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La Grèce est soumise à une logique coloniale (James Galbraith)

Entretien de James Galbraith avec Romaric Godin (la Grèce , zone euro, des réformes en France …)

James Galbraith, économiste à l’université d’Austin (Texas) et ancien conseiller de Yanis Varoufakis lorsqu’il était ministre de l’Economie de Grèce, revient sur la situation dans ce pays, sur la zone euro et sur les « réformes structurelles » en France.

James Kenneth Galbraith, né en 1952, est le fils de John Kenneth Galbraith, figure de proue du keynésianisme étasunien de l’après-guerre et conseiller de plusieurs présidents des Etats-Unis. Professeur à l’université d’Austin, au Texas, il a critiqué l’emprise du marché sur la gauche dans son ouvrage L’Etat prédateur et est un des économistes les plus sévères à l’encontre de la pensée libérale. Ami de Yanis Varoufakis, il a été son conseiller pendant les quelques mois du passage de ce dernier au ministère des Finances grec en 2015. De passage à Paris, il livre à La Tribune ses réflexions sur la Grèce, l’euro, les « réformes structurelles » en France, et les élections aux Etats-Unis.

Votre dernier ouvrage traduit en français relate votre expérience en tant que conseiller du ministre des Finances grec Yanis Varoufakis au cœur de la tourmente grecque de l’an dernierⁱ. Un an après, quel regard portez-vous sur le nouvel « accord » annoncé le 24 mai dernier par l’Eurogroupe ?

La vente en liquidation de la Grèce se poursuit et ce soi-disant accord n’est qu’une nouvelle étape de ce processus. Il signifie encore des réductions dans les pensions, encore une accélération des privatisations à des prix bradés, encore des hausses de taxes indirectes. C’est l’assurance de la poursuite de l’étranglement de l’économie hellénique avec des délocalisations d’entreprises, des expulsions de particuliers de leur logement et la cession de biens d’Etat – les ports, les aéroports, les chemin de fer et même des terrains ou des plages – qui étaient des sources de revenus commerciaux pour le gouvernement.

Et l’engagement vis-à-vis de la dette est limité…

Les créanciers ont imposé deux ans de délai pour parler de la dette, sans aucune garantie sur le résultat et alors qu’ils imposent une politique qui ne rendra aucun résultat. Et quand bien même elle aurait quelques résultats, ils ne profiteraient pas aux Grecs, mais à des entreprises étrangères, à des compagnies pharmaceutiques ou agro-alimentaires qui pourront investir des marchés qui étaient, jusqu’ici des soutiens à l’économie locale. En fait, les Grecs ne sont plus les bienvenus sur les marchés grecs…

Ce que vous décrivez ressemble à une logique coloniale…

C’est une logique de colonisation. Si cela se passait aux Etats-Unis, ce serait normal. N’importe quel citoyen étasunien peut détenir une entreprise en Arizona, mais je crois que c’est différent en Europe où les nations existent et valent encore quelque chose. Ici, on voit la logique créancière triompher sur l’indépendance nationale. C’est la première fois que cela se produit et c’est assez inacceptable.

La dette grecque est-elle légitime ?

Il faut poser la question de la validité des dettes et de la responsabilité des grands Etats européens. Les dettes acquises par le gouvernement grec l’ont souvent été avec l’accord des créanciers pour financer des projets militaires ou des projets de construction qui ont profité aux entreprises allemandes ou françaises. On savait depuis 2010 que la dette n’était pas remboursable et l’on a transféré ces dettes sur les contribuables européens, y compris ceux de pays comme la Slovaquie où la richesse est inférieure à celle de la Grèce. Parallèlement, on exige du peuple grec, qui n’a pas été consulté, de rembourser l’intégralité de ces dettes. Tout ceci mène à une impasse politique pour la résolution du problème de la dette. Tout cela parce que des responsables européens refusent d’assumer leurs mauvais choix.

Comment jugez-vous l’action du gouvernement d’Alexis Tsipras ?

Je n’ai plus confiance dans le caractère du Premier ministre. Voici un an, j’ai été un temps proche de ce dernier et j’avais beaucoup de confiance en lui. Mais il est clairement entouré par des gens défaitistes qui lui ont dit : « Tu peux résister, mais il faudra, à la fin, faire ce qu’on nous dit. » Au ministère des Finances, nous appelions ce cercle la « troïka de l’intérieur ». A présent, c’est un homme qui a subi une défaite et qui a manqué son entrée dans l’histoire. C’est le chef d’une administration coloniale. Il se défend en affirmant qu’il vaut mieux que ce soit lui qui soit en place afin de pouvoir négocier quelques détails et faire porter l’effort sur les gens relativement plus riches. C’est peut-être vrai. Mais la réalité profonde, c’est que son administration fait ce qu’on lui dit de faire et se contente de répéter les formules des créanciers.

Si, l’an dernier, la Grèce avait refusé la logique des créanciers, au risque de sortir de la zone euro, serait-elle dans une meilleure position aujourd’hui ?

Lorsque, voici un an, j’ai transmis à Yanis Varoufakis une note sur le « plan X », celui qui prévoyait la sortie de la Grèce de l’union monétaire, c’était pour lui faire la liste des défis auxquels il faudrait faire face au cas où. Il y avait des questions légales, notamment sur le contrôle de la banque centrale, mais aussi des questions liées à la situation des banques commerciales, à la liquidité de l’économie, aux ressources énergétiques, aux fournitures de médicaments. Il s’agissait d’indiquer à quels responsables il fallait s’adresser.

Il semble que cette somme de défis ait semblé formidable aux responsables grecs d’alors. Ils ont douté de la capacité du gouvernement et de la société civile grecs à supporter le coût social et politique de la transition. A présent, je pense qu’ils ont sous-estimé les capacités et la patience du peuple grec dont la résolution est devenue évidente après la mise en place du contrôle des capitaux et le référendum du 5 juillet 2015.

Pour revenir à la question, les défis techniques auraient alors posé des difficultés importantes, mais qui se seraient allégées avec le temps grâce au contrôle des capitaux et à l’importance des paiements électroniques. Mais je ne pense pas que le gouvernement grec actuel disposait de la mentalité et de la résistance suffisantes pour soutenir un tel processus. De plus, pour soutenir la valeur de la monnaie, il faut des alliés et des soutiens extérieurs. La Grèce en disposait-elle ? Rien de moins sûr, c’est une question délicate. Quoi qu’il en soit, le gouvernement actuel ne prendra plus ce type d’initiative, la défaite est partout, et la réponse prendra la forme d’une résistance populaire qui se voit déjà.

Quel avenir, après cette crise grecque pour la zone euro ?

Pour préserver l’Union européenne à long terme, il faudra changer de système monétaire. La question ne concerne pas seulement la Grèce, mais aussi l’ensemble des pays déficitaires de la zone euro. Il faudra leur donner un moyen de réaliser les ajustements nécessaires de façon moins brutale et moins dogmatique que ce qu’on a vu en Grèce. Cette réflexion ne viendra pas de la Grèce, mais peut venir d’autres événements politiques au Portugal, en Espagne, en Italie ou même en Finlande, qui est très défavorisé par rapport à ses voisins nordiques par son adhésion à l’euro.

Quel nouveau système monétaire proposez-vous ? Peut-on encore s’appuyer sur la Modeste Propositionⁱⁱ que vous proposiez dans un livre écrit en 2013 avec Yanis Varoufakis et Stuart Holland et qui s’appuyait notamment sur des transferts et une politique active d’investissement ?

