine de 48 pièces de théâtre, comme nous sommes à l’origine de nombreuses structures informelles de solidarité et d’échange de services entre chômeurs. Au départ, nous avions même instauré une ‘banque de temps’, sauf que très rapidement elle n’a plus été nécessaire. Les échanges se font alors spontanément, suivant les besoin et voilà que la nécessité de compter a aussitôt disparu.”

Manifestantes. Athènes, temps de crise
“Après la crise ?” MuCEM, Marseille, 2014

“Notons que parmi les structures qui nous ont sollicités pour recevoir les médicaments de notre part, on compte certains hôpitaux publics et parfois militaires, les autres Centres de Santé solidaires bien entendu, l’Église, l’administration pénitentiaire, les Centres d’accueil pour refugiés et migrants, les dispensaires publics surtout ceux des îles, Médecins du Monde, d’autres ONG et enfin, certains établissements scolaires publics.”

“Notre mission publique est ainsi complémentaire à celle du système de Santé, surtout lorsque ce dernier ne peut plus remplir son rôle ni ses missions, d’où d’ailleurs cet oxymore alors de taille: L’État fait appel à nous en reconnaissant notre rôle et en même temps ce même État… organise et met en exécution la fermeture brutale de notre Centre.”

Lorsque j’ai co-organisé en 2014 MuCEM à Marseille cette émouvante semaine riche en débats et en manifestations sous le titre “Après la crise ?”, Yórgos Vichas avait été parmi les nôtres dès le départ. Comme il y a déjà quatre ans, ses actes rejoignent les paroles, et son verbe est toujours aussi aiguisé.

“Nous exposons la situation de la Santé en Grèce sous la Troïka, nous dénonçons cette politique à travers l’Europe et le monde, nous considérons que cette politique introduite et planifiée par l’Union Européenne, par le FMI, par la BCE et par les gouvernements grecs est une forme de génocide. D’ailleurs, j’ai eu l’occasion d’en débattre de manière très constructive avec certains juristes internationaux lors d’un conférence en Suisse il y a quelques mois, sur cette dimension juridique de l’affaire grecque”, précise-t-il Yórgos Vichas (conférence de presse du 14 juin à Athènes).

Malade d’une tumeur ? Athènes, mai 2018
Vieux café. Athènes, 2018

Et nous avons bu ensuite toute notre tasse des impressions du jour dans un vieux café d’Athènes, sous le regard des retraités, tout comme sous celui des animaux adespotes (sans maître) des lieux. Nous savons que depuis… le fait si bien accompli de la dite crise, les retraités couverts certes par la Sécurité Sociale grecque, représentent désormais près de la moitié des patients qui trouvent… refuge au Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón.

“Ils viennent vers nous car leur semblant de retraite (souvent de moins de 400€ par mois) ne leur permet pas de couvrir les frais de participation pour ce qui tient des médicaments prescrits. Dans la même logique, nous recevons de plus en plus ceux qui ne sont ni retraités, ni actifs, personnes alors âgées entre 55 et 60 ans, génération dont la détresse est alors évidente”, précisent-ils les responsables du Centre d’Ellinikón.

Dans le même ordre d’idées, la “gouvernance” SYRIZA se met désormais à octroyer depuis quelques mois, des aides allant de 100 à 300 euros par mois, à une petite fraction des larges paupérisés du pays, après les avoir dépouillés de leurs biens, tout comme, après les avoir privés de travail. Les conditions d’octroi de ce type d’aide sont draconiennes, notamment, les tristes… élus ne doivent pas posséder grand-chose en immobilier ou autre type de bien.

Sous entendu: Bradez vos biens car vous ne retrouverez plus de travail et encore moins la moindre manière d’entreprendre… d’en bas. Ainsi, le système d’assistanat globalisant fera de vous des assistés, qui plus est, chroniquement dépressifs, dépendants, et historiquement inoffensifs pour les globalisateurs. Le tout, avec l’aimable participation de la sous-traitance clientéliste de SYRIZA, comme autant des autres partis politiques participant à la mascarade pseudo-démocratique actuelle, et pour tout dire, très exactement payés pour. C’est décidément pour cette raison que la législation SYRIZA/Troïka du moment se soucie alors davantage des casinos que de la santé publique.

Trière sacrée, céramique antique, Athènes, 2018
Notre poète Elytis. Années 1990
Dormir en paix. Athènes, mai 2018

Il est ainsi loin le temps des Trières sacrées des Anciens, de même que celui de notre poète Elytis pour qui, la poésie commence là où la mort n’a pas le dernier mot. br />
Elytis s’est d’ailleurs longtemps posé la question d’Hölderlin “à quoi bon des poètes dans ces temps si sombres?”. Oui, à quoi bon des poètes et des bénévoles, à l’image de ceux Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón ? Peut-être, parce que la poésie commence là où la mort n’a pas le dernier mot.

Sous le regard des animaux adespotes. Athènes, mai 2018

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

SOS méditerranéenne L’aquarius se dirige vers l’Espagne

Depuis 21h cette nuit, l’Aquarius fait route vers le port de Valence, en Espagne, pour procéder au débarquement de 630 personnes secourues le week-end dernier en Méditerranée centrale. Retour sur cinq jours de crise pour SOS MEDITERRANEE.

Dans la nuit de samedi à dimanche, l’Aquarius a procédé à 6 opérations en mer dont un sauvetage critique sous l’instruction du Centre de coordination des secours maritimes italien (IMRCC). 630 personnes, dont 7 femmes enceintes et 123 mineurs non accompagnés, ont pu être mis en sécurité à bord. Parmi elles, 400 personnes avaient été transférées depuis des navires italiens.

Dimanche après-midi, quelques heures après que l’Aquarius eut reçu du IMRCC l’instruction de remonter vers un « port sûr » en Sicile, la presse faisait état d’une déclaration des autorités italiennes annonçant la fermeture des ports italiens et sollicitant les autorités maltaises pour prendre en charge le débarquement. Le soir même, l’Aquarius recevait du IMRCC l’instruction de s’arrêter dans les eaux internationales, à 35 milles nautiques de l’Italie et 27 milles nautiques de Malte.

Mardi 12 juin, après plus de 36h de stand-by et d’imbroglio diplomatique entre Malte et l’Italie, et alors que la situation des 630 rescapés menaçait de devenir critique, l’Aquarius a reçu l’instruction des autorités maritimes compétentes de mettre le cap vers le port de Valence, désigné comme « port sûr » suite à une proposition du gouvernement espagnol.

La distance entre l’Aquarius et Valence était alors de 760 miles marins, soit plus de 1 500 km. À une vitesse de croisière de 8 nœuds susceptible de varier en fonction des conditions météorologiques, il faudra au moins quatre jours de navigation avant que l’Aquarius ne rejoigne sa destination.

Afin d’assurer la sécurité des rescapés et des équipes à bord pour cette longue traversée, 524 des 630 rescapés ont été transbordés hier dans l’après-midi sur deux navires italiens qui se rendent avec l’Aquarius jusqu’à Valence. En outre, des vivres ont été donnés par un navire de la marine maltaise puis par les autorités italiennes.

SOS MEDITERRANEE a accueilli avec soulagement la proposition d’accueil de l’Espagne, qui permet de dénouer la crise en cours, mais s’alarme des entraves à ses opérations de sauvetage et appelle les dirigeants des Etats européens à trouver de toute urgence une solution politique adéquate.

Plus que jamais, nous avons besoin de votre soutien.

http://www.sosmediterranee.fr/

Une pétition contre l’expulsion de la clinique d’Elliniko

Invitation à signer la pétition en ligne pour soutenir le Dispensaire Social d’Elliniko, en Grèce, menacé d’expulsion suite à la privatisation du site.

 Le lien est le suivant :  https://chn.ge/2JQMVYR 

SOUTIEN A LA CLINIQUE SOCIALE METROPOLITAINE D ELLINIKO.

POUR SON MAINTIEN , CONTRE SON EXPULSION :

La compagnie d’Etat ELLINIKO S.A. a publié la semaine dernière un ultimatum demandant à la clinique sociale d’Elliniko (MKIE) d’évacuer les locaux où elle exerce depuis sa création, dans l’enceinte de l’ancien aéroport public d’Elliniko ; cet ultimatum a pour objectif de faciliter la privatisation du site (exigée par les créanciers, prévue par le mémorandum signé par le gouvernement grec), malgré l’opposition de toutes celles / tous ceux qui y réclament la création d’un parc métropolitain, espace vert d’activités culturelles, sociales et sportives ouvertes à tou.te.s.

L’Etat demande ainsi à la clinique de vider les lieux d’ici le 30 juin 2018, sans proposer de solution alternative (installation dans un autre bâtiment public). Cette expulsion met donc en danger l’activité même de la clinique.

La clinique sociale d’Elliniko a été fondée en décembre 2011 dans la lancée des vastes mobilisations de la place Syntagma.

Elle incarne depuis lors la réponse des citoyens socialement actifs et sensibles à la violence de la crise et à l’austérité imposée au plus grand nombre par un petit nombre de décideurs.

La clinique sociale d’Elliniko est une structure emblématique du mouvement des dispensaires sociaux autogérés grecs apparus pour résister aux conséquences sanitaires de l’austérité massive imposée au peuple grec avec les mémorandums par la troïka (banque centrale européenne, commission européenne, fond monétaire international)

Son principal objectif est de fournir des services de santé et des médicaments gratuits à toute personne non assurée, sans emploi, sans ressources — aux premières victimes de la crise abandonnées par les services de santé publique. Le centre, depuis sa fondation, revendique dans le même temps des soins médicaux gratuits et universels.

En plaçant les êtres humains — et non la maladie — au centre de sa pratique de soins, son action défend et illustre une autre façon d’organiser et de penser la prestation de services de santé.

Fondé sur l’auto-organisation, l’autonomie, l’horizontalité, radicalement indépendant des pouvoirs politiques ou économiques, le MKIE inspire et rassemble des centaines de bénévoles. Tout au long de ces années, ces bénévoles ont reçu et accompagné près de 7.400 patients, à l’occasion de plus de 64.000 consultations. Ses besoins sont par ailleurs soutenus par des actions de solidarité développées, en Grèce et à l’étranger, par des milliers de personnes.

