Publications par catégorie

Archives de catégorie

Résultats des élections législatives en Grèce

Résultats des élections législatives de 2019

Source https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_l%C3%A9gislatives_grecques_de_2019

Parti Voix % +/- Sièges +/-
Nouvelle Démocratie (ND) 2 251 411 39,85 Increase2.svg 11,76 158 Increase2.svg 83
SYRIZA 1 781 174 31,53 Decrease2.svg 3,93 86 Decrease2.svg 59
Mouvement pour le changement (KINAL) 457 519 8,10 Increase2.svg 1,81 22 Increase2.svg 5
Parti communiste de Grèce (KKE) 299 592 5,30 Decrease2.svg 0,25 15 Steady.svg
Solution grecque (EL) 208 805 3,70 Nv. 10 Increase2.svg 10
Front de désobéissance réaliste européen (MeRA25) 194 232 3,44 Nv. 9 Increase2.svg 9
Aube dorée (XA) 165 709 2,93 Decrease2.svg 4,06 0 Decrease2.svg 18
Cap sur la liberté (PE) 82 672 1,46 Nv. 0 Steady.svg
Union des centristes (EK) 70 161 1,24 Decrease2.svg 2,20 0 Decrease2.svg 9
Recréer la Grèce 41 646 0,74 Increase2.svg 0,21 0 Steady.svg
Front populaire uni 28 269 0,50 Decrease2.svg 0,27 0 Steady.svg
Antarsya 23 191 0,41 Decrease2.svg 0,44 0 Steady.svg
Unité populaire (LAE) 15 930 0,28 Decrease2.svg 2,59 0 Steady.svg
Autres partis
Suffrages exprimés 5 649 332 97,92
Votes blancs 42 668 0,74
Votes invalides 77 503 1,34
Total 5 769 503 100 300 Steady.svg
Abstentions 4 192 215 42,08
Inscrits / participation 9 961 718 57,92

 

CR réunion du collectif du 17 juin2019

Réunion du collectif « Citoyens de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe »
du 17/06/2019

Présents : Christine, Béatrice, Lucienne, Liliane, Max + 3 personnes de SOS Méditerranée : Emmanuelle, Syfax, Stéphane

Soirée SOS Méditerranée du 21 novembre 2019 à 20h à la MDA de Grenoble

Deux personnes de SOS Méditerranée seront présentes
– intitulé : SOS Méditerranée : sauver, protéger, témoigner
– déroulé prévu :
– présentation du collectif et de la soirée
– présentation de SOS Méditerranée
– projection du film : « 10 jours en mer, la véritable histoire de l’Aquarius » de Anelise Borges
– quelques précisions de SOS Méditerranée
– débat
Cette soirée aura lieu dans le cadre du festival des solidarités.
Max qui participe aux réunions du festival présentera ce projet

Fête des vingt ans de la création des comité locaux d’Attac

Elle aura lieu à Montmélian (Savoie) le 28 septembre 2019. Le collectif animera un atelier intitulé : « La Grèce : comment asservir un peuple et coloniser un pays ». Nous présenterons notre collectif, les raisons de sa création, ce que nous faisons (le site internet, les Viome, les convois, les dispensaires, les films …) et un développement sur la situation en Grèce.

Prochaine commande groupée de produits VIOME
Le lancement de la commande pourrait avoir lieu la 1ère semaine d’octobre. Nous sommes à la recherche d’un film qui serait le support de ce lancement (peut-être Meltem).
La distribution des produits pourrait avoir lieu la 1ère semaine de novembre

Prochaine réunion du collectif

Pour l’instant pas de date précise, sans doute courant septembre

Amère Méditerranée

Il y a tout juste un an, le premier navire de sauvetage à avoir été bloqué en mer, l’Aquarius, accostait à Valence, flanqué de deux navires de la marine italienne, pour débarquer 630 rescapés après dix jours en mer. Que reste-t-il de la solidarité alors exprimée en ce 17 juin 2018 ?

Frédéric Penard, directeur des opérations de SOS MEDITERRANEE, était à bord de l’Aquarius en juin 2018. Il a vécu heure par heure les sauvetages critiques de la nuit du 9 au 10 juin, les transbordements, la fermeture des ports italiens, le ballet diplomatique à terre et la longue odyssée vers Valence en Espagne.

Le 9 juin 2018, toute la nuit durant, au milieu de nulle part et dans des conditions critiques et dangereuses, 630 hommes, femmes et enfants étaient secourus en haute mer par les efforts conjoints des marins et sauveteurs de SOS MEDITERRANEE, des garde-côtes et de la Marine italienne. A l’issue de longues heures d’opération, les naufragés étaient transférés et pris en charge à bord de l’Aquarius, en mer pour sa 40ième mission en Méditerranée.

La suite est connue de tous et les images ont fait le tour du monde : une annonce brutale de la fermeture des ports italiens, un navire orange à l’arrêt au milieu d’une mer d’huile, des rescapés bannis sous un soleil de plomb, puis une lente odyssée, des tempêtes, et pour finir une impressionnante mobilisation citoyenne et solidaire au débarquement le 17 juin en Espagne.

Dans le sillage de l’Aquarius, des kilomètres de tweets, des émissions spéciales, des débats, des déclarations, de la colère, de l’émotion, des réunions au sommet, de la solidarité. Quels que soient les points de vue, cette situation était inacceptable pour tous, incompréhensible, des solutions devaient être trouvées pour qu’elle ne se reproduise pas. Paradoxalement, cette odyssée indigne, parce qu’elle symbolisait une certaine faillite des Etats européens, faisait naitre un espoir.

Parce qu’il y avait eu l’Aquarius, plus personne ne pouvait ignorer en Europe le drame qui se jouait à notre frontière sud. Parce qu’il y avait eu l’Aquarius, les gouvernements avaient peut-être enfin réalisé le prix de leur inaction, ils allaient sortir de leur torpeur et de leur indifférence, une certaine solidarité européenne allait enfin se reconstruire, on avait enfin compris qu’ici il ne s’agissait pas de politique mais de valeurs, de principes, du respect du droit, des mesures allaient être prises, une solution serait trouvée.

Juin 2019. Un an plus tard, ces espoirs ont été trahis.

La situation était dramatique, elle est désormais chaotique. Les gouvernements sont sortis de leur inaction, mais pour tisser un peu plus le piège autour de cette zone de non droit qu’est devenue la mer entre l’Italie, Malte et la Libye. Les conventions internationales sur la recherche et le sauvetage en mer ont été manipulées pour faire naître une zone de recherche libyenne, artifice incohérent au regard de la situation en Libye.

Les navires gouvernementaux en capacité d’effectuer des sauvetages se sont alors retirés de la zone, garde-côtes italiens puis navires de l’opération européenne Sophia. Les garde-côtes libyens ont été renforcés, financés, équipés et entrainés à mener des interceptions et refoulements illégaux, alors même que le pays sombrait un peu plus dans l’instabilité et que les rapports sur les conditions effroyables des centres de détention se multipliaient.

Comme si ça n’était pas suffisant, les navires de sauvetage des organisations non gouvernementales ont en parallèle été pris pour cible, bloqués au port par un harcèlement administratif inique, privés de pavillon, sujets de poursuites judiciaires prétexte, tandis que la diffamation se systématisait et que les fake news à leur encontre se développaient.

Enfin, la solidarité européenne promise il y a un an n’a toujours pas vu le jour. Si des solutions de débarquement ad-hoc ont été parfois trouvées, péniblement, aucune solution pérenne n’a été réellement envisagée.

Le bilan de cette année tient en un simple chiffre : 1245 personnes sont décédées depuis juin 2018 en Méditerranée centrale. Une personne toutes les sept heures.

La Méditerranée a offert à l’Europe une partie de son histoire, de ses langues, de sa culture mais aussi ses valeurs, son respect pour le droit. Aujourd’hui, l’Europe la trahit en lui offrant en retour déshonneur, lâcheté et manipulations.

Si les Etats ont failli, il appartient aux citoyens de ne pas renoncer et de ne pas à leur tour sombrer dans l’indifférence. Le sursaut des Etats viendra tard, mais il viendra, tant que les navires continueront à porter assistance malgré les difficultés, tant qu’aux côtés de marins citoyens déterminés, se rassemblera la majorité, nous tous qui refusons qu’avec nos semblables, ce soit notre humanité qui se noie en Méditerranée.

N’oublions pas, restons mobilisés.