J’aimerais que l’on puisse encore ouvrir une discussion sur les bases de la Modeste Proposition qui, techniquement est encore valable, soit engagée au niveau européen. Cela ne me semble cependant pas possible pour le moment. Il faut donc pouvoir contourner ces blocages autrement. Je pense que les pays en difficulté devraient commencer à en discuter entre eux et forgent une alliance pour changer le système monétaire.

L’idée n’est cependant pas de recréer une « union latine » monétaire. J’explore plutôt pour le moment l’idée de créer une construction s’inspirant du système de Bretton Woods de 1944 au niveau européen. Le centre conserverait l’euro comme monnaie qui jouerait le rôle du dollar dans le système monétaire mondial d’avant 1973. Les autres pays disposeraient alors de leur propre monnaie avec des taux de change fixes, mais ajustables, mais serait protégés par la BCE des spéculateurs. Ceci me semble une moyen d’avancer dans les discussions. Car il ne faut pas se faire d’illusions : une dissolution de la zone euro qui ne serait pas organisée déclencherait une guerre économique. Et dans une guerre économique, les faibles gagnent rarement.

Vous avez néanmoins travaillé à une sortie de la zone euro dans un cadre tendu et en plein conflit avec les créanciers…

Oui, mais ce travail n’a jamais été utilisé comme une arme stratégique dans les négociations par le gouvernement grec. Nous avons travaillé dans le plus strict secret pour ne pas compliquer les négociations et pour éviter de déclencher une tempête politique en Grèce qui aurait déstabilisé le gouvernement. Nous avions un temps pensé organiser une réunion restreinte avec des représentants des créanciers, mais nous y avons renoncé. C’était trop risqué. Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, n’attendait que l’opportunité d’ouvrir le débat. Il l’a tenté début mai, dans une rencontre avec Yanis Varoufakis.

Certains nous l’ont reproché. Je me méfie cependant des positions des économistes de la gauche de Syriza, comme Costas Lapavitsas, qui étaient favorables à une sortie de la zone euro. Cette analyse part d’un défaut des économistes de penser que l’on peut évaluer la situation après la transition. Mais je pense que la gauche grecque n’avait pas fait un travail soigneux d’analyse de ce qu’il fallait faire. Il existait aussi un problème de légitimité et il fallait s’assurer de la survie politique d’un gouvernement de gauche. Si l’on devait faire face au chaos, on aurait vu le retour de la droite au pouvoir. Il faut donc se montrer prudent. Notre travail consistait donc uniquement à être prêt si cette sortie devenait inévitable. C’était simplement une mesure de prudence pour ne pas être démuni et provoquer le chaos.

Dans ce travail théorique que vous avez effectué et que vous publiez dans votre livre, vous favorisez l’idée que, de façon transitoire, deux monnaies peuvent coexister. La loi de Grisham selon laquelle la « mauvaise monnaie chasse la bonne », jouerait alors en faveur des autorités ?

L’idée est de s’appuyer le plus possible sur la monnaie électronique. L’expérience des contrôles des capitaux en Grèce et à Chypre montre que les gens qui ont l’habitude d’utiliser le numéraire passent aux moyens électroniques pour réaliser des transactions quotidiennes. La tendance observée est que l’on stocke son épargne sous forme de billets ou de biens solides comme des automobiles ou des biens immobiliers et que l’on utilise les moyens de paiement électroniques pour l’utilisation des dépôts.

Dans le cadre de la transition, l’euro sera donc stocké et la nouvelle monnaie pourra être utilisée sous forme électronique pour les moyens de paiement du quotidien. Ceci permettra, avec un taux de change interne de 1 pour 1 de disposer d’un peu de temps pour organiser la transition. La conversion en nouvelle monnaie pour les paiements électroniques est rapide et sa large diffusion est allégée.

La France connaît une forte contestation de la réforme prévue du droit du travail. Dans votre livre, vous expliquez les effets néfastes de cette réforme. Quel est votre jugement sur les « réformes structurelles », mantra de la politique économique dans la zone euro ?

C’est une idéologie qui n’a aucun fondement sur les faits. C’est un dogme qui relève de la théologie. Ce n’est pas par des « réformes » que l’on parvient au plein emploi. Ce n’est pas la flexibilisation du marché du travail qui a permis aux Etats-Unis d’avoir un taux de chômage bas. C’est bien plutôt grâce aux institutions non lucratives dans la santé, l’enseignement supérieur, la recherche et qui disposent de subventions indirectes. Plutôt que ces « réformes », l’UE devrait mettre en place des assurances sociales permettant aux revenus des ménages de ne pas être déstabilisés en cas d’éloignement du marché du travail. Ce n’est pas en réduisant les salaires – conséquences finales de ces réformes – ou en renforçant les pouvoirs des entrepreneurs que l’on renforcera l’économie. Les entrepreneurs ne créeront pas des emplois par charité parce que le marché du travail sera flexibilisé. Les pays nordiques ont maintenu un taux de chômage très bas pendant 50 ans en maintenant une régulation salariale forte et en incitant les entreprises à investir dans des activités à haute productivité. La conséquence de ces réformes est très inquiétante : en dérégulant le marché du travail, on réduit la croissance de la productivité car on favorise la main d’œuvre bon marché. C’est l’inverse de ce que pensaient les économistes néoclassiques. Or, la productivité un des problèmes majeurs aujourd’hui.

Selon vous, le principal problème de l’Europe est-il la domination de la pensée économique allemande ?

C’est évidemment beaucoup un problème. Mais les Français ont aussi leur part de responsabilité. La France doit faire face à une tendance ordolibérale depuis 50 ans qui est portée par le patronat, des économistes, une partie du monde politique et l’administration. Souvent, les dirigeants français se cachent derrière l’Allemagne pour imposer leurs recettes, et prétendent répondre à une pression extérieure. Mais c’est une blague. Et c’est un problème pour les autres pays de la zone euro qui ne peuvent pas s’appuyer sur la France. Il est temps que la France retrouve des idées françaises, celles qui ont inspiré le gaullisme, mais aussi celles de l’école de la régulation. Il faut que la France puisse pouvoir porter une tendance progressiste originale.

La crise actuelle trouve sa source dans les problèmes de la Finance. Selon vous, le secteur financier est-il désormais moins dangereux pour l’économie réelle ?

Je ne vois pas vraiment de changement dans la situation de la finance mondiale. Bien sûr, après une crise, les banques sont plus prudentes, mais le secteur cherche toujours des moyens faciles d’augmenter ses revenus. Et on a vu surgir de nouvelles bulles depuis huit ans : dans les prêts estudiantins aux Etats-Unis, dans le gaz de schiste, dans les pays émergents. La fin de cette dernière bulle est d’ailleurs douloureuse, on le voit en Amérique latine et en Asie et cela pose beaucoup de problèmes. On constate aussi une croissance soutenue des dérivées dont on ne sait pas réellement à qui ils appartiennent, mais on sait que plusieurs banques, comme la Deutsche Bank en Europe, sont très exposées à ces marchés. Les conditions d’une nouvelle crise par la finance sont donc toujours présentes.

En tant que citoyen des Etats-Unis, comment observez-vous la montée de Donald Trump ? Est-ce un vrai danger sur le plan économique ?

Rien n’est clair pour le moment, mais l’élection de Donald Trump semble désormais possible. Peut-être n’est-il qu’un candidat faible. Mais son adversaire supposée, Hillary Clinton, est très faible elle aussi. Une grande majorité des électeurs rejette ces deux candidats. Si la candidate démocrate est élue, on peut penser que la politique actuelle se poursuivra, avec néanmoins des conditions économiques moins favorables. Si Donald Trump est élu, il est difficile de savoir ce qu’il se passera. Pour le moment, il propose moins d’impôts pour les riches et plus de dépenses d’investissement public. C’est très contradictoire…


Crise grecque, tragédie européenne, par James Galbraith, aux Editions du Seuil (2016), 243 pages, 18 euros.