La clinique sociale d’Elliniko répond depuis ses débuts aux besoins de personnes habitant dans toute la région de l’Attique, et au-delà. Il a offert ses services aux camps de réfugiés, à des ONG et des hôpitaux publics. Le centre d’Elliniko veut continuer sans aucun obstacle ses activités ; le besoin en est toujours aussi pressant. Pour cette raison, son personnel est déterminé à lutter côte à côte avec ses patients et celles et ceux qui le soutiennent.

Nous, soussigné(e)s reconnaissons l’immense contribution sociale et humanitaire du MKIE. Nous voyons en outre en lui un exemple novateur de gestion communautaire des biens publics et de l’espace urbain, un incubateur d’approches novatrices en matière de pratiques de santé, un espace où de nouvelles relations sociales et de nouveaux savoirs sont produits.

Nous le soutenons sans réserve dans sa lutte, sur la voie de la solidarité, de la dignité, du respect et de l’humanisme et demandons aux autorités grecs de permettre le maintien des activités de la clinique sociale métropolitaine d’ Elliniko.

PREMIERS SIGNATAIRES :

Danielle MONTEL,  militante CGT, pharmacologue retraitée SANOFI

Jean VIGNES,   ancien secrétaire de la Fédération SUD santé-sociaux

Eric TOUSSAINT,  Porte parole du CADTM international et ex-coordinateur scientifique de la Commission pour la vérité sur la dette grecque instituée par la présidente du parlement hellénique en avril 2015
Héléne DERRIEN, Présidente de la coordination nationale de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Caroline FIAT, Députée Insoumise, commission des affaires sociales de l’assemblée nationale

Patrick SAURIN, syndicaliste SUD-CADTM-membre de la commission pour la vérité sur la dette publique grecque

Roxanne MITRALIAS, militante écologiste

Alexis CUKIER, Philosophe, Université de Poitiers

Jaime PASTOR, professeur universitaire Madrid, éditeur revue Viento Sur

Vicky SKOUMBI, Rédactrice en chef de la revue grecque αληthεια

Michel ANTONY, Ancien président de la Coordination Nationale de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité

Iñaki Moreno SUESKIN,  plate-forme Navarre de la santé, Pampelune

Pascal FRANCHET, Président du CADTM France, membre du Conseil Scientifique d’ATTAC

Hélène COLOMBANI, Présidente de la Fédération Nationale des Centres de Santé (FNCS)

Frédéric LORDON, économiste,  chercheur au Centre de Sociologie Européenne

Alexis KARACOSTAS, Médecin psychiatre Paris

Miguel URBAN CRESPO , député européen  Podemos

Odile HELIER, Anthropologue

Philippe MENUT, Réalisateur du film ‘’la tourmente grec’’

Maud GELLY, Médecin, Bobigny 93, CGT

Panos ANGELOPOULOS, Traducteur

Daniel TANURO, ingénieur agronome environnementaliste

Françoise NAY, Médecin, responsable de la Coordination Nationale de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité

Pascal BOISSEL, Président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie

Carine ROSTELEUR, Secrétaire régionale de la Centrale Générale des Services Publics, Belgique

Patrick SILBERSTEIN, Médecin, éditions Syllepse

Jean-yves LEFEUVRE, Délégué Général de la Fédération Nationale des Centres de Santé (FNCS)

Françoise JAFFE, Infirmière Saint-Malo

Benoit BORRITS,  Journaliste Paris

Verveine ANGELI Union Syndicale Solidaires – collectif France Grèce pour la santé Paris

Jérémie BAZART, dentiste Saint-Denis 93, Syndicat National des Chirurgiens Dentiste de Centre de Santé

Angélique KOUROUNIS, Journaliste

Emmanuel KOSADINOS Médecin psychiatre Paris

Stathis KOUVELAKIS, professeur de philosophie politique au Kings ‘collège de Londres

Rosine LEVERRIER, Vice présidente de la Coordination Nationale de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité

André LOCUSSOL, Economiste Paris, avec les grecs 56

Danièle SENE, infirmière,  Asalée Paris 18

Jean-Claude LAUMONNIER, Cadre de santé retraité

Joseph MAATOUK, Secrétaire de la Coordination Nationale de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité

Jérôme BONNARD, Porte-parole SUD solidaires-BPCE

Marie-Laure Coulmin KOUTSAFTIS, Journaliste Paris

Patrick DUBREUIL Médecin généraliste, Nantes, Syndicat de la Médecine Générale

Eliane MANDINE, Chargée de recherche  SANOFI, retraitée

Bruno PERCEBOIS, Médecin pédiatre 93, Collectif Solidarité France Grèce pour la Santé

Jean MALIFAUD, universitaire SNESUP-FSU

Christine CHALIER, Journaliste

Renè TOURIGUINE, avec les grecs 56, Bretagne Grèce Solidarité Santé

Elena PANIGOULI, Collectif solidarité France Grèce pour la santé Paris

Marc DEVOS, Collectif solidarité Grèce 67

Anne-marie FARMAKIDES, Collectif solidarité France Grèce pour la santé

Jean-claude CHAILLEY, Résistance Sociale

Jan MALEWSKI, Rédacteur de la revue Inprecor

Pieretta SAKELLARIOU, Psychologue, auteure, Toulouse

Philippe GASSER, Vice président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie

Alain VERREMA, Professeur d’université président de l’association ADAG (aide aux dispensaires autogérés grecs)  Strasbourg

Jean-pierre MARTIN, Psychiatre paris

Yannis YOULOUNTAS    , Réalisateur ‘’je lutte donc je suis’’

David FAROUT, Collectif Soutien au Peuple Grec Paris 5eme/13eme

Morgane NATAF, Collectif Soutien au Peuple Grec Paris 5eme/13eme

Roger CHAMP, Comite de Solidarité avec le Peuple Grec, Lyon

Catherine QUEVERDO, Collectif Soutien au Peuple Grec Paris 5eme/13eme

Michael SINODINOS, Collectif Solidarité Grèce Caen

Catherine ZAMBETTAKIS, Collectif Solidarité Grèce Caen

Jean-Albert GUIDOU, militant UL- CGT Bobigny 93

Paul CESBRON Médecin

Dominique MALHERBE, Saint Jacques de la lande

Omar KEZOUIT, coordinateur ATTAC, association ACDA (Algerie)

Philippe CHARTREUX, Saint Jacques de la lande

Janie ARNEGUY, Conseillère municipale Ensemble ! Nimes 30

Franck PROUHET, Médecin généraliste conseiller municipal NPA Canteleu 76

Jean claude SCHWENDEMANN, Président Alsace Crète

Florence SAVOURNIN, universitaire Toulouse

Marie-jean SAURET, psychanalyste, universitaire, Toulouse

Hervé RICOU, Avec les Grecs 29

Maxime BITTER, producteur

Thomas IACOBI, Journaliste

Claudine RICOU Avec les Grecs 29

Sylviane HOCHER, cadre infirmier en retraite

Comite Solidarité avec le Peuple grec LYON

Association Autogestion

Association Bretagne Grece Solidarité Santé

Association Grèce France Résistance

Collectif Solidarité grèce 67

Syndicat de la médecine générale

Union Syndicale de la Psychiatrie

Collectif Solidarité France Grèce pour la Santé

Association Solidarité Normandie Grèce

Centrale Générale des Services Publics ACOD Belgique

Centrale Générale des Services Publics ALR-LRB Belgique

Centrale Générale des Services Publics ALR Bruxelles secteur santé

Centrale Générale des Services Publics Hôpital Brugmann

Garanti sans virus. www.avast.com

Blocus sur le bateau Aquarius

AQUARIUS  :  UNE HONTE EUROPEENNE

L’idéal européen envoyé par le fond. Lundi 11 juin, le gouvernement italien a maintenu mordicus sa décision de fermer tous les ports du pays à l’Aquarius, navire humanitaire bloqué en mer depuis la veille alors qu’il faisait route vers la Sicile avec 629 migrants à son bord, dont 123 mineurs isolés et sept femmes enceintes.

Dans l’urgence, et dans un silence assourdissant côté français, c’est le premier ministre espagnol qui s’est dressé pour offrir une solution de rechange au bateau de SOS Méditerranée, affrété en collaboration avec Médecins sans frontières (MSF).« Il est de notre obligation d’aider à éviter une catastrophe humanitaire et d’offrir un “port sûr” à ces personnes », a réagi Pedro Sánchez lundi après-midi, en proposant que la ville de Valence, sur la côte est du pays, recueille l’ensemble des exilés, dont plusieurs ont été récupérés ce week-end in extremis alors que leurs embarcations pneumatiques étaient déjà en train de couler. Pour le socialiste, il s’agit simplement que « l’Es­pagne ho­nore [ses] en­ga­ge­ments in­ter­na­tio­naux en ma­tière de crise hu­ma­ni­taire ».

Lundi dans la soirée, l’équipage de l’Aquarius (qui a « repêché » plus de 30 000 migrants en quatre ans) indiquait cependant qu’il ne bougeait pas, « dans l’attente d’instructions de la part des autorités maritimes compétentes », rappelant que trois jours minimum de mer seraient nécessaires pour rejoindre Valence.

D’après un communiqué diffusé par l’ONG, aucune vie à bord n’est plus en péril immédiat, mais « tous les rescapés sont épuisés et déshydratés parce qu’ils ont passé de longues heures à la dérive dans des canots. Il y a beaucoup de rescapés brûlés par le mélange d’essence et d’eau de mer ». Réagissant au blocus italien, le président de l’association semblait se frotter les yeux pour y croire : « Nous ne pouvons pas imaginer que des préoccupations politiques prévalent sur la situation humanitaire de centaines de personnes tout juste sauvées d’une noyade certaine et qui viennent de quitter l’enfer libyen. »

Et pourtant. Le blocus italien a été annoncé dimanche par le ministre de l’intérieur en personne, Matteo Salvini, entré au gouvernement le 31 mai à la faveur d’une coalition entre son parti d’extrême droite (La Ligue) et les populistes du M5S, formée à l’issue des législatives de mars dernier. C’était lui déjà, le 3 juin, qui avait prévenu que l’Italie ne deviendrait pas « le camp de réfugiés de l’Europe » et qui avait appelé les 500 000 « clandestins » du pays à « faire leurs valises ». Au-delà de ces paroles incendiaires, Matteo Salvini avait besoin d’un acte symbolique, le voici.