CREDITS PHOTO : Karpov / SOS MEDITERRANEE

Source http://www.sosmediterranee.fr/journal-de-bord/tribune-frederic-penard

Pour soutenir SOS Méditerranée http://www.sosmediterranee.fr/

Narcisses et coulisses La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Narcisses et coulisses

 

Aux abords des lacs thessaliens c’est le calme plat. Villages en altitude et pays… en chute libre. Les partis du systémisme avéré et avarié dévoilent leurs listes de candidats aux législatives du 7 juillet prochain. Noms célèbres, baronnies héréditaires, arrivistes régionaux, partis et politiciens autant compatibles avec l’euro-système, avec Georges Sóros et avec leur conformisme totalitaire et ainsi entier, à l’instar de sa dernière invention, à savoir, le parti très médiatisé du dangereux Narcisse Yanis Varoufákis. Saison grecque, Athènes, ses terrasses, ses quartiers, vitrines surtout visitables et d’ailleurs visitées. Vitrine alors brisée.

Athènes en vitrine. Juin 2019

Le tout, lorsque la Turquie viole autant les usages et les réalités des eaux territoriales grecs et chypriotes en y établissant ses forages pétroliers parfaitement illégaux comme absolument géopolitiques. L’armée grecque est en état d’alerte et elle enchaîne exercice sur exercice, d’après la presse en tout cas de la semaine. Bel été !

Du côté de la dite Union européenne ce n’est que du verbiage habituel, et les tenants de la partie occupée par la Turquie de la République de Chypre depuis 1974 menacent de peupler par de colons la ville-fantôme de Famagouste, ce que la résolution de l’ONU datant de 1984 pourtant interdit formellement, presse du 19 juin. Enjeux disons de la Méditerranée Orientale, les hydrocarbures en plus.

Comme l’écrit l’éditorialiste de “To Pontíki”, “la faiblesse évidente de la Grèce pousse à la fois le gouvernement et le principal parti de l’opposition, la Nouvelle Démocratie, à se réfugier derrière de zones de retrait absolument incertaines, qu’il s’agisse de la protection supposée offerte par les ‘amis’ puissants, États-Unis, UE, Israël etc., ou alors, derrière ce pauvre droit international aux principes fondamentaux supposés non négociables.”

Le jeune politicien Mikélis Hadjigákis en campagne. Tríkala, Thessalie, juin 2019

 

Mikélis Hadjigákis en campagne. Région de Tríkala, Thessalie, juin 2019
Le député Syrizíste Sakis Papadópoulos en campagne. Région de Tríkala, juin 2019

“Cependant, comme il a été démontré il y a plusieurs siècles et déjà en 314 av. J.-C., lors de l’épisode opposant les Athéniens à Milos relaté par Thucydide, les arguments juridiques valent la peine que lorsque leurs auteurs sont à peu près égaux en force, et qu’en cas contraire, les forts font ce qu’ils peuvent et les faibles endurent ce qu’ils doivent.”

“Les jours suivants, au Sommet de l’Union européenne, les parties grecque et chypriote se précipiteront pour faire appliquer le droit international comme pour se protéger derrière leurs partenaires en exigeant des sanctions contre la Turquie qui viole encore une fois de manière flagrante le droit international. Pourtant, ce qui doit être confirmé une fois encore, c’est que le droit international demeure autant et surtout celui de la force brute. La Turquie étant le cinquième partenaire commercial de l’UE, on peut raisonnablement s’attendre à ce que la sensibilité des Européens devant le droit international se résumera finalement, manifestement quelques remarques et alors réprimandes”.

“En ce qui concerne la protection que le gouvernement grec espère des États-Unis en échange de bien nombreux et importants cadeaux et replis grecques déjà offerts sous Tsípras, dont le… déploiement des bases militaires des États-Unis sur tout le territoire grec, puis et surtout, l’accord macédonien d’il y a un an, il sera cependant prouvé une fois de plus, que dans les relations internationales, il n’y a pas d’amitiés stables, mais seulement des intérêts que chaque pays défend à tout moment à sa guise. Et actuellement, les intérêts américains exigent que les échanges avec la Turquie demeurent suffisants pour que ce pays reste dans la sphère d’influence de Washington.”

Aléxis Tsípras et Vassílis Vassilikós. Athènes, juin 2019 (photo de l’Agence IN)

 

Image de Paḯssios l’Athonite. Tríkala, Thessalie, juin 2019
Dans un Monastère en altitude. Thessalie, juin 2019

“Nous pensons que celui qui paiera finalement tout le prix de ce marchandage américano-turc n’est autre que la Grèce. Pour le reste, SYRIZA qui s’en va, autant que la Nouvelle Démocratie qui arrive au pouvoir, doivent si possible gérer cette réalité fort douloureuse, résultant de tant d’erreurs criminelles du passé, tandis que ces deux partis espèrent en secret que le clash entre la Grèce et la Turquie ne se concrétisera guère si possible durant leurs moments respectifs aux commandes”, “To Pontíki”, du 18 juin. Bel été en vue !

Mais en Thessalie paisible, le jeune politicien et autant jeune diplômé de l’Université naturellement Étatsunienne, Mikélis Hadjigákis candidat à la députation, dont le père, le grand-père et l’arrière grand-père ont été députés de la région depuis la création de la Grèce contemporaine au 19eme siècle, il sillonne alors Tríkala et ses montagnes pour convaincre du… renouveau. Celui de Mitsotákis et notamment du sien. Et à Athènes, Tsípras récupère pour ses listes électorales Vassílis Vassilikós, mausolée alors vivant des socialisants et autres dinosaures reposant sur leurs lauriers de la lutte contre les Colonels, lauriers en somme consumés depuis longtemps dans les salons feutrés de l’européisme et du confort ayant neutralisé leur esprit critique, lorsqu’ils ne sont pas tout simplement rétribués… pour faire le job.

Le pays pourtant demeuré réel, retient alors tout son souffle, comme il espère parfois en l’aide des Saints du Mont Athos, à l’exemple du moine Paḯssios l’Athonite, canonisé par l’Église Orthodoxe en 2015, et que l’on retrouve en… estampe même sur certaines camionnettes à Tríkala. Pays réel aux politiciens muséaux. Devant la sortie discrète du Palais du Premier ministre, des Tsiprosaúres affairés préparent la suite et peut-être leurs cartons.

Traces du passé. Thessalie des montagnes, juin 2019

 

Tríkala, ville de Thessalie. Juin 2019
Devant le Palais du Premier ministre. Athènes, juin 2019

Cet été grec façon 2019, il se prétend encore touristique, électoral et pour tout dire étincelant… sous le regard également des animaux adespotes, animaux sans maître qui sont enfin bien des nôtres. Les travailleurs du tourisme avancent parfois la tête songeuse, Airbnb déjà, il n’est plus autant rentable partout, mais on servira de l’essentiel, surtout aux restaurants sous l’Acropole, ou devant les traces du passé déjà oublié car du siècle dernier. Cependant, cette légèreté apparente cache désormais mal la gravité de la situation grecque, il y en a même qui prétendent que Tsípras aurait déjà conclu avec Erdogan et les puissants qui le contrôlent au moins depuis l’arrivée de SYRIZA au pouvoir en 2015, une sorte de partage de la souveraineté grecque en mer Égée notamment. Ensuite, un épisode chaud entre les deux pays en mer Égée, pourraient même motiver le report du scrutin législatif (radio 90.1 FM, émissions de Yórgos Trángas, juin 2019), info ou alors intox ?

Au pays du caravaning libre pour les camping-cars des visiteurs chanceux issus de l’autre Europe, aux plages pour l’instant largement vides et aux guinguettes plutôt désolantes, voilà que nos analystes, certains d’entre eux en tout cas, n’ont pas encore perdu leur tête. Certes, au pays autant réel des cafés et des terrasses, ceux venus tout droit du peuple, jeunes de surcroît organisent coûte que coûte leur survie, leurs petites affaires, leurs jobs comme on dit. On marchande pour cinq euros, comme revient-on de la pêche pour vendre trois gros poissons neuf euros le lot. C’est d’ailleurs cette… survie ayant tant contribué à la léthargie apparente des Grecs devant leur destin, qui est tant visée par les tenants du vrai pouvoir. Le reste, ce fut l’affaire de la gauche, de toute la gauche, après et avant avoir été celle de la droite et des PASÓKiens.