Modeste proposition pour résoudre la crise de la zone euro

Quand le FMI critique le néolibéralisme…

Par Romaric Godin |  27/05/2016,| Dans La tribune

La fin du consensus de Washington ? 

Dans un article signé de trois de ses économistes, le FMI estime que les politiques « néolibérales » ont été « survendues », notamment l’ouverture des marchés de capitaux et les politiques d’austérité. Un tournant ?

 Dans les années 1980, le FMI était le bras armé de la révolution libérale qui avait commencé sous l’influence des penseurs monétaristes lors de la décennie précédente. L’institution promouvait partout où elle allait les mêmes politiques : réduction de la taille de l’Etat, excédents budgétaires, déconstructions des politiques sociales, privatisations massives et ouvertures des marchés. Ces politiques ont même été connues sous le nom de « consensus de Washington » en référence au siège du FMI.

Un article qui remet en cause le fondement de la pensée du FMI

 Cette tradition vacillerait-elle ? Le FMI serait-il sur le point de prendre conscience de ses erreurs passées ? Alors qu’il lutte actuellement avec l’Eurogroupe pour en finir avec le songe de la « soutenabilité de la dette grecque » grâce à des excédents budgétaires primaires gigantesques et infinis, le Fonds vient de publier ce jeudi 26 mai un article dans son magazine Finance & Development qui remet en cause la toute-puissance des recettes « néolibérales ».

 Dans un article titré « Le néolibéralisme est-il survendu ? », les trois auteurs, Jonathan Ostry, Prakash Loungani et Davide Furceri, tous trois économistes à la section de recherche du FMI, soulignent les effets négatifs de deux types de politiques longtemps soutenues par le FMI : l’ouverture du marché des capitaux et les politiques d’austérité et de privatisations. Certes, le texte souligne qu’il existe « beaucoup de raisons de se réjouir à propos de l’agenda néolibéral », citant le développement des économies émergentes, la sortie de la pauvreté de millions de personnes et la meilleure efficacité des services fournis. Mais le texte cherche clairement à corriger l’idée d’une solution miracle et insiste sur les effets néfastes des politiques néolibérales.

Les effets néfastes de l’ouverture aux marchés de capitaux

Sur l’ouverture des marchés de capitaux, l’article souligne combien le lien entre ce phénomène et la croissance est un lien complexe. Si les investissements directs étrangers sont clairement favorables au développement économique, il n’en va pas de même d’autres flux financiers comme les flux bancaires, les flux spéculatifs à court terme (« hot money ») ou les flux purement de portefeuilles. Ces flux financiers alimentent des bulles qui débouchent sur de la volatilité et des crises. « Depuis 1980, indique l’article, il y a eu 150 épisodes de forte hausse des flux entrants de capitaux dans plus de 50 économies émergentes (…) et dans 20 % des cas, ceci s’achève par une crise financière qui, souvent, débouche sur un recul de la production », indique l’article.

Pour les économistes du Fonds, « l’ouverture accrue au marché des capitaux figure en permanence comme un facteur de risque ». Le FMI souligne aussi le biais distributif de ces flux de capitaux qui accroissent les inégalités et donc pèsent sur la croissance, notamment lorsqu’un krach survient. Au final, les économistes jugent même que le contrôle des capitaux, avec le taux de change et la réglementation financière, peut être une « option viable quand la source d’une hausse insoutenable du crédit vient directement de l’étranger ».

Baisser la dette à tout prix ?

Les économistes passent ensuite aux politiques d’austérité. Tout en défendant l’idée d’une nécessaire consolidation budgétaire lorsque le pays est menacé de perdre son accès au marché, ce qui semble justifier les politiques menées en Europe du sud depuis 2010, les auteurs soulignent qu’une dette élevée n’est pas toujours un problème pour la croissance, notamment lorsque le pays dispose d’une bonne réputation et n’est pas menacé de perdre cet accès, la réduction de la dette à tout prix « semble avoir un bénéfice remarquablement faible » en termes d’assurance contre les futures crises budgétaires. Passer d’une dette de 120 % du PIB à 100 % du PIB apporterait bien peu pour les économistes. L’élément le plus intéressant est que le FMI souligne ici que « la mise en garde contre une politique de recette qui vaut pour tous est justifiée ». Or, c’est cette politique qui a été menée en Europe entre 2010 et 2013.

Découverte des effets négatifs de l’austérité

Les auteurs remarquent ensuite que l’intérêt de l’austérité doit prendre en compte son coût. Or, ils insistent sur le fait que ce coût est très élevé. Le texte nie l’existence de la « consolidation budgétaire favorable à la croissance », chère à Jean-Claude Trichet, ancien président de la BCE et nouveau membre du Conseil européen du risque systémique. « En pratique, les épisodes de consolidations budgétaires ont été suivies par un recul plutôt que par une hausse de la production », explique le texte qui quantifie cet effet : toute consolidation de 1 % du PIB conduit à une hausse de 0,6 point du taux de chômage à long terme et à une hausse de 1,5 point du coefficient de Gini qui estime les inégalités. Bref, le FMI découvre les multiplicateurs budgétaires et le manque de sérieux de la théorie de l’équivalence ricardienne.

Malgré les appels à la prudence des auteurs, ce texte semble prouver que le FMI s’interroge sur ses fondements théoriques. Son attitude face à la crise grecque semble le confirmer. Le changement ne se fera sans doute pas en un jour, mais cet aggiornamento semblait in fine nécessaire.

Grèce. «La crise politico-économique reste devant nous»

Par Antonis Ntavanellos  Publié par Alencontre le 1 – juin – 2016

L’ensemble des dits radicaux de gauche – soit les élus de Syriza – ont voté, le 22 mai 2016, au parlement, un paquet de lois (quelque 7000 pages) à caractère thatchérien exigées par les créanciers. Dans la foulée est adoptée la mise en place d’un «mécanisme automatique de correction budgétaire», baptisé Koftis (pince coupante). Il a été introduit par le biais d’un amendement au projet de loi. Il sera déclenché chaque année jusqu’en 2018 si des écarts budgétaires sont constatés au printemps et que le ministère des Finances ne prend pas l’initiative de coupes ciblées. L’adoption de par 153 voix de ce «omnibus bill» répondait au timing imposé par l’Eurogroupe qui se réunissait le 24 mai (voir l’article publié sur ce site en date du 25 mai). Vasiliki Katrivanou – députée de Syriza depuis le 20 avril 2015 et membre de la commission des migrations – a démissionné du parlement après avoir voté en faveur de l’«omnibus bill» mais contre le fonds de privatisation et les mesures automatiques issues du FMI. La direction de Syriza exerce une pression énorme sur les députés pour qu’en cas d’opposition ils démissionnent et laissent la place à des viennent-ensuite. En l’occurrence, Giorgios Kyritsis a pris la place de Vasiliki Katrivanou. Il faut souligner que l’adoption du Koftis entérine le pouvoir supérieur d’instances transnationales imposant les décisions dites néolibérales, pouvoir supérieur au gouvernement national, au parlement et à toute institution qui pourraient, directement ou indirectement, être influencés par la volonté populaire.

Mais que s’est-il passé au parlement ces derniers jours ? Précisément ce qu’avait proclamé le FMI, par la voix de Poul Thomsen, et qui avait été révélé par Wikileaks [1]. Les créanciers, le FMI, mais aussi les instances de l’UE ont conduit Tsipras aux limites d’une nouvelle crise financière (échéance de paiements en juillet). Et, dès lors, Tsipras a signé docilement les mesures brutales qui lui ont été présentées.