L’Aquarius a dû stopper les gaz dimanche alors qu’il croisait grosso modo à équidistance des côtes italiennes et maltaises, précisément à 35 milles nautiques de la Sicile et 28 milles de Malte, l’Italie estimant qu’il revenait plutôt à son micro-voisin, lui aussi membre de l’Union européenne, d’accueillir les 629 migrants.« Malte n’est pas l’autorité qui coordonne le dossier et n’en a pas la compétence », a répliqué le porte-parole du gouvernement maltais, prêt à un long bras de fer diplomatique -sa marine s’est contentée lundi soir de ravitailler l’Aquarius en bouteilles d’eau et en nouilles. Son argument ? Les sauvetages opérés durant le week-end par l’Aquarius (au nombre de six) ont tous été supervisés par le Centre de coordination des secours (MRCC) de Rome. Mieux : une partie des 600 passagers ont été tirés de leurs embarcations précaires par des gardes-côtes transalpins, qui les ont ensuite transbordés sur le navire de SOS Méditerranée, épaulés d’un hélicoptère et d’un vaisseau de la marine italienne.

Pour le correspondant du Monde à Rome, tout s’est même « passé comme si les autorités italiennes avaient cherché à “remplir” le plus possible l’Aquarius » afin que l’annonce du blocus par Matteo Salvini produise un impact maximal, le jour où des élections municipales étaient organisées notamment en Sicile, où la Ligue jouait très gros.

« L’Italie commence à partir d’aujourd’hui à dire non au trafic d’êtres humains, non au business de l’immigration clandestine », a tonné Matteo Salvini, dans un texte publié sur Facebook. « Malte n’accueille personne, la France repousse les migrants à sa frontière, l’Espagne défend ses frontières avec les armes En Europe, tout le monde s’occupe de ses affaires. » Alors lui aussi désormais : « Fermons les ports », a revendiqué le leader d’extrême droite, slogan qui se répand depuis comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux.

En réplique, plusieurs maires de ports siciliens ou situés dans la région déshéritée des Pouilles, de Palerme à Tarente, en passant par Messine, proposaient d’ouvrir leurs portes à l’Aquarius. Naples est « prête à sauver des vies humaines », a ainsi tweeté le premier édile de la ville Luigi de Magistris, qualifiant Matteo Salvini de « sans-cœur ». Mais au regard du droit italien, cette décision ne saurait leur revenir.« Merci aux maires qui ouvrent leurs bras, a tout de même applaudi le Sea-Watch, autre navire humanitaire affrété par une ONG allemande, sans migrant à son bord ces jours-ci, mais que Matteo Salvini menace de laisser lui aussi sans point de chute en Italie. Vous êtes les ports de l’humanité ! »

Confronté à ce scénario lamentable, la Commission européenne a simplement demandé, lundi, « un règlement rapide » du bras de fer entre Malte et l’Italie, tandis qu’un porte-parole du gouvernement allemand en appelait au devoir « humanitaire » et au sens des responsabilités de toutes les parties. Sollicité par Mediapart, le cabinet de Gérard Collomb, le ministre de l’intérieur français, n’a pas réagi à ce stade. Ni plus ni moins que le président de la République, silencieux.

De leur côté, les eurodéputés socialistes fustigent, dans un communiqué, ce « bras de fer entre pays européens fuyant [leurs] responsabilités communes », estimant que l’attitude italienne « relève d’un comportement illégal », que celle des autorités maltaises mérite « une condamnation morale ». Surtout, ils s’inquiètent de la capacité de l’Union européenne à se mettre d’accord sur la réforme du règlement de Dublin, qui prévoit depuis 2003 que l’État responsable d’une demande d’asile est celui par lequel le migrant est arrivé (bien souvent la Grèce et l’Italie, pays de « première ligne »), qui autorise par exemple Paris à demander le renvoi vers Rome de tous les demandeurs d’asile de France ayant laissé des empreintes dans la « Botte ».

À cent lieues d’une véritable solidarité européenne, ce texte a tellement exaspéré les gouvernements transalpins successifs que les forces de l’ordre italiennes laissent de plus en plus de migrants traverser le pays sans les enregistrer, et qu’elles font mariner nombre de demandes de transfert émises par Paris – moins de 1 000 ont pu être effectués vers l’Italie en 2017.

Le refoulement de l’Aquarius « démontre une fois encore le besoin urgent d’une alternative au règlement de Dublin », clament de leur côté les eurodéputés écologistes, jugeant que celui-ci « fait peser une pression disproportionnée sur les États membres situés aux frontières extérieures de l’UE ». L’alternative à leurs yeux ? « Un système plus juste tenant compte des liens [familiaux] » et « appliquant un quota d’admission équitable entre États membres ». En attendant, ils demandent « à Emmanuel Macron de s’engager en faveur du respect des droits fondamentaux » et à la France de permettre à l’Aquarius « de débarquer ses passagers dans un port français ». Si ce n’est cette fois-ci, alors la suivante !

« [Il faut] partager la responsabilité des demandeurs d’asile entre tous les pays de l’UE », abonde Ian Brossat, chef de file des communistes aux élections européennes et adjoint d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris (qui a déjà demandé un « moratoire » dans l’application de « Dublin » après l’évacuation du campement du Millénaire).

Au niveau européen, cependant, les discussions sur la réforme du règlement sont aussi mal engagées que possible. Le règlement de Dublin est « mort », a même clamé le secrétaire d’État à l’immigration belge, Théo Francken, lors d’une réunion des ministres de l’intérieur le 4 juin dernier. Nationaliste flamand, il s’est déclaré partisan décomplexé de la politique du « push-back », soit justement du refoulement des bateaux de migrants.

Alors que le sujet est inscrit à l’ordre du jour du prochain conseil européen (des 28 et 29 juin), le texte élaboré par l’actuelle présidence bulgare de l’UE n’a quasiment aucune chance d’être adopté – il esquisse certes un dispositif de répartition par quotas pour alléger les pays « de première ligne », mais ce dernier serait uniquement actionnable en cas de « situation exceptionnelle », à l’issue d’un vote à la majorité qualifiée. En l’état, cette proposition ne satisfait ni la Grèce ni l’Italie, qui réclament beaucoup plus de solidarité. Et il va déjà beaucoup trop loin pour d’autres – notamment en Europe centrale ou orientale.

Face au gouffre politique, les réflexions partent d’ailleurs dans tous les sens. Mardi 5 juin, le premier ministre danois a ainsi annoncé que son pays était en discussion avec l’Autriche (qui doit bientôt assumer la présidence tournante de l’UE) et « d’autres pays » pour proposer la création de « centres communs de réception et d’expulsion » situés en dehors du territoire de l’UE, semble-t-il en Albanie ou au Kosovo. La solidarité est décidément en berne.

Pour mémoire, afin de décharger un peu la Grèce et l’Italie, la Commission européenne avait lancé en 2015 une expérience de « relocalisation » des demandeurs d’asile au sein de l’UE, permettant de contourner « Dublin » à petite échelle, au bénéfice de migrants appelés à décrocher sans trop de difficulté le statut de réfugiés (ressortissants syriens ou érythréens par exemple). Alors qu’il était prévu de « relocaliser » moins de 100 000 migrants à l’échelle de toute l’UE, seuls 35 % des objectifs ont été remplis au 31 mai.

La France, par exemple, n’a exécuté que 25 % de ses objectifs en accueillant 5 000 demandeurs d’asile venus de Grèce surtout, un peu d’Italie. Une goutte d’eau.

Grèce Le procès Georgiou

Confirmation de la sentence contre Georgiou : deux ans de prison avec sursis

Grèce  : le procès Georgiou  ou l’affaire de la falsification des statistiques grecques pour justifier l’intervention de la Troïka

10 juin par CADTM , Constantin Kaïmakis

Andréas Georgiou, président d’ELSTAT d’août 2010 à Août 2015, voit confirmée sa condamnation à deux ans de prison avec sursis pour délit de manquement à ses obligations dans le cadre de ses fonctions de président d’Elstat, l’Agence des statistiques grecque [1]. En effet le recours en cassation de l’arrêt qui l’avait condamné en Cour d’Appel a été rejeté par la Cour Suprême de l’Aréopage vendredi 9 juin 2018. Il est ainsi définitivement considéré comme coupable de manquement à ses devoirs. (En première instance Georgiou avait d’abord été innocenté, décision dont la procureure avait fait appel, ce qui avait amené la condamnation de Giorgiou à 2 ans avec sursis.)

Rappelons que l’ancien directeur de l’Agence Nationale de statistique Elstat avait communiqué des données sur les finances publiques grecques malgré l’avis contraire du Conseil des directeurs de l’Agence grecque des statistiques, qui s’opposait à la communication desdites données à l’Agence européenne Eurostat.
Comme expliqué dans le chapitre II du Rapport préliminaire de la Commission pour la Vérité sur la dette grecque :

« Un des nombreux cas de falsification concerne 17 entreprises publiques (DEKO). En 2010, ELSTAT et EUROSTAT décidèrent le transfert des dettes de 17 entreprises du secteur des entreprises non financières vers le budget de l’État, ce qui augmenta la dette publique de 18,2 Mds d’euros en 2009. Ces entités avaient été considérées comme des entreprises non financières, après qu’EUROSTAT eut approuvé leur classement dans ce secteur. Il convient de souligner que les règles de l’ESA95 en matière de classement n’ont pas changé entre 2000 et 2010.
Ce reclassement a été effectué sans études préalables ; il a de plus été réalisé en pleine nuit, une fois les membres de la direction d’ELSTAT partis. Le président d’ELSTAT eut alors tout le loisir de procéder à ces modifications sans être confronté aux questions des membres de l’équipe de direction. Ainsi, le rôle des experts nationaux fut complètement ignoré, ce qui est en totale contradiction avec la réglementation ESA95. Par conséquent, l’adoption par l’institution du critère pour rattacher une entité économique au budget de l’État constituait une violation de la réglementation. »

Reste que la principale affaire contre Georgiou est toujours pendante devant la Cour Suprême, avec comme accusation le « crime de félonie et d’atteinte envers les intérêts de l’État par déclaration mensongère ». Georgiou est accusé d’avoir gonflé les chiffres du déficit public en 2009, de 11,9 % du PIB en première estimation à 15,8 % dans la dernière, en y intégrant la dette des entreprises et organismes publics, ce qui a provoqué l’entrée de la Grèce dans le régime des plans d’aide de la Troïka et des mémoranda.