Pour l’analyste de la géopolitique Panagiótis Ífestos, tout n’est pourtant pas perdu. “Car il est finalement encourageant de constater que le mimétisme de la classe politique dirigeante grecque envers ses maîtres occidentaux, ainsi que leur régime de la xénocratie, vieux de deux siècles depuis la supposée indépendance du pays en 1830, n’ont guère altéré le citoyen grec, celui que nous trouvons devant les remparts à chaque moment pénible de notre histoire. Car toutes les divisions idéologiques, partisanes et surtout fictives, elles ne sont que le produit d’un personnel politique alors déliquescent. Car nombreux sont ceux issus de la société, comme de la société civile, voire même de l’état, et qui paraissent être à la dérive, et pourtant, ils attendent que le ciel s’éclaircisse, ils attendent leur heure. C’est précisément cette écrasante majorité que composent de millions de citoyens, ceux par exemple, que nous avons vu se plaindre et manifester entre 2018 et 2019 dans les rues, dénonçant ces terribles erreurs dans la prétendue solution du problème macédonien que Tsípras aurait apporté avec son accord.”

Sous le regard des animaux adespotes. Athènes, juin 2019

 

L’essentiel. Restaurant sous l’Acropole. Athènes, juin 2019

 

Traces du passé déjà oublié. Athènes, juin 2019

“Notons que les idéologismes postmodernes, singulièrement hostiles à la nation et à la société grecque, et ayant fondamentalement remplacé les dogmatismes idéologiques chimériques du XXe siècle, génèrent-ils leurs flots d’irrationalités spirituelles, autant que politiques. Les membres de cette bande d’esprits postmodernes niant en bloc la nation grecque ainsi que son identité, ils considèrent que la société n’est qu’un ramassis de citoyens, pour ne pas dire une populace. Et cette populace, elle doit bien entendu s’adapter aux fantasmes idéologiques de cette bande d’idéologues. Ces esprits postmodernes, toute cette bande, elle est en réalité fort minoritaire à travers le pays, sauf que le régime de la xénocratie la rend alors toute-puissante.”

“Le phénomène le plus répandu c’est celui qui consiste à promouvoir ce mimétisme envers les mentalités postmodernes décadentes, et autant, à inciter sous le chantage à se vautrer devant les tonalités hégémoniques. Le tout, suggérant l’inertie pour le peuple grec, peuple soi-disant condamné, rien que par la fatalité et la misère de l’État grec. Et en ce moment, ce genre de délire s’est même amplifié. Cela semble même incroyable. Par exemple, on peut entendre ici ou là, que brader les richesses publiques comme privées, fait de la Grèce une… fusée de la croissance ! Bien entendu, nous n’avons guère besoin d’une telle croissance, rien que parce que cela signifie la perte totale de notre indépendance nationale.”

Au pays du caravaning libre. Péloponnèse, juin 2019

 

Au pays du caravaning libre. Péloponnèse, juin 2019

 

Plages pour l’instant largement vides. Péloponnèse, juin 2019

“En d’autres termes, un large et alors dangereux éventail de titres scientifiques, de personnalités politiques et d’analystes à travers les médias, une fois rangés derrière l’étiquette imaginaire ‘progressiste’, ces gens deviennent-ils alors porteurs de cet antipatriotisme postmoderne, rapidement transformés en serviteurs obstinés des hégémonies abusives des globalistes, des technocrates et des spéculateurs transnationaux. Et c’est donc la grande décadence progressiste.”

“Enfin, dans le domaine de la stratégie nationale, ces perversions postmodernistes dominantes conduisent-elles à de suggestions de concessions aux questions relatives à la souveraineté grecque, y compris territoriale et qui, d’après les Conventions et les dispositions du droit international, elle appartient à l’État grec. Seulement voilà, le territoire de la Grèce, cependant ne relève pas de leurs propres affaires privées, au point de pouvoir l’abandonner à leur guise. Notons que dans tous les états du monde, petits et grands, puissants ou faibles, agir de la sorte est considéré comme relevant de la haute trahison.”

“Pourtant, la sortie nous est toujours possible. Alors que nous avons des élections devant nous, il est logique de dire que lorsque nous votons, nous affrontons toujours dilemmes et ainsi interrogations. Pour certaines choses cependant, il n’y a point de dilemme. Chacun décide ainsi selon sa propre logique et d’après son instinct. Le seul critère devrait être le suivant: sortir le pays du piège vieux de dix ans, et c’est seulement possible que lorsque des forces politiques fermement attachées à l’intérêt national et à l’orientation démocratique faisant du citoyen le principal décideur, puissent nous conduire enfin à la liberté politique”, Panagiótis Ífestos, juin 2019, extraits de son article.

Teneur du débat grec fort actuel. Dans le vieux Péloponnèse où les routes nouvelles vers les plages n’y ont pas vraiment amené les foules, l’heure est au scepticisme. “Les Grecs ne viendront pas avant les élections du 7 juillet, ensuite tout le monde est inquiet au sujet de l’agressivité de la Turquie, ainsi, personne ne bouge, en plus comme les gens n’ont plus les moyens, ils attendent autant les suites, que de pouvoir partir quelques jours, mais seulement en août”, explique alors Anna, elle tient un hôtel familial dans le Péloponnèse.

Route récente. Péloponnèse, juin 2019

 

Établissements vides. Péloponnèse, juin 2019

 

Architecture issue du passé. Péloponnèse, juin 2019

Teneur du débat grec très actuel ; le jeu fermé de la politique en plus. L’irrationnel dangereux aux yeux de l’analyste Ífestos c’est aussi Varoufákis et son mouvement. D’autres analystes comme Karambélias, lui issu de la gauche, estiment-ils que Varoufákis incarne très exactement les vues et la stratégie des globalisateurs à la Sóros, “c’est peut-être même l’autre roue de secours du système, après avoir usé de Tsípras et de SYRIZA”.

C’est tout de même étrange que dans une interview datant d’octobre 2018, Varoufákis prétend-il directement que son limogeage du poste du ministre des finances en juillet 2015 avait été déclenché lorsque le financier Sóros avait téléphoné à Tsípras réclamant très exactement que de chasser son ministre. “Mon seul rapport avec Sóros se résume alors à ce coup de fil”, a-t-il même précisé Varoufákis, quotidien “Kathimeriní”, octobre 2018.

C’est encore tout de même étrange que de… liquider un ministre de cette manière, et on peut très logiquement en déduire que celui qui est en mesure de révoquer de la sorte, le financier Sóros dans notre cas, c’est également celui qui embauche ses… subordonnés, à savoir Varoufákis, voire, Tsípras. Proche ou pas de Sóros, Varoufákis embrasse déjà et certainement ses thèses, autant que celles du bloc anglo-saxon, sur Chypre, sur la mer Égée et la Turquie, ou sur l’ouverture des frontières et le migrationnisme ambiants, prônant ainsi “l’ouverture, puisque les frontières ne sont pas compatibles avec les peuples fiers, confiants et dignes, comme le nôtre”, peut-on lire dans le programme du parti de Varoufákis, le DiEM25.

Varoufákis et Sóros. Presse grecque, 2019

La perversion postmoderniste dominante amène-t-elle jusqu’aux inepties sophistiques de ce type, la gauche sortante de l’histoire d’ailleurs en raffole, de même que la supposée droite centriste de la Nouvelle Démocratie et de Mitsotákis. Cette dernière, compte il faut dire dans ses rangs ses propres “Varoufákis”, défendant ces mêmes thèses des globalistes, l’universitaire Kairídis par exemple. Notons que la cousine de Mitsotákis, Antigone Lyberáki est députée du parti électoralement mort “To Potámi”, une création de la nébuleuse Juncker – Merkel ayant accompli son rôle, et Lyberáki, elle est également la responsable de la plus importante ONG de Sóros en Grèce, ceci d’ailleurs très… officiellement.

Notons encore au passage que les peuples fiers, confiants et alors dignes, préservent-ils et défendent-ils leurs frontières, comme ils choisissent ou pas, leur degré d’ouverture à l’altérité, autrement, c’est de la mutation radicale qu’il s’agit et ceci, depuis par exemple l’Antiquité. Seules les identités fortes et préservées sont capables d’accueillir, car elles sont par la même occasion capables que de se constituer en communautés ayant un socle commun de culture, d’histoire, d’identité, formant si possible leur Politeía-Cité régime politique, capables notamment de résister aux menaces comme aux empires.