Ce que le gouvernement a obtenu par cette procédure honteuse est l’achèvement accéléré de l’évaluation des divers engagements «adoptés» par le gouvernement grec, ce qui devait permettre le versement, par tranches, d’une somme de 5,4 milliards et de répondre ainsi aux échéances de juillet [l’essentiel des 5,4 milliards retourne à la BCE et sert à quelques dettes dues par le gouvernement à des entreprises privées]. C’est cela que Tsipras a présenté comme une «sortie de la tempête». Sauf que cette sortie sera suivie par la «tempête» suivante, soit la deuxième évaluation qui commencera en septembre-octobre 2016.

Pourtant, ce que Tsipras a cédé est d’une importance capitale pour la vie des salarié·e·s et des classes populaires: 1° Une réforme du système de la sécurité sociale que même le quotidien britannique The Guardian, qui se situe au centre-gauche, a jugée d’être la contre-réforme néolibérale de la sécurité sociale la plus brutale appliquée en Europe jusqu’aujourd’hui. 2° Un vrai «tsunami » des impôts, les plus socialement marqués parmi eux étant l’ENFIA [impôt immobilier touchant les petits propriétaires de logement] et la TVA «turbo», qui passe à 24% dès le 1er juin; cela revient à un pillage fiscal des revenus des travailleurs et l’épargne populaire. 3° Un programme des privatisations tellement ample – qui est intégré au système Koftis dans la mesure où ses résultats font partie du calcul de l’excédent budgétaire – qu’il ferait rougir même Thatcher.

La dette

La feuille de vigne qui sert à cacher cette déroute est dessinée par les promesses concernant la dette. En ce moment, nous n’avons pas connaissance du compromis exact entre le FMI et l’Eurogroupe. Pourtant, le sens général de leur discussion est bien connu: ils refusent toute éventualité de suppression de la dette et ils organisent simplement la prolongation des délais de remboursement, un allégement des taux d’intérêt et peut-être une petite période de grâce. Il s’agit de l’organisation de la «traite» qui permet simplement la survie de la «vache». Les créanciers veulent prendre plus que possible et rien de moins. C’est pour cette raison que ces règlements de la dette ne vont pas fonctionner en faveur du gouvernement, qui va vite prendre conscience que cette solution –qu’il a réclamée lui-même – n’est qu’un saut dans le vide…

L’accord prévoit un «surplus» [excédent budgétaire avant paiement du service de la dette] de 0,5% pour 2016, 1,75% pour 2017 et enfin 3,5% pour la décennie dès 2018 jusqu’à… 2028. Il s’agit ici de performances qu’aucune économie au monde ne peut pas atteindre, au moins dans les conditions actuelles. Encore une fois, les «sommités» dans le domaine de l’économie qui entourent Alexis Tsipras jouent aux dés et misent le futur des travailleurs et des classes populaires sur l’estimation que le capitalisme transnational va rapidement sortir de la crise et qu’une période de forte «croissance» va suivre. Sauf que tous les économistes sérieux prévoient le prolongement de la crise et plus probablement son aggravation. Dans ce cas, ce qui va suivre en Grèce ne sera pas un nouveau «cycle de prospérité» du capitalisme, mais l’enfermement dans ce qui a été qualifié de «permafaillite».

Alors, le Koftis sera activé. Interviendront des mesures additionnelles d’austérité draconienne, des réductions automatiques des retraites et des salaires, des compressions des dépenses sociales, qui ont en fait été votées au parlement le dimanche 22 mai.

Ces perspectives noires, économiques et sociales, vont nécessairement avoir des conséquences politiques majeures. Personne n’a le droit de se faire des illusions: la crise économique se trouve encore devant nous et pas derrière nous.

Perspectives politiques

Le lendemain du vote au parlement, Dimitrios Papadimoulis, eurodéputé de Syriza, a déclaré que le remaniement ministériel était désormais une nécessité. En effet, le remaniement sera un premier petit pas sur le long chemin conduisant à un changement d’ampleur de la configuration gouvernementale. Un chemin qui est devenu nécessaire (et inévitable) à cause du contenu véritable de la politique sanctionnée par les députés de Syriza-ANEL (Grecs indépendants).

Mais dans quelle direction conduit ce chemin? Pour répondre à cette question il ne faudrait pas sous-estimer la participation d’Alexis Tsipras au congrès de la social-démocratie européenne. Après l’adoption du nouveau super-mémorandum, la direction de Syriza n’a que deux options stratégiques. 1° Attendre sa propre chute en tant comme un «fruit mûr» et transmettre le pouvoir gouvernemental, sans autres complications, au chef – n’importe lequel – de la Nouvelle Démocratie. 2° Reconnaître que la solution politique du 20 septembre 2015 [2e gouvernement Syriza] est désormais morte et opérer une tentative de «remaniement» des forces politiques actuelles en faisant le pari que la direction de Syriza pourrait se reproduire en tant que leader d’un «camp» élargi comprenant le PASOK, le centre et, pourquoi pas, une fraction de la Nouvelle Démocratie…

Ces préoccupations traversent également la Nouvelle Démocratie. Ainsi, l’intervention d’ex-premier ministre Antonis Samaras a indiqué à Kyriakos Mitsotakis – actuel leader de Nouvelle Démocratie – de voter contre le Koftis en faisant usage d’une rhétorique à tonalité de souveraineté nationale! Ensuite, les «karamanlistes» [les partisans de Kostas Karamanlis, autre aile de la Nouvelle Démocratie], même s’ils ont appliqué la ligne de la ND de s’opposer à l’ensemble des mesures, ont exprimé leur mécontentement face au choix de Mitsotakis. Les différences au sein de la ND étaient ouvertes et publiques, y compris exprimées à la télévision par la soeur de Kyriakos Mitsotakis, Dora Bakoyannis. Kyriakos Mitsotakis, élu leader de la ND, et présenté comme un dirigeant de stature historique, ressemble aujourd’hui de plus en plus à une comète de la politique.

En ce moment, le problème crucial est que nombreux sont les activistes et les membres de la gauche qui ont perdu courage. La capitulation sans conditions de Tsipras face au Capital et face aux créanciers a suscité du désespoir. Mais nous devrions tous garder en tête une vue d’ensemble de la situation: la rupture entre les mémorandistes et les anti-mémorandistes est toujours là. Elle a déjà impacté beaucoup de monde et elle va encore le faire. La crise économique et politique, avec des épisodes nouveaux et cruciaux, ainsi que des «phases» qui s’ensuivront, se trouve devant nous et pas derrière nous. Du point de vue des salariés et des classes populaires, face à une situation tellement grave, il n’y a qu’une seule façon de réagir: soutenir systématiquement et organiser les luttes, et engager un effort politique afin de réunir pratiquement les forces de la gauche radicale, anti-mémorandiste et anticapitaliste. (26 mai 2016, traduction S. Siamandouras; édition rédaction A l’Encontre)

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[1] Le 19 mars, une conférence téléphonique s’était tenue entre Poul Thomsen, directeur Europe du FMI, Dalia Velculescu, cheffe de la mission du FMI en Grèce, et la fonctionnaire du FMI Iva Petrova. Cette conversation révélait simplement que, pour s’assurer l’accord dans les temps voulus du gouvernement grec, un «incident de crédit» (retard de remboursement à une échéance donnée) pourrait être le bienvenu. (Réd. A l’Encontre)

Recettes et biens publics donnés en pâture aux créanciers

Source Iskra.gr Par Yannis Tolios Docteur en sciences économiques, responsable de la politique et de l’économie pour l’Unité Populaire (Grèce).