Incidemment, A. Georgiou a travaillé plusieurs années pour le FMI (de 1989 à juillet 2010) [2], qu’il n’a quitté que pour prendre le poste de président d’ELSTAT en août 2010.

Andréas Georgiou a fait plusieurs fois l’objet de déclarations spéciales de différents membres de la Troïka des créanciers de la Grèce, qui prennent régulièrement sa défense et réclament pour lui l’impunité judiciaire, en accusant le gouvernement grec de faire de lui une victime expiatoire et en défendant ses « statistiques impartiales » en accord avec les normes internationales.

Sauf que la question de l’intégration des dettes des entreprises publiques avait été spécifiquement adressée en octobre 2008 par l’eurodéputé Dimitrios Papadimoulis à la Commission Européenne [3], qui avait confirmé que celles-ci ne pouvaient en aucun cas être incluses dans le budget de l’État ni dans le calcul de son déficit.

Un procès sans fin

Ce n’est pas moins de 4 ans d’instruction judiciaire, deux procès initiaux et une réouverture du dossier que vient de clore la condamnation d’Andréas Georgiou. En effet, le 1er août 2017, le Tribunal correctionnel d’Athènes a condamné cet ancien Directeur de l’office des statistiques grecques (Elstat) à deux ans de prison avec sursis pour  «  manquement au devoir  ». Voici ce qu’en dit le quotidien Le Monde dans son édition du 1 août 2017 : « Andréas Georgiou, ancien chef de l’office des statistiques grecques, Elstat, au cœur de la saga des faux chiffres du déficit public au début de la crise de la dette, a été condamné, mardi 1er août, à deux ans de prison avec sursis. Le tribunal correctionnel d’Athènes l’a jugé coupable de « manquement au devoir », selon une source judiciaire. Cet ancien membre du Fonds monétaire international était poursuivi pour s’être entendu avec Eurostat (l’office européen de statistiques, dépendant de la Commission européenne) afin de grossir les chiffres du déficit et de la dette publique grecs pour l’année 2009. Le but supposé : faciliter la mise sous tutelle financière du pays, avec le déclenchement, en 2010, du premier plan d’aide internationale à la Grèce – on en est au troisième, depuis août 2015. [4] »

Comme l’écrit Éric Toussaint : « Après les élections législatives du 4 octobre 2009, le nouveau gouvernement de Georges Papandréou procéda en toute illégalité à une révision des statistiques afin de gonfler le déficit et le montant de la dette pour la période antérieure au mémorandum de 2010. Le niveau du déficit pour 2009 subit plusieurs révisions à la hausse, de 11,9 % du PIB en première estimation à 15,8 % dans la dernière. » « Le gouvernement de Papandréou a fait falsifier les statistiques de la dette grecque, non pas pour la réduire (comme la narration dominante le prétend) mais pour l’augmenter. C’est ce que démontre très clairement la Commission pour la Vérité sur la dette publique grecque dans son rapport de juin 2015 (voir le chapitre II, p. 17). [5] »

Le travail d’expertise de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque

La Commission pour la Vérité sur la dette  publique grecque (Commission Vérité) a été créée le 4 avril 2015 suivant une décision prise par la Présidente du Parlement grec, Zoé Konstantopoulou, qui a confié la coordination scientifique de ses travaux à Éric Toussaint, Docteur en sciences politiques. La trentaine d’experts qui ont travaillé à ce  remarquable travail de vérité font notamment état de l’évolution et de l’histoire de la dette grecque. Ils démontrent avec minutie comment  Papandréou a  dramatisé la situation de la dette et du  déficit pour justifier une intervention étrangère qui apporterait suffisamment de  fonds pour répondre à  la situation des banques. C’est là qu’interviennent les faux chiffres et les méthodes douteuses d’A. Georgiou à Elstat. Georgiou a créé de toutes pièces les éléments qui ont permis de «  gonfler  » artificiellement les chiffres du déficit et de la dette publique grecs. Les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique grecque ont décrit ces falsifications :
- les falsifications concernant les obligations des hôpitaux publics qui ont ainsi permis d’augmenter une première fois le déficit ;
- les falsifications portant sur 17 entreprises grecques et sur les organismes publics comme les services de l’électricité, le téléphone et les télécoms, le rail, la télévision publique etc, qui ont permis d’augmenter à nouveau le déficit ;
- enfin les fameux swaps de Goldman Sachs (contrats d’échanges de taux d’intérêts) qui sont venus gonfler rétroactivement les chiffres de la dette à compter de 2009.

Ainsi  la falsification des statistiques est directement liée à la dramatisation de la situation budgétaire et de la dette publique. Cela a été fait pour que l’opinion publique en Grèce, en Europe et au  niveau  international soient convaincue de la nécessité d’un « plan de sauvetage » de l’économie grecque en 2010, avec toutes les conditions strictes et conséquences sociales imposées à la population du pays. Les parlements des pays  européens ont voté pour le « sauvetage » de la Grèce en s’appuyant sur ces statistiques falsifiées.

Sous prétexte de fournir une aide à la Grèce, dans le cadre de la solidarité, on a en fait masqué la socialisation des pertes bancaires.

Tant par son style que ses méthodes,  Andréas Georgiou a été mis en cause, notamment par son administration. Les chiffres sont contestés, et pour les vérifier on va créer un conseil d’administration de sept membres. Les relations entre Georgiou et ce conseil sont difficiles voire inexistantes : il ne les réunit pas et ne les informe pas. Ce CA va être dissous, et ses membres remerciés. Deux d’entre eux décident de témoigner devant la commission pour la vérité contre leur ancien chef ; c’est le cas notamment de Zoé Georgantou, universitaire reconnue. Elle estime qu’Andreas Georgiou aurait gonflé les chiffres du déficit à dessein en y incluant par exemple les dettes des hôpitaux publics.

Un soutien inconditionnel de la Commission européenne

Marianne Thyssen, commissaire européenne aux affaires sociales, a affirmé que  «  les données sur la dette grecque pour la période de 2010 à 2015 ont été fiables et communiquées avec exactitude  ».  Dans cette situation, la justice grecque avait estimé en décembre 2016  qu’il n’y avait pas d’éléments suffisants pour  envoyer Georgiou devant le tribunal… Mais un courageux procureur  de la Cour suprême, Xeni Dimitriou a demandé le réexamen de l’affaire. A l’issue d’un nouveau procès, Georgiou a donc été condamné le 1er août 2017. Ses avocats et lui-même ont fait savoir qu’ils feraient appel.

La porte-parole de la Commission européenne, Mme Annika Breidthardt, a renouvelé son soutien total à Georgiou en déclarant que cette décision n’est pas conforme aux décisions précédentes de la justice et a réitéré que « la Commission est pleinement confiante dans l’exactitude et la fiabilité des données de l’Elstat au cours de la période 2010-2015 et au-delà ». Le vice-président de la Commission européenne, M. Valdis Dombrovskis, dans une interview au Financial Times a déclaré que « l’indépendance des offices nationaux des statistiques des pays-membres est un pilier important du fonctionnement de l’euro et un des éléments qui construisent la confiance entre les pays-membres de la zone euro ». Il en est de même de toute la nomenclature européenne qui clame son soutien à Georgiou via les Moscovici, Mario Draghi et autres… La pression des autorités européennes est constante soit de façon formelle soit via les médias européens. Et le prochain Eurogroupe de septembre 2017 envisage même d’en parler.

Rappelons que le gouvernement d’Alexis Tsipras a déjà plié devant les exigences des dirigeants européens dans une autre affaire. Voici ce qu’écrivait Maria Malagardis du quotidien français Libération à propos de l’abandon de poursuites contre trois experts techniques de Taiped, l’organisme mis en place pour gérer les privatisations http://www.cadtm.org/La-justice-ou-l-argent-L-etrange). Trois experts étrangers faisaient en effet, jusqu’à très récemment, l’objet de poursuites pénales :

« En cause : la manière dont a été gérée en 2014 la vente de 28 biens immobiliers concernant un grand nombre de ministères et d’installations publiques. Prix total de la transaction au profit de deux opérateurs privés (Eurobank Property et Ethniki Pangaea) : 261 millions d’euros.
Afin d’éviter le déménagement des nombreux services concernés, il avait été prévu que les nouveaux propriétaires loueraient ces bâtiments à ceux qui les occupent. Pendant vingt ans. A l’issue de cette période, l’État grec pourrait racheter ces propriétés, au prix courant du marché.

Sauf qu’un groupe d’avocats du Pirée va contester cette transaction et montrer comment le prix total de vente déjà sous-évalué, selon eux, se révélait de surcroît nettement inférieur au total des loyers encaissés au cours de la période concernée (580 millions d’euros). L’État grec était donc perdant, ont-ils estimé, conclusion reprise par le parquet dans un réquisitoire de 200 pages.

De surcroît, les heureux acquéreurs ont bénéficié d’une clause supplémentaire qui prévoit que le rachat éventuel par l’État grec serait exempté de toute taxe ou impôt. Autant de pertes supplémentaires pour le Trésor.

À l’issue de l’instruction préliminaire, des poursuites ont donc été engagées. Notamment contre un Espagnol, une Italienne et un Slovaque, tous conseillers auprès de Taiped à l’époque des faits. Rappelons que Taiped ne rend de comptes ni au Parlement grec, ni au gouvernement, sur la manière dont il gère les privatisations. Un vrai modèle de transparence donc.

Mais après l’annonce des poursuites, les membres de l’Eurogroupe, ont exigé et obtenu en 2016 l’impunité des membres de Taiped. Restait à éteindre l’action en justice.