Jean Stobée doxographe et compilateur grec de l’Antiquité tardive du cinquième siècle ap. J.-C. lequel à travers son Anthologie nous a légué tant de fragments parfois exclusifs d’auteurs grecs de l’Antiquité, cite d’ailleurs Platon au sujet qui nous intéresse: “Puisque chez de peuples comme les Messéniens on constate de nombreuses rébellions et révoltes à répétition, et nous ne savons pas comment rester maîtres de la situation, il y a pour cela deux manières d’agir. Mélanger les populations, faire en sorte qu’ils n’y soient plus de la même patrie tous ceux qui supporteront ainsi plus facilement l’esclavage, tous, gens issus de bien diverses origines. Tous ces gens nous devons alors les nourrir prenant ainsi soin de leur bien, et en réalité de notre bien.” “Fragments extraits de Stobée”, Tome 13, livre 4, édition grecque Kaktos, 1995, p. 161.

Pays béni. Péloponnèse, juin 2019

 

Jetant ses filets pour pêcher. Péloponnèse, juin 2019

Platon qui n’était pas un adepte de la démocratie le savait suffisamment, la doctrine n’est pas nouvelle, sauf que sous sa forme actuelle droit-de-l’hommiste et migrationniste, elle couvre alors près du 80% du spectre politique compatible Sóros et ainsi “offert” si bien emballé aux électeurs. Le systémisme ambiant comme délirant qualifie bien entendu toute réflexion logique et critique de ce conditionnement conduisant à l’esclavage perpétuel la wifi en plus, de raciste et de populiste. Un verbiage autant commun, entre Tsípras, Varoufákis, Mitsotákis par exemple.

Rappelons aussi au sujet de Varoufákis, ces faits datant de février 2015, relatés par Lafazánis alors chef du Courant de gauche au sein de SYRIZA et ministre de la Restructuration de la production, de l’Environnement et de l’Énergie dans le gouvernement Tsípras I. Dans son interview du 11 juin 2019, Lafazánis précise “que c’est d’abord Varoufákis et Tsípras qui de concert ont déjà capitulé devant la Troïka, ceci dès février 2015, en légalisant le prolongement du Mémorandum-II, signé par le gouvernement Samarás quelques mois plus tôt. Tsípras et Varoufákis avaient-ils même convoqué minuit passé le président du Conseil juridique de l’État et ils l’ont gardé jusqu’au matin suivant, exerçant des pressions sur lui pour qu’il donne un avis officiel, déclarant qu’il n’était pas obligatoire que de présenter au Parlement la prolongation du mémorandum-II signé par Samarás, et que la simple signature par décret du ministre des Finances, c’est-à-dire de Varoufákis, suffisait pour légitimer cet esclavage de la Grèce. Le président du Conseil juridique de l’État avait déclaré qu’il ne voulait pas enter dans l’illégalité, mais il y a eu peut-être chantage et au petit matin, il a alors cédé”, entretient de Lafazánis jamais démenti, presse grecque du 11 juin 2019. Lafazánis, il n’a pourtant rien fait à l’époque, faire tomber son gouvernement par exemple, et c’est autant “étrange” que de le voir revenir à la charge maintenant qu’aux élections dites européennes, son parti de l’Unité Populaire a été définitivement rayé de la carte politique avec 0,5%.

Enfin, en juin 2019, la mafia politique de Tsípras, introduit comme par hasard un nouveau Code pénal, où entre autres dispositions instituant l’anomie, il allège également les conséquences pour ceux, ayant pu commettre un crime par exemple financier contre l’État et par extension contre le pays, il y a à ce propos de nombreuses analyses à travers la presse grecque. Histoire par exemple de ne pas poursuivre en Justice les criminels, Papandréou, Venizélos, Samarás, Papadémos, Stournáras, Papakonstantínou, Tsípras, Varoufákis, Tsakalótos, Kotziás, Kamménos comme tant d’autres, la liste est bien longue.

Enfin, la nouvelle du jour, c’est qu’à la tête de la liste très honorable des députés éligibles d’office suivant le score des partis et la loi électorale grecque, Mitsotákis et sa Nouvelle Démocratie ont-ils opté pour Panagiótis Pikramménos, ancien juge, collaborateur du père Konstantinos Mitsotákis et Premier ministre de transition dite technique, entre mai et juin 2012, presse grecque du 20 juin 2019. Il y a pourtant une autre réalité, disons plus germanique et directement xénocrate. Panagiótis Pikramménos, issu de l’École allemande à Athènes, amis des germano-chromes Mitsotákis, est le fils du magnat de la presse Othonas Pikramménos, collaborateur notoire durant l’Occupation allemande des années 1940, il avait entre autre été placé à la tête de la seule Agence de presse “grecque” à l’époque, dont les capitaux appartenait à 51% à la société Mundus dirigée par Goebbels, et sur Mundus et par exemple Hachette en France voir ici.

On prend alors les mêmes, ou les mêmes familles, et… on recommence. Pays béni, pays où on avance en pleine eau, jetant ses filets pour pêcher, encore et encore.

Les drapeaux sont alors en berne. Péloponnèse, juin 2019

Les drapeaux sont alors en berne dans la petite bourgade côtière du Péloponnèse. Ce n’est ni de la menace turque qu’il s’agit, ni du deuil du fait politique ou de son personnel alors si invraisemblable. C’est tout simplement que l’armateur local est décédé, il avait à vrai dire financé tant de projets dans la commune, école comprise. Le deuil est sincère, les habitants lui sont reconnaissants, il avait même été le maire de leur commune par le passé. Puis, au café du port, discussions relevant de la mer Égée, des forces armées grecques et turques et qui remplacent parfois les échanges sur la politique trop courante des Mitsotákis et des Tsípras. Yórgos en est inquiet: “Mon fils effectue son service militaire au sein de la Marine nationale. D’après ses messages, c’est alors grave et ce n’est pas terminé. Espérons que la situation ne dégénéra pas.”

Depuis Athènes et sa planète, on se dit prêt pour attribuer le futur poste de Commissaire à Bruxelles à Samarás, lorsque Mitsotákis sera bien entendu aux commandes, presse grecque du 20 juin. Tout empire, le Reich compris, a toujours su récompenser ses sbires.

Des exercices de manœuvres pour les blindés grecs non loin de la frontière avec la Turquie ont été supervisés ces derniers jours par le chef d’État-major des armées, le général Geórgios Kambás, presse de la semaine ici , même si aux abords des lacs thessaliens c’est toujours le calme si plat.

Saison grecque, le pays, ses terrasses comme ses craintes, ses quartiers vitrines surtout visitables et d’ailleurs visitées. Vitrine brisée… sauf pour nos animaux adespotes.

Animaux adespotes. Athènes, années dites de crise

* Photo de couverture: Aux abords des lacs thessaliens. Juin 2019

20 juin 2019

Retour illégal de réfugiés à Evros

« Rapport au procureur de la Cour suprême sur le retour illégal des réfugiés à Evros par le Conseil hellénique des réfugiés »

Le Conseil hellénique pour les réfugiés a adressé au procureur de la Cour suprême une requête, accompagnée d’un dossier contenant toutes les informations dont il disposait, concernant des plaintes concernant le refoulement illégal, informel et violent de réfugiés de la région d’Evros.

Dans une déclaration, il indique que les plaintes concernent des citoyens turcs et se réfèrent en particulier à la période du 27 avril 2019 à aujourd’hui.

Parallèlement, comme il a été noté, il a soumis au bureau du procureur de la première instance d’Athènes trois plaintes à renvoyer au bureau du procureur d’Orestiada, avec cinq réfugiés turcs et leur enfant mineur. Les six réfugiés représentés par le Conseil hellénique pour les réfugiés ont fait appel à la justice grecque pour obtenir des réponses aux actes dont ils se sont plaints d’avoir été commis.

Parmi les concernés se trouve une jeune réfugiée, détenue dans des prisons turques à la suite de son prétendu retour illégal de Grèce en Turquie. Le procès en cause comprend de nombreuses preuves et le témoignage de son frère, qui vit à Athènes.