Le gouvernement Syriza-Anel promeut le vote immédiat au Parlement du plan d’austérité, lequel constitue un coup d’État économique et politique à l’encontre du peuple grec. Outre l’institution de nouvelles taxes indirectes à hauteur de 1,8 milliard d’euros sur les biens courants et les services, la réduction automatique des salaires, des retraites, des dépenses sociales, les licenciements de fonctionnaires, ainsi que la vente des prêts (dont on connaît l’existence) non seulement « rouges », mais aussi « verts » à des « charognards » étrangers (funds), il procède à deux nouvelles réformes exceptionnelles qui livrent aux mains des créanciers supranationaux (UE-FMI-BCE-MES), toutes les recettes futures de l’État et tous les biens publics grecs. Il s’agit d’une dynamique de confiscation sans précédent exercée sur le peuple grec par ses « libérateurs » supranationaux, par un gouvernement à leur solde, lequel érige au rang de priorité la soumission volontaire conduisant à un recul essentiel de la souveraineté nationale et populaire.

LE « POUVOIR » EST AILLEURS… MAIS LE « COLONIALISME » EST ICI !

Le projet de loi prévoit notamment la conversion du Secrétariat général des dépenses publiques (GGDE) en Autorité indépendante (AA). Le choix de l’administration et surtout le fonctionnement et la gestion des recettes sera donc l’affaire de quelques « technocrates indépendants », lesquels fonctionneront comme un « État dans l’État », ne tenant aucunement compte ni du ministre des Finances ni du gouvernement en place. L’Autorité indépendante disposera d’un Gouverneur et d’un « Conseil d’administration » constitué de 5 membres (le président plus 4 membres). Le Gouverneur et le « Conseil d’administration » seront mis en place par un « comité de sélection » auquel participent cinq hauts responsables de la fonction publique et deux représentants de l’UE. Il prévoit également qu’un « expert » spécial, dans le rôle de conseiller mandaté, soit nommé parmi 3 candidats sélectionnés par l’UE ! Il s’agit en substance d’un gouverneur supranational et « informel » de l’AA. Il est important de souligner que toutes les compétences, déléguées (aujourd’hui et à l’avenir) à l’AA, sont considérées comme irrévocables !!! Tout le processus de sélection, de fonctionnement et d’action de l’AA constituera le levier de l’oppression économique du peuple grec (concentration des impôts pour livrer les fonds d’amortissement aux créanciers), contrôlée et réglementée par l’UE. Pour résumer, nous avons la confirmation que… le « pouvoir » est ailleurs… mais le « colonialisme » est ici !

COUP D’ÉTAT ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE

C’est en s’appuyant sur la même philosophie que s’est créée la Société grecque d’actifs et de participations à laquelle adhéreront en tant que filiales, le Fonds de développement des actifs de la République hellénique (HRADF), le Fonds grec de stabilité financière (TAIPED), la Société de biens publics (TXS) et la Société d’actifs publics (EDIS). Cette dernière, en cours de création, collectera tous les biens publics qui ne rentrent pas dans les organismes cités précédemment. Ainsi, tous les biens publics, mobiliers et immobiliers, sont désormais soumis au contrôle d’un opérateur unique dont l’administration sera directement et indirectement gérée par les « proxénètes » supranationaux… un résultat obtenu sous contrôle du « conseil de surveillance » (2 membres parmi les 5 qui le constituent plus le président, élu par les « institutions »). Le « conseil de surveillance » nomme le conseil d’administration de la nouvelle société dont le président et le directeur général sont élus par les « institutions » ! Le personnel, pour ce qui est du régime d’emploi, dépend du droit privé, et peut être issu du public suite à un détachement ou à une sous-traitance contractuelle effectuée par des sociétés privées (autrement dit, des relations de travail qui sont une vraie … « galère »). D’ici à 2018, la liquidation des biens publics devra être effectuée à hauteur d’environ 6 milliards d’euros, et, à terme, toutes les recettes provenant de la cession de l’« argenterie » du peuple grec !!!

INTERVENTION MILITANTE ET UNIQUE PERSPECTIVE PROMETTEUSE

L’« Unité Populaire » appelle les travailleurs, les jeunes, professions libérales, agriculteurs, indépendants, micro-entrepreneurs à résister à ce nouveau coup d’État économique et politique, encouragé par un gouvernement aux ordres des chefs supranationaux, et soutenu par les forces mémorandaires nationales. Il faut s’imposer par la lutte sur le devant de la scène, dans les limites du soulèvement populaire, pour faire obstacle au pillage des revenus du peuple et des biens publics. Pour une sortie de crise en faveur du peuple, il est indispensable de procéder à l’abrogation des mémorandums, au rétablissement de la monnaie nationale, à un contrôle public des banques et des entreprises stratégiques, à une transition économique allant vers une productivité écologique, à la baisse du chômage et au maintien des revenus des actifs et des retraités qui permettront de retrouver une justice sociale et une croissance économique. Seule l’intervention militante du peuple grec peut assurer la mise en œuvre de cette politique.

Traduction Vanessa de Pizzol

 

 

Eurogroupe : Accord-Fiasco,mesures supplémentaires,Braderie imminente du pays

Article publié le 30/5/16 sur Unité populaire

Le gouvernement assiste en spectateur muet au jeu entre UE et FMI

L’accord auquel a abouti la longue réunion de l’Eurogroupe est un grave fiasco pour notre pays, selon les cercles politiques qualifiés de Bruxelles. Le gouvernement Tsipras s’est comporté en spectateur muet au cours des discussions : la négociation s’est déroulée entièrement entre les « tuteurs » néocolonialistes de notre pays, UE et FMI se renvoyant la balle avec comme enjeu la Grèce.

Cet accord aura pour résultat des mesures supplémentaires et la braderie imminente de la richesse du pays, afin de mettre un terme à l’évaluation. Des tranches de prêts seront accordés sous réserve de nouvelles contraintes, au compte-goutte – et iront pour l’essentiel dans les poches des créanciers pour le remboursement de la dette. Toute intervention sur la question de la dette est renvoyée à après 2018, et par étapes, tandis que le gouvernement abandonne définitivement toute idée d’effacement.

Le parcours des mémorandums s’allonge, accompagné d’une tragédie économique et sociale interminable : la crise la plus grave qu’ait connue notre pays en période de paix.

La Grèce a besoin de toute urgence d’un renversement démocratique de cette politique des mémorandums : avec la reconstitution d’une monnaie nationale, l’annulation de la dette publique, l’annulation profonde des dettes privées des plus faibles et la nationalisation des banques. Il faudra aussi mettre au point un plan de reconstruction et de transformation économique et sociale qui soutiendra les salaires, les retraites, les conditions de travail et surtout donnera l’espoir d’un avenir positif et de l’optimisme à notre pays.

Voici l’accord dans sa totalité :

L’Eurogroupe salue l’accord conclu entre la Grèce et les institutions. Il est satisfait de l’accord concernant le mécanisme préventif annoncé le 9 mai, et tout particulièrement de l’adoption probable de mesures structurelles permanentes (la « pince coupante » de droit public), comportant des mesures pour les revenus qui feront l’objet d’un accord avec les institutions.

Ce mécanisme garanti que la Grèce remplisse les objectifs fixés par le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) concernant le déficit primaire (3,5% du PIB à moyen terme).