Dès le 15 juin à Luxembourg, au moment où se finalisait l’accord pour les 8,5 milliards d’euros, le ministre des Finances espagnol, Luis de Guindos avait tapé du poing sur la table, en menaçant de bloquer l’aide si les poursuites n’étaient pas abandonnées. Visiblement, les représentants grecs ont dû donner ce jour-là quelques garanties sur leurs capacités à bloquer l’action de la justice, puisque l’argent fut débloqué. D’ailleurs, moins de deux semaines plus tard, la Cour suprême grecque, sollicitée par les avocats des trois experts, annulait purement et simplement les poursuites. »

Les ingérences des créanciers de la Grèce dans les affaires de justice a amené l’Union des juges et des procureurs de Grèce à vivement réagir dans un communiqué : « Les autorités judiciaires grecques et les lois grecques doivent traiter sur un pied d’égalité tous les citoyens indépendamment des relations spéciales que ces derniers pourraient avoir avec des services relevant de la Commission européenne. L’interprétation correcte et l’application des lois sont confiées par la Constitution aux institutions judiciaires dont le jugement ne doit pas être influencé par des tendances politiques, des pressions ou des incitations ». Et de conclure : « L’indépendance des offices nationaux des statistiques des pays-membres peut certes constituer un pilier important de l’union économique et monétaire selon la Commission, mais l’indépendance et la liberté de jugement des juges et des procureurs d’un pays sont la pierre angulaire du régime démocratique ».

À noter que, depuis début août 2017, Elstat a supprimé la parution des données flash sur le PIB grec… La raison ? Les données ne seraient pas fiables… tiens donc !

Pour terminer sur une note positive qui s’ajoute à celle de la condamnation de Georgiou, en juillet 2017, un ex-ministre socialiste a été condamné vendredi par un tribunal d’Athènes à huit ans de prison avec sursis pour « blanchiment d’argent » provenant de pots-de-vin versés par l’entreprise allemande Siemens pour la signature en 1997 d’un contrat avec la société grecque de télécommunications OTE [6].

Notes

Mort subite La chronique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Dans cette rubrique il revient sur la situation de la clinique sociale Elliniko menacée d’expulsion et le désengagement du gouvernement actuel avec cette photo terrible   » Ellinikón n’est pas à vendre… avec Alexis Tsípras en 2014 « .

Mort subite

La Terre finira par incarner sa seule histoire des minerais et des roches, à défaut de celle de l’humanité. Énième été grec sous le nouveau régime troïkanisé depuis 2010, essor paraît-il en ce moment du tourisme, exactement sous le soleil, mais surtout en ce juin 2018… la mort subite programmée pour la Clinique Sociale et Métropolitaine d’Ellinikón. Mort autant subite que programmée après celle de la gauche, le tout, sous le cynisme intéressé du bouffon Alexis Tsípras et de sa bande. Les masques sont tombées depuis déjà longtemps.

“Urne”. Athènes, 2018

Le Centre ou Clinique Sociale et Métropolitaine d’Ellinikón, a été fondé en décembre 2011 d’après l’initiative du médecin cardiologue Yórgos Vichas, pratiquement au même moment que ce blog “Greek Crisis”. Deux besoins urgents… devenus chroniques, ceci, à travers comme vous le savez tant de chroniques consacrées à l’irracontable. (Je voudrais d’ailleurs d’emblée et à cette occasion, solliciter toute l’indulgence des lectrices/lecteurs et ami(e)s de “Greek Crisis” car votre blog n’ayant pas encore pu résoudre toutes ses difficultés techniques (comme au demeurant celles liées à sa subsistance plus chroniques que jamais), il espère toutefois pouvoir revenir à son rythme plus régulier dans ses publications d’ici une, à deux semaines).

Été… oblige, c’est à travers son communiqué en ce début de juin 2018, que la Clinique alerte ceux qui peuvent et qui veulent encore être alertés de l’ultime menace pesant ainsi sur son existence, faisant très exactement suite à la “vente” (en réalité il a été offert aux promoteurs) du site de l’ancien aéroport d’Ellinikón. Nous relayons ainsi à l’instar d’autres sites, le communiqué publié par la Clinique Sociale Métropolitaine d’Ellinikón traduit en français, d’après le texte original sur son site. “Nous disons NON et ne céderons pas sans lutte! Le 31 mai 2018, Ellinikón S.A., une agence quasi-gouvernementale, nous a adressé un avis d’expulsion. La Clinique Sociale Métropolitaine d’Ellinikón devra quitter les lieux le 30 juin 2018 au plus tard, afin qu’Ellinikón S.A. puisse transférer la propriété des terrains à ses acquéreurs formels d’après les obligations signées par les parties concernées.”

Les masques tombent. Athènes, juin 2018
Temps des luttes. Ellinikón en 2014 (presse grecque)
Alexis Tsípras dévorant… la gauche. Presse grecque, 2014

“La copie de l’avis d’expulsion avait été envoyée au Ministre aux Finances, M. Tsakalotós, au Ministre d’État M. Flabouraris, au Secrétaire Générale Coordonnateur Gouvernementale M. Papayannakos et à d’autres ministres et PDG de la Société de Privatisation des biens publics grecs (TAIPED).”

“À ce jour, on ne nous a pas proposé de solution ou d’alternative pour relocaliser notre Centre. On attend qu’on ramasse nos affaires et qu’on s’en aille avant le 30 juin. On nous a ordonné de fermer nos portes et d’arrêter immédiatement notre intense activité au bénéfice de la communauté.”

“Depuis décembre 2011 nous avons traité 7.366 patients et réalisé 64.025 consultations. Nous sommes pionniers dans le domaine du recyclage de médicaments dans notre pays et grâce aux médicaments que nous avons rassemblés, plusieurs centaines d’organisations et d’agences de toute la Grèce ont ainsi sollicité et reçu de l’aide de notre part. En plus de les dispenser à nos propres patients, nous avons envoyé médicaments et matériel, non seulement à d’autres cliniques sociales mais aussi à des hôpitaux du secteur public, aux services sociaux et aux organisations qui soignent des personnes handicapées, aux crèches, aux centres de réfugiés comme à bien d’autres entités.”

Le sens de notre époque. Presse grecque 2015
Tsípras et les siens. Athènes, 2016 (presse grecque)
Le sens de notre époque. Presse grecque 2015

“La liste est très longue, car tous ceux qui s’adressaient à nous trouvaient toujours les portes grandes ouvertes ainsi qu’une assistance immédiate de la part des volontaires de notre Centre et de tous ceux qui nous aident à fonctionner. Des milliers de personnes et d’organismes ont donné des médicaments, du matériel et des fournitures, ainsi que leur travail, tant en Grèce que depuis l’étranger.”

“Notre action a motivé la venue de nombreux journalistes de tous les coins de la planète qui nous ont visité, ainsi que des universitaires comme d’autres groupes qui souhaitaient établir des structures similaires à cette clinique gratuite que nous avons créé. Ils veulent tous savoir comment nous avons fait, comment nous travaillons. Notre Centre a aidé (et n’en doutez pas qu’il continuera à le faire) tous ceux qui ont besoin de nous, et ceci dans un esprit de solidarité et de respect de chaque être humain.”

“Hier même, au 31 mai, dans une Assemblée Générale convoquée d’urgence, nos volontaires ont décidé à ne pas céder sans lutte. Aucun de nous ne pourra plus regarder dans les yeux nos patients… si nous admettons la défaite sans résister.”

“Nous déclarons que nous ne quitterons pas les lieux et que nous résisterons à toute mesure prise pour nous empêcher l’accès jusqu’à ce qu’on trouve une alternative adéquate. Notre devoir primordial est, et sera toujours de soigner nos patients. Nous ne resterons pas les bras croisés pendant qu’on détruit devant nos yeux les fruits de sept ans de travail. Nous avons rassemblé des médicaments et du matériel médical d’une valeur de centaines de milliers d’euros. Ils ne doivent pas être réduits à devenir des déchets, mais ils doivent distribués aux patients pour rétablir ou pour améliorer leur santé. Le 14 juin nous donnerons une conférence de presse pour expliquer le fonctionnement de la clinique et la nécessité pour que notre œuvre puisse continuer.”

Ellinikón n’est pas à vendre… avec Alexis Tsípras en 2014 (presse grecque)
Notre si belle année… 2018 (presse grecque)
Le goût de la vie. Athènes, 2018
Sous un certain regard. Athènes, mai 2018

J’ai connu Yórgos Vichas en 2012 autour d’un verre de vin athénien, c’était du du temps de l’espoir encore politique, puis, c’est au MuCEM à Marseille, qu’il a été parmi nos invités parmi les plus attendus, lorsque j’ai co-organisé en 2014, une semaine consacrée à la dite “crise grecque”.

Mon ami Olivier Delorme, rapportait déjà en décembre 2016 et à son propos l’épisode suivant:

“Ce cardiologue a, dès les débuts de la crise, créé le Dispensaire social métropolitain d’Ellinikón (sur le site de l’ancien aéroport et base aérienne américaine d’Athènes, voué par le gouvernement SYRIZA à une très lucrative opération immobilière) qui, avec l’aide de médecins et de personnels de santé bénévoles, grâce à la solidarité (et, pour notre petite part, celle de mes étudiants retraités de l’Université interâges de Créteil et du Val de Marne qui m’apportent régulièrement leurs médicaments non utilisés…), soigne ceux (de plus en plus nombreux) qui, du fait des politiques coloniales germano-européennes relayées par tous les gouvernements grecs depuis 2010, ont perdu tout accès aux soins.”

“Lors de son intervention au MuCEM, Vichas raconta notamment comment le dispensaire accueillait (c’était en 2014) des diabétiques qui, faute d’insuline, étaient devenus aveugles, ou qu’on devait amputer, des cancéreux non pris en charge et dont les chances de survie étaient diminuées d’autant plus qu’ils l’étaient tardivement, etc. Voilà donc ce qu’écrit cet homme-là, aujourd’hui, à propos de Theodorakis et de Tsípras (la violence de la lettre du premier est d’autant plus significative qu’il est lié au second par des liens familiaux…).”

Míkis Theodorakis. Athènes, 2018 (presse grecque)

“À l’occasion de la lettre ouverte de Míkis à Tsípras, je me suis rappelé les moments que j’ai vécu avec Míkis en février 2012. Je vous raconte ici quelque chose qui n’est pas public, mais que j’ai vécu en première ligne et qui concerne Míkis et Tsípras.”