Le Conseil grec pour les réfugiés appelle les autorités judiciaires compétentes à enquêter efficacement sur ces plaintes. Comme il l’a souligné, il a demandé à plusieurs reprises l’ouverture d’une enquête sur les violations des droits de l’homme dans la région d’Evros, se déclarant profondément préoccupé par des plaintes similaires. « Cependant, aucune réaction officielle n’a été enregistrée à ce jour et les plaintes concernant la pratique illégale de refoulement continuent à augmenter », a-t-il ajouté. »

Le travail des enfants à Thessalonique

Enfants sans enfance: des données choquantes sur le travail des enfants à Thessalonique 12 juin 2019

Les enfants travaillent de 6 à 12 heures par jour dans les champs, dans les chantiers de construction ou dans les stations de lavage de voitures, ils se promènent en vendant de petits objets dans les rues ou ils mendient aux feux tricolores. Ils sont victimes d’exploitation par des gangs du tabac et des drogues illicites, ils conduisent des voitures, risquent leur vie et celle d’autres réfugiés pour les transporter à l’intérieur de la Grèce.

Les données sur le travail des enfants en Grèce publiées par l’ONG «Arsis», une association de soutien social à la jeunesse, sont choquantes.

«Ce sont des enfants qui ne vivent pas comme des enfants, ils doivent travailler pour survivre et ils ne jouent pas, ont prématurément perdu leur enfance ou n’ont jamais acquis leur enfance», a déclaré Arsis dans un communiqué prononcé à l’occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants je 12 juin.

Depuis début 2019 jusqu’en mai, les groupes de travail ARSIS Street – Organisation de soutien à la jeunesse ont été en contact avec environ 550 enfants vivant dans les rues de Thessalonique, dans le nord de la Grèce. Parmi eux, il y avait 450 réfugiés mineurs non accompagnés et 95 de Grèce ou d’autres pays des Balkans, c’est-à-dire de Bulgarie et d’Albanie.

«Ce sont des enfants qui considèrent le travail comme une« normalité »puisqu’ils ont travaillé dans leur propre pays. Pour se rendre en Grèce, ils ont également voyagé en travaillant principalement dans l’industrie textile, la pêche et la tannerie. Le risque est donc de croire que le travail des enfants est autorisé dans notre pays et d’ajouter à l’illégalité et plus tard comme  jeunes adultes de faire face à de lourdes sanctions », a déclaré le chef du service juridique d’Arsis, Thomas Charalambides.

«Ne soutenez pas le travail des enfants»

À l’occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants, ARSIS appelle les citoyens à lutter contre ce phénomène et organise un événement de sensibilisation le mercredi 12 juin de 18h à 23h aux «parapluies» de Nea Paralia, Thessalonique.

Au cours de l’événement, dans le cadre d’une campagne de sensibilisation ciblant les enfants des feux de circulation, un groupe de membres du personnel d’ARSIS sera aux feux de circulation principaux. Ils porteront des masques qui indiqueront le nom et l’âge d’un enfant et remettront des tracts  avec des textes du type: «Étais-tu réveillé violemment tôt le matin pour aller au travail quand tu étais enfant? Non Ne soutenez pas le travail des enfants!

Source https://www.keeptalkinggreece.com/2019/06/12/child-labor-greece-children-arsis/

Solidarité avec Yannis Youlountas

Le collectif de Grenoble exprime toute sa solidarité à Yannis qui a été agressé mercredi 13 juin au soir alors qu’il sortait de l’espace social autogéré Favela au Pirée. Ils étaient à 3 contre un et c’est l’intervention de voyageurs qui sortaient du tram qui a fait fuir les agresseurs.

Yannis est venu plusieurs fois à l’invitation du collectif de Grenoble pour présenter ses films sur la situation en Grèce et surtout la résistance qui y est toujours présente face à la violence du système qu’elle soit politique, étatique, européenne. Il continuera à être invité sans hésitations.

Bon rétablissement à lui et pour savoir comment réagir dans pareilles situations nous relayons ici son message :

Ne pas céder à la peur par ·

NE PAS CÉDER À LA PEUR

Il n’y a qu’une seule chose que nous ayons à craindre, c’est la peur elle-même. C’est là, le piège éculé de ceux qui se prétendent supérieurs : autoritaires ou fascistes, légaux ou factieux, avec leur meute de flics ou de miliciens. La fabrique du consentement ne passe pas seulement par une construction imaginaire, une représentation symbolique, un rang illusoire auquel se soumettre est présenté comme une évidence, une règle, un devoir. Cette servitude est, plus encore, le produit du sentiment d’impuissance et d’insécurité que suscite la peur. Peu importe que la menace soit directe ou indirecte : baisser les yeux quand elle survient, c’est se résigner ; regarder ailleurs quand d’autres sont opprimés, c’est s’apprêter à subir le même sort.

À l’inverse, ne pas céder à la peur, c’est rester résolument en dehors de ce cercle vicieux, de ce cycle infernal, de cette accumulation de non-dits. C’est crier non, haut et fort, quand le silence équivaut à un consentement. C’est surprendre ceux qui croyaient nous faire obéir, courir ou demander pitié.

Ne pas céder à la peur, c’est refuser de baisser la tête, regarder dans les yeux ceux qui veulent nous dominer, nous exploiter, nous molester, et montrer que nous céderons pas, que nous resterons debout jusqu’au bout. Hier soir, les quatre néo-nazis(2) qui m’ont tendu un piège ont cru m’impressionner. Mais ils ont vite compris que le sang froid et la détermination font plus que le nombre. Certes, je souffre encore à l’heure qu’il est, mais j’ai sans doute échappé à pire. Je dois également leur renoncement à l’arrivée d’un tram à la station voisine, peu après le début de l’attaque. Cette foule imprévue m’a peut-être sauvé la vie. Une vie qui tient parfois à un fil : le fil du lien social, de la présence, de la solidarité.

Ne pas céder à la peur, c’est ne pas reculer face aux tentatives d’intimidations. Les néo-nazis du Pirée fulminent ces jours-ci de voir l’espace social libre Favela fêter son deuxième anniversaire et réussir ce qui paraissait impossible : tenir bon dans un quartier difficile où les fascistes et autres nationalistes ont pignon sur rue. Avec un courage exemplaire et beaucoup d’idées formidables, mes camarades de Favela ont montré, une fois de plus, que les seules luttes perdues d’avance sont celles qu’on n’ose pas mener. C’est pourquoi j’appelle toutes celles et ceux qui sont en Attique ce soir à se rendre à l’anniversaire de Favela et à montrer leur solidarité par leur présence en nombre à ce rendez-vous, au cœur du Pirée(3).

Ne pas céder à la peur, c’est aussi ne pas laisser faire quand d’autres subissent l’injustice et la répression. Cette solidarité nécessite cependant d’être à la hauteur de la force écrasante qui s’abat parfois sur les victimes. Face aux représailles récentes de l’État grec, avec une sévérité sans précédent au moyen d’une faille juridique sournoise, le groupe Rouvikonas semblait depuis un mois condamné à un coup d’arrêt et à l’emprisonnement de deux de ses membres(4). La somme à réunir en dépôt de garantie (futurs frais de réparations et jours-amendes) paraissaient impossible à réunir : 30 000 euros pour Nikos et autant pour Giorgos, le cofondateur du groupe, soit 60 000 euros en tout, c’est-à-dire dix à vingt fois plus que d’habitude. Et bien non ! Nous venons, hier, de réussir à ramener libre Nikos du tribunal ! Alors que les médias du pouvoir annonçaient déjà l’emprisonnement imminent de nos camarades, nous sommes parvenus à réunir et à déposer la première valise énorme de 30 000 euros, grâce à des soutiens du monde entier, petits et grands, jusqu’à des migrants pourtant très pauvres qui ont insisté pour participer modestement : « Vous nous avez défendus tant de fois ! À notre tour de vous défendre ! »

Ce soir, je ne pourrai pas participer à la fête de mes camarades de Favela, non seulement à cause de ma convalescence, mais aussi parce que j’ai prévu d’être, dans la soirée, avec mes camarades de Rouvikonas pour faire le point sur la situation, avant de retourner me reposer. Alors, où en sommes exactement ? C’est bien simple.