Parallèlement l’Eurogroupe salue la ratification par le Parlement grec de la plupart des prior actions correspondant à la première évaluation, concernant de mesures fiscaux dont l’impact sera au niveau de 3% du PIB, permettant d’atteindre l’objectif de 2018. Il salue aussi la libéralisation de la vente des crédits bancaires, ainsi que la création du Fonds de privatisations qui sera totalement indépendant.

L’Eurogroupe a donné l’ordre au EWG (EuroWorking Group) de vérifier dans les jours qui suivent la pleine application de tous les préalables et notamment des corrections apportées à la législation concernant la libéralisation de la vente des crédits bancaires, la réforme des assurances, ainsi que la menée à bien de tous les préalables concernant la question des privatisations.

Après pleine application de tous les préalables et sous condition d’approbation par les Parlements nationaux, le Mécanisme européen de Stabilité (MES) approuvera le MoU (Memorandum of understanding) complémentaire et la deuxième tranche du programme.

La deuxième tranche du programme se monte à 10,3 milliards d’euros et sera remise à la Grèce en plusieurs versements. Le premier aura lieu en juin (7,5 milliards) afin d’assurer le service de la dette ; il permettra aussi de commencer à rembourser les arriérés en cours comme moyen de soutenir l’économie réelle (dettes publiques à échéance).

Les versements suivants pour le règlement des emprunts en retard et la suite du service de la dette auront lieu après l’été.

Les versements pour le règlement des arriérés sont conditionnés au rapport fait aux institutions européennes concernant la marche générale de cette procédure. Les versements pour continuer à assurer le service de la dette seront liés aux conditionnalités des privatisations, y compris celles concernant le nouveau Fonds de privatisations, la direction des banques, le Secrétariat aux travaux publics, le secteur de l’énergie. Les étapes seront évaluées par les institutions européennes et vérifiées par la CEE et par le MES.

A la suite de la communication du 9 mai et dans la perspective où tous les préalables seraient réalisés et où l’évaluation serait achevée, l’Eurogroupe a examiné la question de la soutenabilité de la dette publique grecque.

L’Eurogroupe a évalué la soutenabilité de la dette par rapport à l’indice des besoins financiers bruts (GFN). Sur la base du scénario principal, ces dépenses pour la dette doivent rester en-dessous de la barre des 15% du PIB après achèvement du programme à moyen terme et par la suite en-dessous de 20%.

L’Eurogroupe insiste sur l’objectif à moyen terme du déficit primaire de 3, 5% du PIB en 2018 et souligne l’importance de l’avancement de la démarche de droit public en concordance avec les engagements de droit public dans le cadre de l’UE.

L’Eurogroupe rappelle les principes directeurs généraux convenus le 9 mai sur d’éventuelles mesures supplémentaires concernant la dette :

1/ Facilitation de l’accès aux marchés pour que le privé supplée à la dette publique.

2/Normalisation du profil des paiements.

3/ Motivations pour le processus de réajustement même après l’achèvement du programme.

4/Souplesse face aux incertitudes sur l’augmentation du PIB et sur les taux qui seront pratiqués à l’avenir.

Le 9 mai l’Eurogroupe a réaffirmé qu’un effacement de la dette est exclu et que toutes les mesures qui seront prises le seront en conformité avec les lois de l’UE, du MES et du Fonds européen de stabilité financière (EFSF).

Avec pour guide ces principes et à la condition de l’achèvement de la partie technique de la totalité du processus par la CEE, l’Eurogroupe s’est mis d’accord aujourd’hui pour un paquet de mesures concernant la dette, qui seront prises par étapes, afin de couvrir les besoins financiers bruts ; elles seront définies de façon à être en concordance totale avec le programme du MES.

A court terme, l’Eurogroupe a convenu d’un premier paquet de mesures qui seront mises en application après achèvement de la première évaluation et fin du programme. Elles comprendront :

– Assouplissement du « profil » des remboursements  des prêts consentis par l’EFSF sur la base des maturités courantes calculées.

– Utilisation de la stratégie élargie de financement de l’EFSF pour diminuer le danger tenant aux taux d’intérêt – sans nuire économiquement aux pays qui ont participé dès le début à ce programme.

– Limite imposée à l’augmentation des taux concernant le rachat de la dette du deuxième programme grec pour 2017.

L’Eurogroupe a demandé aux directions du MES et de l’EFSF de mettre en application ces mesures sur la base de leurs règlements, après travail préparatoire de la CEE, partout où cela sera jugé nécessaire afin de préparer la prise de décisions par les organes compétents du MES et de l’EFSF.

La décision d’assouplissement du profil des remboursements de l’EFSF et de minorisation du danger lié aux taux est celle qui doit être prise en priorité.

A moyen terme, l’Eurogroupe attend l’application probable de la deuxième partie des mesures préalables, après achèvement réussi du programme du MES.

Ces mesures seront mises en application si l’analyse actualisée de la viabilité de la dette, à laquelle procéderont les institutions à la fin du programme, montre qu’elles sont nécessaires pour atteindre l’objectif du GFN. La réalisation du programme est soumise à évaluation positive des institutions et de l’Eurogroupe :

– Suppression de l’augmentation de la marge des intérêts pour le remboursement de la dette en 2018.

– Utilisation des gains réalisés en 2014 par les obligations grecques du compte du MES et par les prestations reçues par la Grèce au titre de l’ANFA et des SMP (au cours de l’exercice 2017) afin d’en faire un « coussin » pour diminuer à l’avenir les besoins financiers.

– Gestion du passif, remboursement partiel avant terme des prêts existants à la Grèce, avec diminution des taux et prolongement de la période de maturité.

– Restructuration de certains prêts de l’EFSF (p.ex. allongement du temps de remboursement, réorganisation des amortissements de l’EFSF et du différentiel des taux) de façon à ce que le montant du GFN reste au niveau de ce qui a été décidé, afin d’avoir l’accord du FMI mais sans alourdir l’EFSF ou les pays qui ont participé dès le début à son programme.

A long terme, l’Eurogroupe est persuadé que l’application de cet accord concernant la dette, jointe à l’achèvement du programme par la Grèce et à la réalisation des objectifs concernant le déficit primaire, conduira la dette grecque vers la viabilité, à moyen et à long terme et permettra le retour progressif du pays  dans le champ des marchés.

En même temps, l’Eurogroupe est d’accord pour un mécanisme préventif concernant la dette qui sera mis en application après achèvement du programme et devra assurer la viabilité de la dette à long terme, même dans le cas du pire scénario.

L’Eurogroupe examinera la mise en route du mécanisme s’il y a besoin de mesures supplémentaires pour réaliser les objectifs concernant les besoins financiers. Cela sera conditionné à la confirmation par l’Eurogroupe que la Grèce se conforme bien à la réglementation de la SGP (Société de gestion des porte-feuilles).

Ce mécanisme comportera des mesures pour la poursuite de la restructuration des prêts de l’EFSF mais aussi des délais pour le remboursement des intérêts. De plus l’Eurogroupe s’engage à une aide technique de longue durée dans le but de favoriser le développement de la Grèce.

L’Eurogroupe reconnait qu’après le temps exceptionnellement long mis à l’examen de la viabilité de la dette on ne peut faire de prévisions, seulement émettre des hypothèses compte tenu de la grande incertitude qui règne dans le domaine de la macroéconomie.

Dans la perspective de la réussite à venir de la première évaluation, dans la perspective aussi de l’accord d’allègement de la dette, l’Eurogroupe accueille favorablement la proposition du FMI de soumettre à l’approbation de son Comité directeur l’objectif d’un accord financier avant la fin 2016 – un accord qui favorisera l’application des réformes structurelles et de droit public qui ont été convenues.