“Le 11 février 2012, une journée avant le vote à la Vouli (‘Parlement’) du 2ème mémorandum, nous sommes chez Míkis et nous faisons les plans pour la manifestation du jour suivant. Míkis et Glézos ont décidé de descendre à Sýntagma et de manifester avec les milliers de citoyens. Moi je devais les accompagner en tant que médecin, parce qu’ils savent tous les deux qu’ils vont être attaqués par la police. Dans les plans, il est prévu que Tsípras sorte du Parlement, devant le Soldat Inconnu, où il doit rencontrer Míkis et Glézos, puis tous les trois doivent manifester avec le peuple. L’entente entre Míkis et Tsípras se fait devant moi au téléphone. Míkis est enthousiaste !”

“Le 12 février 2012, nous sommes arrivés devant le Soldat Inconnu. Le peuple défile par centaines de milliers dans le centre d’Athènes. Police et MAT partout. Tsípras nulle part. Les MAT (CRS grecs) ne perdent pas de temps et ils jettent les premiers lacrymos sur Míkis et Glézos. Très vite Athènes est noyée sous les lacrymos. Tsípras n’est nulle part ! Après quelques heures nous rentrons au sein du Parlement avec Míkis. Accablé par les lacrymos, sur son fauteuil roulant, il crie dans l’Assemblée: ‘Assassins, aujourd’hui vous votez la mort de la Grèce’.”

Alexis Tsípras, presse grecque 2017
Le rêve des Grecs. Athènes, 2017
Monument à la mémoire des suicidés. Athènes, 2015

“C’est un des nombreux moments de cette journée où j’ai compris de quels métaux rares est forgé cet homme. Tsípras, visiblement informé que Míkis est entré dans la Vouli (‘Parlement’), sort de l’Assemblée et vient vers nous. Míkis (dans son fauteuil roulant, accablé physiquement mais avec un très bon moral et une âme d’adolescent): ‘Tu nous as vendus, on t’attendait, pourquoi tu n’es pas descendu ?’.”

“Tsípras (en costume, sans cravate, bien repassé) visiblement embarrassé, comme un gamin qu’on dispute, avec un sourire hors de propos: ‘Nous nous battons ici, Míkis’. Míkis: ‘Non Alexis, c’est dehors qu’ils se battent, le vrai combat se donne dehors à cet instant et ta place était là-bas, pas ici.’ Tsípras a bafouillé indistinctement et il s’est éloigné… Édifiant, n’est-ce pas ? Tellement édifiant ! Si nous avions su, alors, des choses comme celles-là, peut-être aurions-nous été moins dupes de l’imposture SYRIZA…”

“Comme le précise Marie-Laure Koutsaftis, Vichas répond à cette objection qu’il avait déjà raconté cet épisode sur le moment… Mais sans doute n’a-t-on pas trop voulu entendre, alors, ce genre de choses. Je me souviens de Vichas, au MUCEM, alors que l’échéance des législatives n’était pas encore fixée… Il était en effet très circonspect sur les perspectives de l’arrivée au pouvoir de SYRIZA… J’avais mis cela sur le compte de la fatigue face aux situations qu’il devait affronter, gérer… Il y avait probablement plus que cela et je n’ai pas trop voulu le voir. Plusieurs amis grecs m’avaient également mis en garde…” (blog d’Olivier Delorme, le 4 décembre 2016).

Éric Toussaint du Comité sur la dette grecque. Athènes, 2011
Monument du Soldat Inconnu. Athènes, 2018
Mémoire du… Citoyen Inconnu. Athènes, 2018

J’avais été approché par un Syriziste pour participer à un comité composé de scientifiques bénévoles entre 2014 et 2015. Ce Comité auquel Yórgos Vichas participerait également, aurait travaillé sur le thème des suicides en Grèce et plus amplement, sur celui de la mortalité directement causée par les politiques austéritaires, s’agissant en réalité d’une forme de génocide, pour reprendre la formule de Yórgos Vichas, génocide certes lent, et néanmoins nettement planifié par les tenants de l’européisme germano-compatible (entre autres).

Ce comité aurait plus exactement prolongé et complété l’excellent travail d’Éric Toussaint et de son Comité sur la dette grecque, rien que par le renforcement des données dans le but de plaider si possible un jour devant les instances internationales adéquates. Car comme le fait remarquer Éric Toussaint:

“Les dettes réclamées par la Troïka ont été contractées par ses gouvernements successifs pour mener des politiques contre les intérêts de sa population. Les gouvernements français et allemand notamment ont créé la Troïka pour prêter de l’argent à la Grèce à condition que celle-ci rembourse les intérêts aux banques privées de leurs pays respectifs et qu’elle privatise, réduise les salaires et les retraites, ferme des hôpitaux… En outre, les créanciers avaient tous les éléments pour savoir qu’ils dictaient des conditions allant à l’encontre des intérêts du peuple grec, et violant la Constitution du pays tout comme le droit international. On est presque face à une dette odieuse pure.”

La… vraie nature de l’UE (site Internet du Plan-B). Athènes, 2014-2018

Le Comité formé par Éric Toussaint a été dissous depuis le côté officiel grec et il même été littéralement expulsé par les Syrizistes de l’après juillet 2015. Et quant à notre autre Comité sur les suicides, d’ajournement en ajournement il n’a tout simplement jamais vu le jour. Depuis, j’ai été informé qu’au niveau de la Région Attique dirigé par l’opportuniste Rena Doúrou, “notre” Comité aurait été sciemment saboté depuis son propre cabinet, de même que par le surplus suffisant de SYRIZA… d’en haut.

Pour la petite histoire, le Syriziste avec qui le premier contact avait été pris dans ce but, a préféré la poursuite et la continuité de l’après 2015, et surtout son heure de gloire entre le népotisme et le clientélisme de son administration d’origine comme de sa… longue vie au sein de la “mafiaisation” alors galopante au parti de l’escroc Alexis Tsípras, lequel à mon humble avis, il aurait été “préparé” depuis bien longtemps pour ce à quoi il a été destiné finalement à servir.

Dans ce contexte, on peut alors comprendre aisément, combien cette mise à mort du Centre Social et Métropolitain d’Ellinikón constitue autant un acte de malveillance criminelle, politique et même symbolique, ainsi voulu et programmé par les marionnettes du milieu SYRIZA. Notons enfin, comme le remarque sur son blog mon ami Jean-François Aupetigendre, que le centre d’Ellinikón ne fonctionnant qu’avec des bénévoles, sans le moindre euro en caisse (c’est même une règle imposée par le docteur Vichas). Seuls les dons matériels et le temps offert sont acceptés. Justement, c’est aussi cette extraordinaire réussite de l’homme, de sa solidarité, de sa bienveillance qui a si profondément gêné, autant les Troïkans, que leurs marionnettes de la dernière gauche à Athènes comme ailleurs.

Représentations. Athènes, mai 2018
On nous regarde d’en haut. Athènes, mai 2018
La… casse d’en bas. Athènes, juin 2018

Dans Athènes, on nous regarde bien d’en haut parfois, sans trop y comprendre grand-chose dans l’attitude des humains. La nouvelle casse… d’en bas, réelle comme incarnée sous forme d’activité ludique, consiste à acquérir le droit de casser certains objets, suivant le tarif… affiché. Grand succès de la formule paraît-il auprès d’un public jeune.

La Terre finira donc par incarner sa seule histoire des minerais, des roches… et des riches, à défaut de celle de l’humanité. Et surtout celle des animaux bien entendu, plus adespotes que jamais !

Animal adespote. Péloponnèse, mai 2018

* Photo de couverture: Fouilles de jadis dans les Cyclades

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

Piège en haute mer

Piège en haute mer

En Méditerranée, le ballet macabre des gardes-côtes libyens

Interceptions, intimidations, violence: la tension est à son comble entre les Libyens et les bateaux de sauvetage affrétés par les ONG.

«Le Temps» a passé deux semaines à bord de l’Aquarius, un bateau humanitaire qui se retrouve ballotté entre les vagues, les méthodes de pirates des gardes-côtes et les enjeux géopolitiques. Reportage

  • Reportage: Adrià Budry Carbó
  • Photos et vidéos: Camille Pagella

Ce n’est encore qu’une minuscule tache blanche dans l’immensité marine. Depuis la passerelle de l’Aquarius, le Genevois Basile Fischer ajuste une dernière fois ses jumelles. Trop gros pour être un déchet, et cette forme arrondie, proue en avant… Le sauveteur de garde du navire humanitaire en est désormais «sûr à 100%». A quelques milles nautiques, un bateau pneumatique surchargé tente de gagner les eaux internationales, loin de la Libye.

«SOS, MSF: préparez-vous pour intervention!» Le grésillement des talkies-walkies surprend le personnel en plein déjeuner dominical. En quelques minutes, la cafétéria se vide pourtant et les 39 membres de l’équipage de l’Aquarius rejoignent leur poste. Parmi eux, deux journalistes du Temps, embarqués pour une rotation de deux semaines. Sur le pont, le staff de Médecins sans frontières (MSF) – qui loue l’Aquarius à une compagnie privée allemande avec SOS Méditerranée – se prépare à prodiguer d’éventuels premiers secours aux passagers en détresse. A tribord, les sauveteurs ont déjà mis deux des trois zodiacs de secours à la mer. Les secondes s’écoulent comme des minutes pour les membres de l’équipage. Mais, alors que ceux-ci commencent à distinguer les quelque 120 occupants de l’embarcation de fortune, l’hélice de l’Aquarius cesse de tourner.

Bouée inaccessible

«Stand-by!» A bord, c’est l’incompréhension. Une vedette des gardes-côtes libyens fond désormais à grande vitesse sur le bateau pneumatique. L’emblématique Aquarius si facilement identifiable à sa couleur orange – et ses 77 mètres sont immobilisés à deux milles nautiques (3,7 kilomètres) de l’embarcation en détresse. Comme une bouée inaccessible.

Casquette vissée sur la tête et lunettes noires, Nick Romaniuk jongle entre les fréquences radio pour tenter de joindre le capitaine de la vedette libyenne Zuwara. Le responsable des opérations de sauvetage (ou «sarco», dans le jargon) a la mine grave. Comme les six autres personnes présentes dans le poste de commandement du bateau. La seule réponse intelligible sera finalement un tranchant «Go away».

Dans l’ordre des priorités d’un sarco, la sûreté de l’équipage passe avant celle des naufragés. D’expérience, Nick Romaniuk sait également qu’approcher l’Aquarius trop près d’une opération de sauvetage provoque un «effet aimant». Concrètement, des tentatives désespérées de fuite à la nage pour le rejoindre.