A l’heure où j’écris ces lignes, le pot commun affiche 26 700 euros, c’est-à-dire en réalité 22 400 puisque 4 300 avaient déjà été retirés pour deux procès antérieurs. En comptant tout à la fois (pot commun + paypal + virements + versements en liquide sur place ou sur la tournée de Spiros), nous en sommes à plus du double : 47 850 euros en tout ! Autrement dit, nous avons déjà dépassé la moitié de la somme nécessaire pour empêcher l’État grec d’emprisonner Giorgos. Il reste 6 jours pour trouver 12 150 euros. 2000 par jour jusqu’au vendredi 21 juin, date à laquelle la somme devra être déposée pour permettre au co-fondateur de Rouvikonas de repartir libre à son tour(5). 12 150 équivaut au quart de la somme rassemblée en trois semaines. Cela semble presque impossible, vu le délai très court, mais ça reste faisable, à condition de ne pas renoncer si près du but. Avec 47 850 sur 60 000, nous avons fait 80% du chemin. Il serait dommage d’échouer à quelques encablures d’une démonstration formidable à destination du pouvoir ; ce pouvoir qui règne en nous divisant, en nous isolant, en nous rendant indifférents et même jaloux les uns à l’égard des autres.

Ne pas céder à la peur, c’est se rappeler de notre capacité à changer le cours des choses, en mettant bout à bout les actes, les idées, les moyens. Le fait que des soutiens arrivent parfois de l’autre bout du monde symbolise parfaitement l’horizontalité de cette lutte globale face aux géants de papiers qui prétendent encore nous gouverner, nous juger et nous enfermer.

C’est pourquoi les luttes contre le capitalisme et contre le fascisme sont indissociables. Ce sont en réalité les deux versants d’une même lutte : la lutte pour l’émancipation individuelle et sociale, dans la liberté et l’égalité, dans l’amour et la révolution, dans la joie de participer à un élan qui renversera un jour le vieux monde autoritaire.

Les temps sont durs. Oui, certes. Les nazis rôdent, frappent à la nuit tombée et parfois même en plein jour. Mon corps en témoigne. Le capitalisme se durcit, défonçant les conquêtes sociales passées et creusant toujours plus les inégalités. C’est un fait indéniable que seuls les nantis osent contredire. Le pouvoir se raidit, avec de nouvelles armes, de nouveaux outils pour surveiller et de nouvelles lois pour punir. Assurément, vu le nombre de victimes. Le constat est rude, mais il ne doit pas conduire à baisser les bras ou la tête. Car c’est justement parce que les temps sont durs qu’ils sont ouverts, que rien n’est terminé et que nous avons la contrainte vitale, cérébrale, viscérale d’en sortir.

C’est parce que cette société est profondément mortifère que nous n’avons pas d’autre choix que sortir de la préhistoire politique de l’humanité pour sauver la vie et la partager autrement.

C’est parce qu’on me menace, qu’on me frappe et qu’on veut me voler ma vie que je suis d’autant plus déterminé à en finir avec ceux qui m’agressent et avec la société qu’ils veulent m’imposer.

Là où nos ennemis essaient de susciter la peur, ils ne font qu’accroître la révolte : chaque menace m’inonde d’adrénaline, chaque coup me fouette le sang, chaque épreuve nouvelle me fait serrer le poing toujours plus haut.

Ils ne nous auront pas comme ça. Nous sommes encore debout. Et, pour garder le cap et la force de continuer, la seule chose que nous ayons à craindre, c’est la peur elle-même.

Yannis Youlountas

(1) Le communiqué de Maud, suite à mon agression :
http://blogyy.net/2019/06/14/yannis-agresse-par-des-neo-nazis-hier-soir-au-piree/
(2) Trois qui m’ont attaqué et un quatrième qui guettait pendant ce temps côté port, seul issue possible (point de passage plutôt régulier et bien éclairé).
(3) Ce soir au Pirée, rendez-vous, aussi nombreux que possible, pour les deux ans de Favela :
https://www.facebook.com/events/308401606756331/
(4) Comment l’État grec a réussi à piéger Rouvikonas, et pourquoi maintenant en particulier :
http://blogyy.net/2019/05/29/giorgos-kalaitzidis-increvable-anarchiste-bientot-embastille-par-tsipras/
(5) Pour participer à l’appel à soutien financier (avant le 21 juin), le pot commun avec toutes les informations est ici :
https://www.lepotcommun.fr/pot/mjj83sy2
Pour procéder par paypal ou virement (ou chèque, mais c’est un peu long et compliqué par rapport aux autres formes possibles), contacter en français : rouvikonasfrancophone@riseup.net
Si vous passez à Athènes avant le 21 juin :
Rendez-vous au K*Vox tous les jours, de 16:00 à minuit, place Exarcheia.


D’autres réactions

En français :
https://www.monde-libertaire.fr/?article=Les_enfoires_du_Piree
http://www.cadtm.org/Solidarite-a-Yannis-Youlountas-No-pasaran
http://endehors.net/news/yannis-agresse-par-des-neo-nazis-hier-soir-au-piree
https://www.facebook.com/UnionCommunisteLibertaire/posts/2821563887916965

En grec :
http://voidnetwork.gr/2019/06/14/nazis-attack-yannis-youlountas-in-piraeus/
http://net.xekinima.org/fasistes-epitethikan-ston-skinotheti-antifasista/
https://www.kar.org.gr/2019/06/14/fasistes-chtypisan-antifasista-ston-peiraia/
https://www.facebook.com/freesocialcenterfavela/posts/899755467028824
https://www.facebook.com/konpol64/posts/2303617716339907
https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=1432724003534208&id=645186555621294
https://www.imerodromos.gr/epithesi-fasiston-ston-peiraia/
http://www.antinazizone.gr/2019/06/blog-post_92.html#more

Liberté d’informer

 Taha Bouhafs : « Je ne suis pas plus militant qu’un journaliste du “Point” ou de BFM TV »  14 juin 2019 / Entretien avec Taha Bouhafs

Mardi 11 juin, le journaliste Taha Bouhafs a été placé en garde à vue pendant 24 heures alors qu’il couvrait une manifestation de travailleurs sans papiers. Pour Reporterre, il raconte ce qu’il a vécu – une nouvelle atteinte à la liberté d’informer. Et défend le journalisme de terrain.

En avril dernier, le journaliste Gaspard Glanz avait subi deux jours de garde à vue, interpellé alors qu’il couvrait une manifestation. Cette semaine, le pouvoir s’est de nouveau attaqué à un journaliste : Taha Bouhafs, journaliste à Là-bas si j’y suis et qui avait révélé les images d’Alexandre Benalla frappant un manifestant, a subi une garde à vue d’une journée alors qu’il couvrait une manifestation de travailleurs sans-papiers.

Reporterre — Que vous est-il arrivé mardi 11 juin ?

Taha Bouhafs — Je suis parti en fin d’après-midi faire un reportage sur les travailleurs sans papiers de Chronopost à Alfortville (Val-de-Marne). Ils occupent leur lieu de travail afin d’être régularisés. La police était déjà sur place. Je n’ai pas pu entrer à l’intérieur du bâtiment. Le portail était fermé. Je me suis joint à un groupe qui les soutenait à l’extérieur et j’ai commencé à recueillir des témoignages.

La situation s’est tendue lorsque un responsable du site est sorti du bâtiment et a commencé à enlever, depuis l’intérieur, les drapeaux syndicaux accrochés aux grillages. Les manifestants ont voulu les remettre. J’ai sorti mon téléphone pour filmer la scène et c’est à ce moment qu’un policier en uniforme s’est placé devant moi, et m’a poussé.

Un homme est ensuite arrivé. Il n’était pas reconnaissable, il portait un sweat. Je lui ai demandé où se trouvait son matricule. Il m’a fait reculer et a répondu : « J’ai pas de matricule, et alors ? » Il a continué à avancer vers moi, je reculais, il m’a repoussé sur une quinzaine de mètres avant de me mettre un coup de poing au torse.

Comment avez-vous réagi ? L’avez-vous repoussé ?

Non, mais je me suis énervé, je lui ai dit : « Vous avez pas à faire ça ! » À mes yeux, ce n’était pas un policier, il ne portait aucun signe distinctif, ni brassard ni matricule. Il se permettait d’être au-dessus de la loi. Il y avait juste un homme en sweat qui me frappait et me provoquait. Autour, d’autres policiers se sont regroupés pour m’interpeller. L’homme à sweat m’a alors pris le bras et l’a retourné. Je hurlais de douleur. Il m’a déboité l’épaule gauche puis m’a menotté et plaqué à terre, posant un genou sur ma tête, qui cognait le sol. J’ai encore des hématomes sur le visage. Les policiers m’ont traîné jusqu’à la voiture alors que je leur répétais que je suis journaliste. Un militant, Christian, a tenté de s’interposer, il a été aussitôt interpellé et embarqué.