En accord avec les règles du FMI, l’application de cet accord se fondera sur une nouvelle analyse de la viabilité de la dette et sur une évaluation des mesures éventuelles d’allègement de la dette décrites plus haut.

Cet allègement éventuel de la dette sera mis en application après la fin du programme, courant 2018, et ses modalités seront décidées par l’Eurogroupe sur la base d’une analyse révisée de la viabilité de la dette, en collaboration avec les institutions européennes, sous condition de la totale application du programme.

L’Eurogroupe reste prêt à pousser à l’achèvement des évaluations futures sur la base du paquet de mesures convenues aujourd’hui, y compris celles concernant le mécanisme préventif.

L’Eurogroupe réitère que la mise en application du programme et des objectifs sera examinée à intervalles réguliers sur la base des éléments que lui transféreront les institutions.

Source Iskra

Traduction Joelle Fontaine

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https://unitepopulaire-fr.org/2016/05/30/eurogroupe-accord-fiasco-mesures-supplementaires-braderie-imminente-du-pays/

Sur les réfugiés

Publié le 3 /6/16 sur Médiapart par Carine Fouteau : Asile: Amnesty international appelle l’UE à cesser les renvois vers la Turquie

Publié le 30/5/16 Grèce : les nouveaux centres pour les réfugiés évacués d’Idomeni pas à la hauteur (Conseil de l’Europe) http://www.lorientlejour.com/article/988580/grece-les-nouveaux-centres-pour-les-refugies-evacues-didomeni-pas-a-la-hauteur-conseil-de-leurope.html

Publié le 30/5/16 La Hongrie renforce sa clôture antimigrants à la frontière serbe 

La Hongrie a entrepris de renforcer sa clôture antimigrants à sa frontière serbe en raison d’une augmentation du nombre de réfugiés depuis la fermeture du camp d’Idomeni par la Grèce, a annoncé aujourd’hui un haut responsable gouvernemental.

« A la suite de la suppression du camp de réfugiés d’Idomeni la semaine dernière, le nombre de réfugiés qui essayent de traverser la clôture hongroise a augmenté », a déclaré György Bakondi, responsable du ministère de l’Intérieur chargé de la lutte contre les migrants clandestins. En conséquence, un « renforcement de la clôture a été lancé: là où les fils barbelés étaient jusque-là jugés suffisants, nous procédons à la pose de clôtures permanentes », a-t-il souligné à la radio nationale Kossuth.
Selon György Bakondi, le nombre de franchissements illégaux de la clôture est passé de 70-90 par jour à 100-150 depuis la fermeture par Athènes, en milieu de semaine dernière, du camp improvisé d’Idomeni, où plus de 8.200 réfugiés attendaient de passer en Macédoine. 200 à 250 migrants attendaient du côté serbe de la frontière hongroise de pouvoir passer en Hongrie aujourd’hui.

La Hongrie, principal pays de transit l’été dernier pour les migrants désirant rejoindre l’ouest de l’Europe, a érigé en septembre une clôture barbelée sur les 175 km de sa frontière avec la Serbie, puis en octobre à sa frontière croate.

Publié le 29/5/16 Migrants : semaine meurtrière en Méditerranée

http://www.lefigaro.fr/international/2016/05/29/01003-20160529ARTFIG00171-migrants-semaine-meurtriere-en-mediterranee.php

Un nouveau pas sur la voie de l’absurdité. Par Kostas Lapavitsas

Grèce : le bluff fragile de l’Eurogroupe

Par Romaric Godin  |  26/05/2016   L’accord du mercredi 24 mai n’est qu’un exemple de plus de la procrastination dangereuse qui est au cœur de la stratégie européenne sur la Grèce. Une stratégie perdante.

L’accord trouvé à l’Eurogroupe des 24 et 25 mai sur la Grèce entre les créanciers européens et le FMI est une caricature de la méthode de cette étrange institution qu’est la réunion des ministres des Finances de la zone euro. Car le but de cet accord était avant tout de « faire croire » à un accord et à une avancée, plutôt que de la réaliser. Et plus cet accord a été difficile à trouver, plus il paraîtra important et provoquera le soulagement. On reportera ainsi à plus tard les problèmes.

Susciter le soulagement

Pour parvenir à ce résultat, les méthodes sont toujours les mêmes. Avant la réunion, il faut inquiéter l’opinion sur la possibilité d’un échec et la difficulté des discussions. C’est le rôle des « doorsteps talks » (« propos de pas de porte »), ces petits mots que distillent les ministres en arrivant à la réunion. Le ministre slovaque des Finances, Petr Kažimír rajoute à l’angoisse en craignant sur twitter que « nous allons passer une longue nuit ensemble »… Deuxième étape : faire durer les discussions le plus longtemps possible, souvent toute la nuit. Ceci rajoute évidemment à la tension et à la menace d’un « échec ». Troisième étape : sortir avec un « résultat », un communiqué dont on souligne l’immense portée lors de la conférence de presse. Petr Kažimír, encore lui, twitte alors que « ce fut une naissance difficile, mais finalement tout est bien. » Une telle méthode assure alors quelques titres saluant le succès de la réunion et l’accord trouvé, reflet du soulagement des observateurs.

Le prix élevé de la confiance qui ne revient pas…

Concernant l’accord de ce mercredi 25 mai, pourtant, on serait bien en peine de suivre un tel enthousiasme. Certes, la Grèce a obtenu assez de fonds pour tenir jusqu’à fin octobre. Mais, compte tenu de l’effort fourni par le gouvernement grec qui a imposé à sa majorité deux plans d’austérité en une semaine pour un montant total de 5,6 milliards d’euros – soit 3,1% du PIB -, plan exigé par les créanciers, un refus eût été incompréhensible. Il aurait aussi provoqué une crise de liquidité dont personne ne voulait. Athènes a été récompensé de sa soumission à la logique austéritaire de l’Eurogroupe, mais il n’y a là que la poursuite de la politique en place depuis 2010. Il n’y a aucun changement de logique.

Comme on l’a précisé, le gouvernement grec n’est soulagé que pour quelques mois. Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, a certes prétendu que « le manque de confiance envers les gouvernements grecs commence à se résorber », mais il est loin d’être complet. La Grèce est plus que jamais un pays sous tutelle de ses créanciers. Elle devra réclamer de nouveaux fonds et donc de nouveau « faire ses preuves » auprès de l’Eurogroupe pour pouvoir faire face aux 12 milliards d’euros de remboursements qui l’attendent en 2017. Pour mesurer de la « confiance » prétendue de l’Eurogroupe, on se souviendra que la Grèce a dû adopter un processus de correction automatique de ses dépenses en cas de déviation de l’objectif d’excédent budgétaire primaire (hors service de la dette) des 3,5 % du PIB prévu en 2018. Du jamais vu.

La « confiance » envers la Grèce issue de cette réunion de l’Eurogroupe n’est en réalité que le reflet d’un effacement du rôle souverain du gouvernement grec à des niveaux inédits. C’est un approfondissement de la politique menée depuis 2010, laquelle a manifestement échoué. C’est donc une persévérance dans l’erreur. Pire : c’est le maintien de ce « chantage » à la confiance où Athènes n’en fait jamais assez qui est le moteur de la spirale infernale dans laquelle le pays est entré en 2010.