Migrants à la mer

Les deux zodiacs de sauvetage continuent de flotter à une centaine de mètres du bateau. L’opération libyenne est en passe de virer à la catastrophe. Au moins quatre personnes ont sauté à la mer après avoir été interceptées. Le clapotis de leurs bras est à peine perceptible. Sur l’Aquarius, tout le monde retient sa respiration, sauf l’adjoint du sarco, qui décrit la situation grâce à ses jumelles.

«On a failli les tirer de cet enfer (…) Ça s’est joué à quelques minutes, à quelques milles…»

Basile Fischer, sauveteur genevois sur l’Aquarius

«Des vies sont en danger. Nous devons être en mesure d’intervenir!» Nick Romaniuk plaide désormais directement auprès du MRCC. Le Centre italien de coordination des sauvetages est devenu, faute d’alternative libyenne, l’autorité décisionnaire pour toute cette partie de la Méditerranée. Ce jour-là, les fonctionnaires romains ont pourtant choisi de transférer la responsabilité du sauvetage aux Libyens. Malgré la proximité d’un navire mieux équipé pour ce type d’opérations et la présence d’une équipe médicale.

«Go away!» Le crépitement de la radio exige cette fois que l’Aquarius s’éloigne à 5 milles nautiques afin de ne pas «interférer» dans l’opération. Dans un mouvement lent, le navire humanitaire finit par s’éloigner du lieu du sauvetage.

Ceux qui s’approchent trop près

Le paradigme migratoire est en plein bouleversement en Méditerranée centrale, principale route vers l’Italie, empruntée par 181 000 personnes en 2016 et 119 000 en 2017, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. L’Union européenne y sous-traite désormais les opérations de sauvetage aux gardes-côtes libyens. Les migrants sont désormais «interceptés» puis ramenés dans la chaotique Libye post-Kadhafi, le pays qu’ils tentaient précisément de fuir.

INFOGRAPHIE. La carte des morts en Méditerranée depuis 2005, par Levi Westerveld, publiée dans «Le Temps» en décembre 2017. Chaque point rouge représente un décès en mer.

Plus d’informations sur cette carte: Méditerranée, le cimetière marin

Source https://www.letemps.ch/grand-format/piege-haute-mer

Mort subite pour la Clinique Sociale d’Εlliniko?

Communiqué de la clinique sociale d’Εlliniko.

https://initiativesolidaritebxl.wordpress.com/2018/06/05/mort-subite-pour-la-clinique-sociale-d%CE%B5lliniko

Nous disons NON et ne céderons pas sans lutte !

Le 31 mai 2018, Elliniko A.E:, une agence quasi-gouvernementale, nous a envoyé un avis d’expulsion. La Clinique Sociale Métropolitaine d’ Εllliniko (CSME) devrá quitter les lieux le 30 juin 2018 au plus tard, afin que Elliniko A.E.puisse transférer les terrains à l’acheteur définitif.

Copie de l’avis d’expulsion avait été envoyée au Ministre aux Finances, M. Tsakalotos, au Ministre d’État M. Flabouraris, au Sécretaire Générale Coordonnateur Gouvernementale M. Papayannatos et à d’autres ministres et PDG de sociétées privées de développement immobilier.

À ce jour, on ne nous a pas proposé aucune solution ou alternative pour relocaliser la Clinique. On attend qu’on ramasse nos affaires et qu’on s’en aille avant le 30 juin. On nous a ordonné de fermer nos portes et d’arrêter immédiatement notre intense activité en bénéfice de la communauté.

Depuis décembre 2011 nous avons traité 7.366 patients et réalisé 64.025 consultations. Nous sommes pionniers dans le champ du recyclage de médicaments dans notre payes et grâce aux médicaments que nous avons rassemble, des centaines d’organisations et d’agences de partout dans la Grèce ont demandé et reçu de l’aide de notre part. En plus de les dispenser à nos propres patients, nous avons envoyé des médicaments et du matériel non seulement à d’autres cliniques sociales mais aussi à des hôpitaux, publiques, des services sociaux et à des organisations qui soignent des personnes handicapées, des crèches, des centres de réfugiés et beaucoup d’autres entités. La liste est très longue, car tous ceux qui s’adressaient à nous trouvaient toujours les portes grandes ouvertes et du support immédiat de la part des volontaires de la CSME et de ceux qui l’aident à fonctionner. Des milliers ont donné des médicaments, du matériel et des fournitures et leur travail, tant en Grèce que depuis l’étranger.

C’est à cause de ceci que des journalistes de tous les coins de la planète nous ont visité, ainsi que des universités et d’autres groupes qui souhaitaient établir des structures similaires à cette clinique gratuite que nous avons créé. Ils veulent tous savoir comment nous avons fait, comment nous travaillons.

La CSME a aidé (et ne doutez pas qu’elle continuera à le faire) tous ceux qui ont besoin de nos services, et ceci dans un esprit de solidarité et respect pour tous les êtres humains.

Hier même, 31 mai, dans une Assemblée Générale convoquée d’urgence, nos volontaires ont décidé de ne pas céder sans lutte. Aucun de nous ne pourra plus regarder dans les yeux de nos patients si nous admettons la défaite sans résistance.

Nous déclarons que nous ne quitterons pas les lieux et que nous résisterons à toute mesure prise pour nous empêcher l’accès jusqu’à ce qu’on trouve une alternative adéquate. Notre devoir primordial est et sera toujours de soigner nos patients. Nous ne resterons pas les bras croisés pendant qu’on détruit devant nos yeux les fruits de sept ans de travail. Nous avons rassemblé des médicaments et du matériel médical pour une valeur de centaines de milliers d’euros. Ils ne doivent pais être réduits à des déchets, mais distribués aux patients pour rétablir ou améliorer leur santé.

Le 14 juin nous donnerons une conférence de presse pour expliquer le fonctionnement de la clinique et na nécessité de qu’il continue.

CLINIQUE SOCIALE MÉTROPOLITAINE D’ELLINIKO


 

Voir la vidéo de 3 minutes extrait de « La tourmente grecque » tournée par Philippe Menut  qui présente notamment le fonctionnement de la clinique sociale d’Elliniko, animée par plus de cent bénévoles, symbole de solidarité autogestionnaire en Grèce. Une référence connue au plan international.

https://www.youtube.com/watch?v=FT9GmY0Oxgo#action=share

 

 

 

Grèce : L’affaire Novartis, un scandale aux airs de déjà-vu

Marie-Laure Coulmin Koutsaftis CADTM

cc William Hamon pour Flickr, 2008

Les investigations du FBI, suite aux Paradise Papers et aux Panama Papers, à l’encontre de la multinationale pharmaceutique Novartis ont éclaboussé fâcheusement plusieurs personnalités du monde politique grec. La Commission d’enquête du Parlement hellénique a renvoyé vers la justice le dossier concernant les accusations portées contre plusieurs hommes politiques, dont certains sont aussi parlementaires, ce qui devrait entraîner l’ouverture imminente d’une enquête. De nouveaux éléments de preuves concernant des comptes bancaires laissaient espérer des développements d’ici l’été 2018. Indépendamment des remugles soulevés par cette affaire, le gouvernement de Tsipras la met en exergue pour en faire sa vitrine de lutte contre la corruption, une des obligations mémorandaires de l’État grec … et mettre en difficulté ses adversaires politiques impliqués.

Pour ceux qui suivent l’actualité grecque, le parallèle de l’affaire Novartis avec le scandale SIEMENS s’impose. Pour tous les autres, la puanteur caractéristique de la corruption qui en émane évoque des affaires connues dans d’autres pays, au Nord comme au Sud.

Suite aux révélations du FBI, des témoignages sous serment ont été recueillis par la justice grecque contre les anciens Premiers ministres Panayiotis Pikrammenos et Antonis Samaras, ainsi que contre leurs ministres Yiannis Stournaras, Dimitris Avramopoulos, Adonis Yioryiadis, Andreas Lykourentzos et Marios Salmas pour le parti de droite Nouvelle Démocratie, et pour le parti socialiste PASOK, Andreas Loverdos, Evaggelos Venizelos et Yiorgos Koutroumanis. Des directeurs d’hôpitaux publics sont aussi visés par ces accusations, au total une trentaine de personnes.

La Grèce est l’un des pays qui contribue à indexer mondialement le prix courant des médicaments, ce qui a incité Novartis à intervenir directement auprès des officiels grecs concernés, principalement les ministres de la Santé et/ou des Finances, pour que ses produits soient mieux rémunérés que ceux de ses concurrents – il s’agissait notamment de médicaments anti-cancéreux, déjà fort onéreux.

Ainsi on trouve des accusations liées à la commande de vaccins contre la grippe aviaire pour l’ensemble de la population en Grèce, ainsi que pour un appel d’offre publique de 200 millions d’€ pour l’approvisionnement en tests préventifs contre le virus du Sida. Des sommes ont été versées par Novartis en « remerciement » d’un soutien consistant à surestimer le prix des médicaments du groupe ; à entériner la circulation de médicaments onéreux, dans le contexte des memoranda et du démantèlement du système national de santé (ESY) en Grèce. De même le paiement des dettes de l’État grec envers Novartis d’une hauteur de 65 millions d’€ a été facilité dans une période de gel des paiements publics, en échange d’une rétribution de 2 millions en espèce. La société Novartis a été favorisée par la surévaluation du prix de ses médicaments, des autorisations d’exploitation ont été accordés en processus accéléré.

La corruption passive et l’abus de confiance au détriment de l’administration ont porté un préjudice estimé à 3 milliards d’€ en échange de pots de vin distribués entre 2006 et début 2015 pour un total de 50 million € [1].

Une note manuscrite d’un premier ministre avec des numéros de téléphone portable a été remise au vice-président de Novartis Grèce, Frouzis, afin de le mettre en contact direct avec le vice-ministre de l’Économie, responsable des paiements de l’administration grecque à l’époque.

Yiannis Stournaras, l’actuel gouverneur de la Banque Centrale de Grèce et ancien Ministre des Finances de Samaras, a été salarié comme conseiller de Novartis en 2011, six mois [2] avant d’accéder à la fonction de Ministre de l’Économie.