Quand la voiture de police dans laquelle j’étais a commencé à rouler, l’homme à sweat — je suppose que c’était un policier de la BAC [brigade anticriminalité] — a commencé à me frapper au visage en m’insultant : « Alors, petite salope, tu fais moins le malin quand tu es toute seule ? » « Quand on va arriver au commissariat, je vais te défoncer. »

À aucun moment, je n’ai frappé un policier, ni eu un geste qui pourrait s’apparenter à un coup. Pourtant, au début de la garde à vue, ils ont écrit ce motif dans les chefs d’inculpation. Il a plus tard disparu et il n’est resté que le motif d’« outrage et rébellion » pour lequel je suis convoqué au tribunal en 2020.

« Je faisais juste mon travail de journaliste »

Dans un article du « Parisien », il est écrit que vous vous êtes interposé ?

C’est faux. Je faisais juste mon travail de journaliste. On m’a empêché de filmer et on m’a interpellé.

Comment la garde à vue s’est-elle passée ?

Quand je suis arrivé au commissariat d’Alfortville, des policières ont dit qu’il fallait m’envoyer aux urgences. À l’hôpital Henri-Mondor, les médecins ont constaté mes blessures et m’ont prescrit trois semaines d’arrêt de travail. Les policiers étaient dans la même salle que nous, sans respecter le secret médical. Ils écoutaient ce que les médecins disaient, et transmettaient ce qu’ils entendaient au commissariat.

J’ai ensuite été ramené dans une cellule. Elle était minuscule. J’ai essayé de dormir par terre, mais il faisait froid. Un autre médecin, plus tard au cours de la garde à vue, a constaté mes hématomes au visage et m’a prescrit 10 jours d’arrêt de travail.

Comment s’est passée l’audition devant l’officier de police judiciaire ?

Il était avec d’autres policiers. J’étais avec mon avocat, Me Arié Alimi. Les policiers m’ont posé plus de 70 questions. La plupart n’avaient rien à voir avec l’affaire : « Qu’avez-vous fait comme étude pour devenir journaliste ? », « Comment définiriez-vous votre pratique du journalisme ? » Je leur ai dit que je n’avais aucun compte à leur rendre là-dessus. Ils étaient très agacés et répétaient leur questions : « Avez-vous une animosité contre les forces de l’ordre, si oui pourquoi ? », « Avez-vous quelque chose contre l’État ? », « Où habitez-vous ? « Êtes-vous inscrit sur le bail ? », « Combien payez-vous de loyer ? », « Avez-vous le bac ? », etc. J’ai répondu que je souhaitais garder le silence.

Combien de temps avez-vous passé en garde à vue ?

Environ 24 heures, je suis entré vers 18 h le mardi et suis sorti à 17 h 35 le lendemain. Une heure avant de sortir, on m’a fait monter dans le bureau de l’officier de police judiciaire, où l’on m’a dit que mon téléphone allait être mis sous scellé et envoyé au parquet pour être exploité.

C’est le plus grave pour moi. Ce téléphone est mon outil de travail. C’est celui qui m’a servi à filmer Alexandre Benalla le 1er mai 2018. J’y ai toutes mes correspondances relatives aux sujets sur lesquels je travaille, avec les sources, les interviews de personnes, mes courriels, contacts, images privées. Cela peut mettre en danger beaucoup de sources.

Allez-vous porter plainte ?

On va lancer un recours pour récupérer mon téléphone. Mon avocat a aussi porté plainte pour violence en réunion par des personnes dépositaires de l’autorité publique. On va faire un signalement à l’IGPN [Inspection générale de la police nationale].

Avez-vous reçu des soutiens de la profession et des journalistes ?

Quand je suis sorti de la garde à vue, les seuls journalistes venus par solidarité devant le commissariat étaient des indépendants, l’équipe de Street Press, Gaspard Glanz de Taranis News, les médias des Gilets jaunes, David Dufresne, la rédaction de Là-bas si j’y suis. Mais je n’ai vu aucun média mainstream. Sur les réseaux sociaux, il y a eu quelques communiqués de soutien, notamment du Syndicat national des journalistes et de Hervé Kempf.

J’ai aussi constaté la différence de traitement entre les journaux. L’Humanité a fait un papier et a titré « un journaliste victime de violences policières ». Le Monde, lui, a simplement repris une dépêche de l’AFP avec pour titre « Taha Bouhafs, le journaliste militant convoqué pour outrage et rébellion ».

Êtes-vous journaliste militant ?

Je suis journaliste, pas journaliste militant. Je peux être militant dans ma vie de tous les jours, ailleurs que dans mon boulot, mais quand je suis journaliste, je suis journaliste.

Je sais ce que cache l’utilisation du mot « militant » dans ce contexte. Ça veut dire que je suis journaliste, mais pas trop quand même… D’ailleurs, je ne vois pas en quoi je serais plus militant qu’un journaliste du Point ou de BFM TV, ou que Christophe Barbier !

                                                         _______________________

Une vingtaine de rédactions expriment leur solidarité avec le journaliste Taha Bouhafs, du site d’informations Là-bas si j’y suis, interpellé lors d’un reportage. Nous dénonçons une nouvelle atteinte à la liberté d’informer. Nous ne pouvons tolérer d’être régulièrement pris pour cibles par les forces de l’ordre dans le cadre de l’exercice de notre métier.

Le texte est signé par les sociétés des journalistes, sociétés des rédacteurs et du personnel de :  Les sociétés des journalistes, des rédacteurs et/ou des personnels de l’AFP, Arte, BFM-TV, Courrier international, Les Échos, L’Express, France Culture, Franceinfo.fr, France 24, L’Humanité, Le Journal du dimancheLibération, Mediapart, Le Média, Le Monde, L’Obs, Paris Match, Reporterre, Sud OuestTélérama, TV5 Monde et la rédaction des Jours.

Source https://reporterre.net/Taha-Bouhafs-Je-ne-suis-pas-plus-militant-qu-un-journaliste-du-Point-ou-de-BFM

Criminalisation italienne des sauvetages en mer ?

Sauvetages de migrants en Méditerranée : la capitaine Pia Klemp risque 20 ans de prison en Italie

Pia Klemp, l’ancienne capitaine allemande des navires de sauvetage de migrants Iuventa, puis Sea Watch-3, est accusée par la justice italienne de « suspicion d’aide et de complicité à l’immigration illégale ». Alors que son procès a lieu en ce moment en Italie, se pose la question de la judiciarisation du sauvetage des migrants.

Pia Klemp, ancienne capitaine des navires Iuventa et Sea Watch-3 est jugée en Italie pour des soupçons d’aide et complicité d’immigration illégale. Cette ancienne « matelot de pont » a commencé sa carrière il y a six ans à bord du navire Iuventa (appartenant à une autre ONG humanitaire de sauvetage de migrants, Jugend Rettet), et gravi les échelons pour en devenir capitaine.

C’est d’ailleurs en août 2017 que les autorités italiennes confisquent le navire Iuventa commandé par cette humanitaire de 35 ans, au large de Lampedusa. Les ordinateurs et les téléphones portables qui étaient à bord sont saisis. Une enquête était en cours depuis 2016. 

Les droits de l’homme ne sont pas seulement pour notre bénéfice personnel. C’est une obligation. Si les droits de l’homme ne s’appliquent pas à tous, ils ne s’appliquent à personne.Déclaration de Pia Klemp, capitaine du Iuventa et du Sea Watch, humanitaire allemande jugée en Italie, sur le journal en ligne ze.tt

La décision de justice de pouvoir lire les contenus des appareils du Iuventa — repoussée plusieurs fois — est finalement prise en mai 2018 par le procureur sicilien ayant ordonné la saisie, Ambrogio Cartosio.

D’après les dossiers auxquels Pia Klemp a eu accès par son avocat (comme le relate le journal en ligne ze.tt le 30 mars 2019), ce sont au moins quatre autorités d’enquête italiennes différentes qui ont travaillé contre elle et son équipage, dont les services secrets italiens. Le plus inquiétant reste que son navire a été mis sur écoute, tout comme les téléphones et les ordinateurs portables de l’équipage, le tout doublé d’une surveillance opérée par des informateurs présents sur d’autres navires.

Le gouvernement ayant autorisé ces surveillances est celui de Paolo Gentiloni, le successeur de Matteo Renzi du Parti démocrate, deux ans avant l’arrivée au pouvoir de l’alliance entre la Ligue et le parti 5 étoiles.