Repousser les problèmes à plus tard

Le soulagement apparent à l’issue de l’Eurogroupe sur une Grèce qui aurait à nouveau évité les risques d’une faillite sont donc injustifiées : non seulement, compte tenu de l’absence de moyen de pression d’Athènes, ce risque était imaginaire, mais surtout, le prix de ce « soulagement » est tel qu’il continue de rendre plus probable une « faillite » à l’avenir et qu’il place le gouvernement Tsipras face à une situation intérieure explosive. La bienveillance de l’Eurogroupe envers Athènes est donc un piège de plus pour le premier ministre. Un piège qui pourrait à terme rendre la situation grecque de nouveau délicate pour la zone euro. De fait, on s’est donc contenté de repousser les problèmes en réglant les détails les plus urgents.

Le duel entre le FMI et Berlin

Même logique sur la question de la dette. Sur ce sujet, le débat entre la zone euro et le FMI se jouait entre Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, et Poul Thomsen, le chef du département européen du FMI. L’Allemand a des exigences contradictoires : embarquer le FMI dans le troisième programme grec et ne pas accepter de concessions majeures sur la dette. Or, le FMI a décidé d’en finir avec ses errements du passé et refuse de financer une dette insoutenable. Il demande une restructuration en profondeur, tout en acceptant le principe d’un simple « reprofilage » qui exclut un défaut nominal sur le stock de dettes. Lundi 23 mai, l’analyse du FMI avait effrayé le camp de Wolfgang Schäuble. L’entretien des deux hommes a sans doute constitué le point central de la réunion de mardi et mercredi. Mais son issue a été une trêve bancale consistant à gagner du temps, pour certains du moins.

Une promesse qui n’engage que ceux qui y croient

Les vraies discussions sur la restructuration de la dette grecque sont ainsi reportées à 2018, à la fin du présent programme. Beaucoup se sont réjouis en soulignant que l’Eurogroupe reconnaissait enfin la nécessité d’un reprofilage. Mais, en réalité, il n’en est rien. Cette promesse est plus vague encore que celle de décembre 2012, après la mise en place du deuxième mémorandum. A ce moment, l’Eurogroupe avait promis au gouvernement grec d’Antonis Samaras l’ouverture d’une discussion sur la restructuration de la dette si la Grèce parvenait à dégager un excédent primaire. Ce fut fait dès 2013 et pendant toute l’année 2014, Antonis Samaras s’est évertué à obtenir cette ouverture d’un dialogue sur la dette, en vain. L’Eurogroupe refusait toute discussion de ce type et pointait de nouvelles exigences de « réformes. » Cette fois, la promesse est encore plus vague, car la restructuration est promise « si nécessaire » seulement. Or, dans la pensée de plusieurs membres de l’Eurogroupe et de nombreux économistes, notamment allemands, la restructuration n’est pas nécessaire, seules les réformes le sont. C’est dire si la revue de la dette en 2018 n’est pas acquise. Et si Alexis Tsipras et le FMI ont été payés en monnaie de singe. De fait, l’accord évite l’essentiel : quels seront les conditions de cette restructuration ? Quels excédents seront réclamés après 2018 ? Y aura-t-il une conditionnalité future ? Ces questions seules permettent d’évaluer la qualité d’un « reprofilage. »

Poursuite de la cavalerie financière

Du reste, lorsque, le 13 juillet 2015, Alexis Tsipras avait proclamé avoir accepté le troisième mémorandum contre l’ouverture de discussion sur la dette « à l’automne » : l’austérité se serait donc accompagnée d’un allègement futur du fardeau de la dette, apportant une utile compensation. Cette logique appartient désormais au passé. Le programme se fera sans certitude sur la dette et devient même une condition des discussions sur la dette. Ce qu’a obtenu Alexis Tsipras, c’est donc une austérité inconditionnelle. Austérité qui va alourdir encore le poids de la dette, non seulement en affaiblissant encore l’économie, mais aussi en obligeant le pays à s’endetter pour faire face à ses obligations et notamment au remboursement des prêts du Mécanisme européen de stabilité (MES). La Grèce doit rembourser d’ici à 2018 10 milliards au MES et pour cela, il s’endettera auprès… du MES. Bref, là encore, on poursuit la cavalerie financière habituelle sans en changer la logique.

La pression du calendrier allemand

Le seul but réel de cet accord trouvé à l’Eurogroupe était d’accorder la situation avec le calendrier électoral allemand. Angela Merkel va devoir faire face à une campagne difficile avant les élections fédérales de septembre 2017. Le parti d’extrême-droite Alternative für Deutschland (AfD) s’ancre dans le paysage politique allemand. Les derniers sondages publiés lui accordent entre 12 % et 15 % des intentions de vote, tandis que la CDU/CSU n’aurait qu’entre 30 % et 33 %. Une telle situation conduirait à un casse-tête pour la constitution d’une coalition, tandis que l’aile conservatrice de la CDU et de la CSU ne manqueraient pas de profiter de l’aubaine pour réclamer un rapprochement avec AfD et un changement de politique. La priorité de la chancelière consiste donc à éviter que la question de la dette grecque ne vienne rajouter en 2017 de l’eau au moulin d’AfD qui est née, rappelons-le, d’une opposition à la politique européenne d’Angela Merkel.

La solution idéale de la procrastination… pour l’Allemagne

D’où cette tentation de  la procrastination. Position qui ne déplaît pas à un Wolfgang Schäuble âgé de 73 ans et qui sera sans doute fort heureux de transmettre le dossier à un successeur après 2017. Ne rien faire jusqu’en 2018 et convaincre le FMI d’accepter ce délai était donc la solution idéale pour le gouvernement allemand. D’autant qu’on pouvait encore se prévaloir d’avoir imposé les « réformes » à Athènes. Encore une fois, comme en mai 2010, par exemple, les enjeux de politique intérieure allemande dominent, quel qu’en soit le prix pour la Grèce. Mais une telle solution est lourde de menaces. Dans la crise grecque, cette procrastination a toujours conduit à l’aggravation de la situation. On a vu les risques que porte cet accord sur l’avenir de la Grèce. Mais c’est la confirmation de la stratégie adoptée par l’Allemagne depuis 2010 : accumuler la poussière et traiter le problème plus tard. Or, c’est une stratégie qui encourage la cavalerie financière et le pourrissement de la situation.

« Nach dem Spiel ist vor dem Spiel« 

Sepp Herberger, l’entraîneur de l’équipe d’Allemagne de football championne du monde controversée en 1954, avait dit un jour « après le match, c’est avant le match » (« Nach dem Spiel ist vor dem Spiel »). La formule est devenue proverbiale en Allemagne et elle est devenue le résumé de la crise grecque. Car vouloir laisser passer les élections de 2017 est illusoire. Après l’élection, c’est avant l’élection. D’autant que, en 2018, on votera dans trois Länder clés en Allemagne : la Basse-Saxe, la Hesse et la Bavière. Il y a donc des chances que la restructuration de la dette grecque soit encore renvoyée à plus tard à ce moment.

Déjà l’échec…

Du reste, l’ambiguïté de cet accord n’aura guère fait illusion. La presse anglo-saxonne de ce 26 mai doute de son utilité et le statut du FMI pourrait relancer la querelle interne aux créanciers rapidement. Poul Thomsen ne se contente pas des vagues promesses de l’Eurogroupe, il veut plus d’engagement sur la restructuration de 2018. Des garanties que l’Allemagne ne veut pas donner avant septembre 2017. La tension pourrait remonter rapidement. Déjà, Wolfgang Schäuble a prétendu que Poul Thomsen, lorsqu’il a prétendu demander plus de garanties, « devait être trop fatigué à ce moment-là ». Le duel entre le FMI et Berlin va donc se poursuivre. C’est donc dire si, plus que jamais, après l’accord à l’Eurogroupe, on est bien toujours avant l’accord à l’Eurogroupe.

 

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