Le vice-président de Novartis, qui était aussi à la tête de l’Union des entreprises pharmaceutiques de Grèce, envoyait régulièrement des missives personnelles à Adonis Yioryiadis alors Ministre de la santé du gouvernement Samaras de juin 2013 à septembre 2014, avec des conseils « législatifs », alors que parallèlement, il faisait état devant ses supérieurs de son influence sur le monde politique grec. Novartis comptait parmi les 14 entreprises du think tank de Samaras [3] qui allait « sortir la Grèce des programmes d’aide » pour la conduire « à la stabilité et au redressement. »

Novartis, un scandale comparable à l’affaire SIEMENS

Au total l’intégrité des hommes politiques au pouvoir au moment de l’affaire semble discutable malgré leurs protestations effarouchées. Ils appartiennent à la mouvance Pasok / Nouvelle Démocratie que l’on pouvait qualifier de « mémorandaire » jusqu’au volte-face de Tsipras en juillet 2015. Outre la conviction néolibérale affichée desdits ministres, l’appât du gain et l’évidente corruption semblent constituer un motif aussi trivial qu’évident. L’enquête sur les responsables politiques cités dans l’affaire est inévitable malgré la loi d’impunité dont bénéficient les ministres grecs : c’est aussi une obligation du troisième mémorandum que de « lutter contre la corruption » et c’est l’occasion pour l’actuel gouvernement de se montrer vertueux par contraste avec ses opposants politiques impliqués.

Comment une multinationale réussit à influencer les décisions politiques d’un gouvernement élu

Au-delà de son utilisation politique, cette affaire révèle au passage comment une fois de plus, une multinationale réussit à influencer les décisions politiques d’un gouvernement élu – après que le président de la filiale grecque de l’entreprise cimentière française Lafarge a dicté au représentant du FMI dans la troïka les mesures de casse du droit du travail en 2011 [4] .

L’affaire Novartis a causé un préjudice dans les caisses de l’État grec estimé par l’actuel gouvernement à 23 milliards de dollars [5] dus à la surévaluation du prix de certains médicaments au bénéfice de Novartis ; c’est-à-dire une somme égale aux mesures d’un mémorandum, tandis que les témoignages recueillis par la justice font état de pots-de-vin pour un total compris entre 50 millions et un milliard d’euros, versés à des responsables politiques. Le journal Ethnos fait remarquer que les dépenses pharmaceutiques en Grèce au cours de la période 2000-2015 ont été trois fois plus élevées que la moyenne européenne – alors même que les médicaments de base, malgré l’usage des génériques, manquaient cruellement dans les hôpitaux. Le Journal des Rédacteurs souligne qu’avec cette somme l’État grec aurait pu payer des salaires et des retraites pendant deux ans.

Encore plus trivialement, cet argent aurait pu servir à maintenir les investissements publics dans les domaines de l’Enfance et de la Famille. En effet, ces dépenses ont subi entre 2009 et 2013 une baisse de 48.7% ; pour la Santé, une baisse de 42.5%. Fin 2013, la diminution des dépenses pour les Services hospitaliers atteignait 41.8%. Parallèlement les dépenses publiques pour les médicaments et les équipements médicaux dans les hôpitaux ont baissé de 49.2% [6].

L’affaire Novartis est un scandale aussi retentissant que l’affaire Siemens – il faut espérer qu’il n’y aura pas de compromis judiciaire avec Novartis comme celui signé en 2013 avec Siemens par l’actuel gouverneur de la Banque de Grèce Yannis Stournaras, alors Ministre des Finances et par la suite l’un des acteurs funestes de l’étouffement bancaire imposé par la BCE au gouvernement de gauche radicale Syriza dans le premier semestre 2015 [7].

Encore une fois, une multinationale lubrifie à coup de pots-de-vin et de cadeaux les cadres politiques et exécutifs d’un gouvernement souverain : ce schéma habituel de la corruption n’est pas une exclusivité grecque. L’exemple actuel du gouvernement Rajoy contraint en juin 2018 à la démission pour corruption aggravée, les traces d’une corruption généralisée du monde politique français avec ses nombreuses collusions entre monde des affaires et monde politique – le va-et-vient entre multinationales et exécutif dans la Commission européenne, via les lobbies, sans que quiconque s’en formalise au final – tous ces cas de détournement du pouvoir au profit d’une oligarchie capitaliste sont les symptômes de la maladie qui entraîne la planète dans une course fatale à sa destruction écologique.

Dans un contexte d’état d’urgence économique, en état de guerre latente au nom du terrorisme et de la « crise de la dette publique », les grands groupes financiers mettent les États à leur service en utilisant tout leur arsenal de « gouvernance » économique et répressive. Il est grand temps de défaire par tous les moyens ces collusions fatales entre monde de la finance et monde politique, qui n’ont d’autre but que de décourager la participation citoyenne à la gestion de la vie en commun. Il est grand temps de nous ressaisir de la gestion de nos propres vies en redonnant la priorité aux droits humains élémentaires, avant les logiques de profit gérés désormais par des logarithmes fous entre les mains d’une oligarchie corrompue. Il est grand temps d’instaurer un contrôle démocratique sur les échanges bancaires et financiers, pour commencer par le commencement : empêcher les transactions obscures entre dirigeants élus et grands groupes financiers.

Le scandale Siemens implique plusieurs hommes politiques et haut-cadres de l’administration grecque, accusés et confondus pour corruption passive et active et blanchiment d’argent dans le cadre de contrats publics concernant des ventes d’équipement militaire mais aussi pendant la préparation des jeux olympiques de 2004 et dans l’installation du réseau téléphonique public OTE (Voir Okeanews). Siemens a distribué (en Grèce comme dans d’autres pays) des milliards en pots de vin pour s’assurer de marchés publics.

L’implantation de Siemens en Grèce et ses rapports incestueux avec l’État grec remontent à l’occupation, quand la compagnie allemande, liée à la Deutsche Bank (qui était elle-même liée à la Banque de Grèce par un accord d’exploitation du lignite, des surfaces agricoles et des ressources hydrauliques), travaillait avec la compagnie privée de téléphonie grecque. (Voir Siemens Scandal, Siemens Hellas, Christopher Pappas et Verdict et noms des accusés).
Les liens étroits entre Siemens et l’État grec se poursuivent sous l’ère du premier ministre PASOK Simitis. Comme l’écrit Éric Toussaint dans son article Pistes pour l’audit de la dette de la Grèce : « Plusieurs contrats ont été passés avec la transnationale allemande Siemens, accusée – tant par la justice allemande que grecque – d’avoir versé des commissions et autres pots de vin au personnel politique, militaire et administratif grec de l’époque pour un montant approchant le milliard d’euros. Le principal dirigeant de la firme Siemens-Hellas [22], qui a reconnu avoir ’financé’ les deux grands partis grecs, s’est enfui en 2010 en Allemagne et la justice allemande a rejeté la demande d’extradition introduite par la Grèce. Ces scandales incluent la vente, par Siemens et ses associés internationaux, du système antimissiles Patriot (1999, 10 millions d’euros en pots de vin), la digitalisation des centres téléphoniques de l’OTE-Organisme Grec des Télécommunications (pots de vin de 100 millions d’euros), le système de sécurité ’C4I’ acheté à l’occasion des JO 2004 et qui n’a jamais fonctionné, la vente de matériel aux chemins de fer grecs (OSE), du système de télécommunications Hermès à l’armée grecque, d’équipements très coûteux vendus aux hôpitaux grecs. Début mars 2015, s’est ouvert à Athènes un procès qui porte sur un des nombreux dossiers de corruption dans lesquels Siemens est impliqué, celui lié à OTE [23]. Parmi les 64 suspects, 13 sont des ressortissants allemands, cadres de la société mère. Selon la décision des juges, Siemens aurait versé environ 70 millions d’euros pour décrocher un contrat et pour numériser le réseau de télécommunications public grec de l’époque, OTE (le contrat date de 1997). Parmi les suspects, l’ancien homme fort de Siemens Hellas, Michalis Christoforakos, qui s’est enfui en Allemagne et que les autorités allemandes refusent toujours d’extrader vers la Grèce. Les accusations font référence à du ’blanchiment d’argent’ et à de la ’corruption active et passive’. Theodoros Tsoukatos, conseiller de l’ancien premier ministre de premier ministre de 1996 à 2004, Kostas Simitis (PASOK) est également sur la liste des suspects. Tsoukatos semble avoir distribué 1 000 000 de Deustche Mark et a maintenu que les fonds se sont retrouvés dans les comptes du PASOK. Les autres suspects sont des cadres supérieurs de la filiale grecque de Siemens, ainsi que des ressortissants allemands qui auraient approuvés les pots de vin et les paiements. Le seul politicien grec ayant jusqu’à maintenant été condamné en relation avec ce scandale est l’ancien ministre des Transports, Tasos Mantelis, qui a écopé de trois ans de prison avec sursis en 2011 après avoir été reconnu coupable d’avoir accepté des paiements de 450 000 deutsche mark (230 000 €) de Siemens entre 1998 et 2000. »

Notes

[1http://www.amna.gr/en/article/228053/Novartis-case-file-points-to-kickbacks-worth-50-mln-euros–sources-say

[2Στενές επαφές φαρμακευτικού τύπου, par Thanos Kamilalis in ThePressProject 19/03/2018

[3http://tvxs.gr/news/ellada/success-story-tis-novartis-me-think-tank-samara

[4Hold-up social : comment le droit du travail a été démantelé en Europe, sans aucun bénéfice sur l’emploi et les gens et Bastamag, Comment le cimentier Lafarge a demandé et obtenu le démantèlement du droit du travail en Grèce
Par ailleurs Lafarge serait aussi impliqué dans des accords avec l’État islamique : Le Figaro, « En Syrie, Lafarge se serait « arrangé » avec l’État islamique » et « Comment Lafarge se serait arrangé avec Daesh pour garder son usine en Syrie »

[5http://www.tovima.gr/politics/article/?aid=942040

[6] Source : Eurostat, General Government expenditure by function (COFOG) (gov_10a_exp)

[7Στενές επαφές φαρμακευτικού τύπου, par Thanos Kamilalis in ThePressProject 19/03/2018

Source http://www.cadtm.org/Grece-L-affaire-Novartis-un-scandale-aux-airs-de-deja-vu

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