L’enquête qui a mené au procès actuel doit donc déterminer si la capitaine Pia Klemp aurait « collaboré » avec des passeurs libyens afin de sauver les migrants perdus en mer grâce à son bateau : cette « complicité », si elle était démontrée par la justice italienne, transformerait le statut de l’ex-capitaine du Sea Watch « d’humanitaire sauveteuse de milliers de personnes en mer » à « complice d’immigration illégale ». L’avocat italien de Pia Klemp a prévenu sa cliente qu’elle risquait 20 ans de prison. Les soutiens à Pia Klemp fleurissent sur les réseaux, à l’instar de ce tweet : 

Criminalisation italienne des sauvetages en mer ?

Le Sea Watch-3 — que Pia Klemp ne peut plus commander par crainte d’une arrestation préventive — a été immobilisé en Italie  le 20 mai dernier pour avoir secouru des migrants au large de la Libye.

Il a pu néanmoins repartir une nouvelle fois en mer, sur ordre de la justice italienne ce 1er juin 2019. L’ONG allemande qui possède le navire a tweeté sa satisfaction à propos de cette décision, plus qu’inattendue dans le contexte actuel : 

« Le Sea-Watch 3 est libre ! Nous avons reçu une notification formelle sur la libération du navire saisi et son retour aux opérations.« 

Ce nouveau « blocage » puis « déblocage » judiciaire du Sea Watch-3 est la continuation d’une politique italienne tendant à criminaliser les sauvetages de migrants par les ONG au large de la Libye, en les accusant de complicité avec les passeurs et dont Pia Klemp fait les frais aujourd’hui.

Cette dernière opération du Sea Watch-3 a permis de sauver 67 migrants en détresse, ramenés par le navire sur l’île de Lampedusa, contournant ainsi la politique de Matteo Salvini de « fermeture des ports ». Le ministre de l’Intérieur italien n’a d’ailleurs pas mâché ses mots sur cette opération au moment du débarquement des migrants, après avoir demandé la saisie du navire et l’arrestation du capitaine :  

Salvini : « Un navire a été saisi, alors j’avais peut-être raison. Ils ont aidé des trafiquants d’êtres humains et j’espère que le capitaine de ce navire sera arrêté.« 

Les propos de Matteo Salvini souhaitant l’arrestation du capitaine du Sea Watch-3, font écho à ceux sur la complicité des ONG avec les passeurs « dans certains cas » de Christophe Castaner qui avaient fait polémique en France, et dont il s’était expliqué sur Twitter :  

Dix jours avant le blocage du Sea Watch-3, Matteo Salvini avait quant à lui présenté un nouveau projet de loi anti-immigration . Parmi les mesures de cette loi, la possibilité de sanctionner financièrement les navires qui portent assistance aux migrants par une amende de 3 500 à 5 500 euros avait été mise en avant.

Que dit le droit en matière de secours en mer ?

Le droit maritime international est très précis : La Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer prévoit qu’un capitaine de navire qui reçoit un message de détresse doit porter secours aux personnes concernées. « Par personne en détresse, on entend toute personne qui risque la noyade et nécessite en urgence un sauvetage en mer », explique Patrick Chaumette, professeur de droit à l’Université de Nantes.

Europe : renvoyer les migrant(e)s au viol et à la torture en Libye

La bataille judiciaire à l’encontre de Pia Klemp est parallèle au changement de politique européenne face au drame des traversées clandestines de Libye vers l’Italie, faites d’embarcations pleines à craquer de femmes, d’enfants et d’hommes en détresse. Désormais le Conseil de l’Europe prône une collaboration avec les autorités libyennes. L’Union européenne a annoncé il y a trois mois qu’elle mènerait désormais l’opération navale « Sophia » (EUNAVFOR Med, lancée en 2015)… sans navires et qu’elle « n’observerait la mer que depuis les airs ». L’Allemagne a d’ailleurs stoppé la mise à disposition de navires pour cette opération.

L’objectif affiché de l’UE en 2019 est de « démanteler le modèle économique des passeurs et des trafiquants d’êtres humains dans la partie sud de la Méditerranée centrale. L’opération remplit également des tâches de soutien. Elle forme la marine et les garde-côtes libyens et contrôle l’efficacité de la formation sur le long terme; elle contribue à la mise en œuvre, en haute mer, au large des côtes libyennes, de l’embargo des Nations unies sur les armes. » 

Aujourd’hui, les gardes-côtes libyens patrouillent donc en Méditerranée et ramènent les bateaux de migrants en Libye, soutenus dans cette action par l’opération « Sophia », ce que dénonce Pia Klemp, qui n’accepte pas que les droits de l’Homme soient devenus des droits « à sens unique ». « Les droits de l’Homme ne sont pas seulement pour notre bénéfice personnel. C’est une obligation. Si les droits de l’Homme ne s’appliquent pas à tous, ils ne s’appliquent à personne.« 

Il est en effet avéré que s’il y a moins de traversées depuis la mise en place de cette nouvelle politique de retour en Libye, les agressions brutales, la torture et les violences sexuelles contre les migrants ont augmenté dans une proportion dramatique dans ce pays, comme le souligne une étude publiée par une ONG basée à New York, la Women’s Refugee Commission (WRC, Commission des femmes réfugiées).

L’étude a révélé que les violences sexuelles perpétrées contre des migrants et des réfugiés le long de la route méditerranéenne incluent la torture sexuelle, la violence génitale et la castration, et contraignent des hommes et des garçons à violer autrui – y compris des membres de la famille et des cadavres – ainsi que des violences sexuelles meurtrières.

Humanitaires contre politique migratoire

Pia Klemp a témoigné il y a peu à une réunion d’ONG au Parlement européen. L’humanitaire a alors raconté une expérience en mer où elle a dû naviguer pendant des jours dans les eaux internationales avec un petit garçon de deux ans, mort et « entreposé » dans la chambre froide du navire, parce qu’aucun pays européen n’avait accepté de laisser entrer son bateau.
La mère du garçon était aussi à bord, vivante. Pia Klemp a alors posé cette question à la fin de son témoignage : « Que dois-je dire à une femme traumatisée dont l’enfant mort gît dans mon réfrigérateur, au sujet de l’UE, lauréate du prix Nobel de la paix ? ». Cette question pourrait être reposée par l’humanitaire, lors de son procès en Italie.

Les accusations de « trafic humain » à l’encontre des ONG en Méditerranée ont débuté avant même la judiciarisation du cas de Pia Klemp, par la voix d’un autre magistrat, le procureur italien Carmelo Zuccaro. Celui-ci avait en effet lancé le premier dans le quotidien La Stampa début 2017 des interrogations sur une « concentration anormale de navires en Méditerranée » et soupçonné certaines ONG de nouer des contacts avec des « trafiquants d’êtres humains », après avoir ouvert une enquête sur les activités des ONG en mer « pour comprendre comment elles se financent et dans quel but. »

Le procureur Ambrogio Cartosi,  à l’époque de la saisie du Iuventa, avait quant à lui expliqué que des membres d’équipage du Iuventa étaient soupçonnés d’avoir « pris à bord à plusieurs reprises des migrants sur des canots pneumatiques amenés directement par des trafiquants« , et que « dans un cas, les passeurs étaient même arrivés à la rencontre du Iuventa avec une vedette des gardes-côtes libyens« . Mais il avait confessé ensuite que cette pratique, bien que « fréquente », l’était pour « des motifs purement humanitaires ».  L’ONG avait malgré tout nié ces accusations

Une pétition pour soutenir Pia Klemp a été ouverte en ligne il y a une semaine, des récoltes de fonds sont en cours pour l’aider à payer des frais de justice pour son procès, qui pourrait durer des années et coûter des centaines de milliers d’euros.
Des accusations aux preuves, le pas n’est pas encore franchi, mais si Pia Klemp est condamnée, une question importante se pose : quelle image donnerait alors l’Europe au reste du monde dans le cadre de sa politique de défense des droits de l’Homme ? 

Publication vidéo de Pia Klemp pour la promotion de l’ONG Iuventa le 24 mai 2019 :

https://www.facebook.com/iuventa10/videos/597284144079176/

Source https://information.tv5monde.com/info/sauvetages-de-migrants-en-mediterranee-la-capitaine-pia-klemp-risque-20-ans-de-prison-en-italie

Translate »