VIOME, 6 ans déjà !

Ce week end des 23-24 février c’était le sixième anniversaire de l’usine autogéré de Thessalonique VIOME.

Samedi matin il y a eu un marché des producteurs ; un stand des produits de VIOME avec notamment la nouvelle gamme de produits de nettoyage . L’après midi a été consacré à une réunion nationale des comités de solidarité de VIOME, puis un concert a eu lieu avec une ambiance très festive.

Dimanche, à nouveau un marché des producteurs le matin et à 14h un débat avec les étudiants de l’Université Aristote de Thessalonique et le projet de création d’un four à l’usine.
À 16h de la musique et des danses grecques et bien sûr le gâteau d’anniversaire !
Expos, photos, graffitis et fresques, cuisine végétarienne , infos sur le Mouvement zapatiste, etc…
Les nouveaux produits de VIOME ont été présentés et mis en vente.

Manifeste : Médicament un bien commun

Pour un monde de solidarité, de coopération, de fraternité et de liberté

Nous proposons à tous les acteurs et usagers du secteur de la santé, à se mobiliser pour l’appropriation sociale et publique de la chaine du médicament.

Il est nécessaire et urgent de faire valoir les valeurs de solidarité et d’universalité au fondement de nos systèmes de santé. Il faut donc arracher le pouvoir de décisions à une infime minorité d’humains, actionnaires et décisionnaires, pour obtenir une réponse réelle aux besoins de milliards d’humains

Pour une appropriation sociale du médicament
Manifeste

Nous affirmons :

  • La santé est un droit universel : les Etats, les pouvoirs publics, tous les acteurs agissant dans le domaine de la santé, doivent garantir un égal accès de toutes et tous aux soins et traitements de qualité.
  • L’accès aux médicaments est un droit de la personne fondé sur le droit inaliénable aux soins.
  • L’égalité d’accès aux médicaments est une condition indispensable à la jouissance du droit à la santé. En ce sens, le médicament est un bien commun de l’humanité, sous condition d’une appropriation collective et démocratique des peuples, dans chaque pays et à l’échelle planétaire.
  • La nécessité de supprimer la notion de propriété privée et de monopole des droits de propriété intellectuelle sur les médicaments attribués par les brevets d’invention.
  • Vouloir rompre avec la logique de la rentabilité financière pour donner la primauté à la protection de la santé publique.
  • Le principe d’une santé publique et environnementale à l’échelle planétaire, la création d’un nouvel écosystème, la refondation des coopérations internationales et la mise en place d’une sécurité sociale à vocation universelle

Contexte : La production des médicaments, analysée comme une production de marchandises,ne répond pas aux besoins des populations :

Le marché mondial du médicament représente un chiffre d’affaire dépassant les 1000 milliards d’Euros avec une rentabilité de 20%, le plus rentable du capitalisme, donnant aux industries pharmaceutiques un pouvoir considérable dans le secteur économique.Considérant le médicament comme un simple bien marchand, les industries pharmaceutiques dépensent plus en frais de commercialisation, marketing, lobbying qu’en Recherche & Développement (R&D) tout en justifiant les prix de vente par le coût de la R&D.

Sous prétexte de traitements innovants, un jeu de dupes s’établit entre les gouvernants, les décideurs de la santé et les dirigeants des multinationales du médicament qui obtiennent que leur soient payées au prix fort des molécules au service médical parfois modeste. Ils ponctionnent ainsi partout dans le monde les systèmes de prévoyance et les fonds publics comme celui de la Sécurité Sociale en France. Au mépris de la santé publique,et dans un manque total de transparence, les groupes pharmaceutiques s’assurent ainsi une source de profits confortables, à la grande satisfaction des actionnaires.

L’industrie pharmaceutique, propriétaire des brevets de molécules championnes dela profitabilité, les blockbusters, a exploité à son maximum cette politique pour dominer le marché, générant des milliards de dollars. Au point de saturer par des molécules équivalentes certains domaines thérapeutiques alors que d’autres fondamentaux sont délaissés. A la recherche de nouvelles stratégies, les Big Pharma externalisent d’une part leur recherche vers les laboratoires publics ou de petites sociétés, et d’autre part, se réorientent vers le développement de produits biologiques, plus difficiles à copier, leur permettant ainsi d’exiger des prix exorbitants. Ces nouvelles thérapeutiques ne pourront bénéficier qu’aux marchés solvables. Cette logique commerciale oriente la recherche de manière discriminée conduisant à l’arrêt des recherches dans plusieurs axes thérapeutiques essentiels.

L’application du système juridique des brevets aux médicaments donne un pouvoir discrétionnaire aux multinationales pour fixer les prix de vente. Le médicament est soumis au droit commun des produits brevetables. Sous l’argument d’inciter l’investissement en R&D dans les secteurs privés, l’application du système juridique des brevets aux médicaments préserve les firmes pharmaceutiques de toute concurrence durant les 20 années d’exclusivité. Depuis les années 1980, à l’instigation des grandes entreprises pharmaceutiques, les droits de la propriété intellectuelle sur les médicaments ne cessent d’être renforcés. Ainsi, sous l’égide de l’OMC, les accords sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC – Marrakech, 1994) fixent un modèle d’exploitation agressif de la propriété intellectuelle à l’échelle internationale, aggravé par les dispositions ADPIC+. Enfin sous couvert de développement de thérapies géniques et via les partenariats public-privé, les entreprises privées ont obtenu l’exploitation des titres de propriété intellectuelle sur les résultats de la recherche publique universitaire, leur permettant ainsi d’étendre la brevetabilité au domaine du vivant ((Bay-Dole-Act ; US : 1980 – Europe : au cours des années 1990). C’est souvent le cas des thérapies ciblées dans le traitement des cancers (en fonction des caractéristiques génétiques), dont les prix sont tellement faramineux que seules des populations étroites ayant les moyens financiers pourront en bénéficier. Le prix de vente des médicaments, les marges qui en sont issues, ne s’expliquent que par l’application des brevets et le monopole qui en découle. La principale conséquence est d’avoir rendu difficile voire impossible l’accès de populations entières aux médicaments.

Ce que nous voulons :

  • L’accessibilité universelle aux soins de santé et aux médicaments. Les autorités publiques doivent garantir ce droit selon les critères d’égalité, de qualité et de sécurité, ce qui implique une politique publique de santé, des services publics et des budgets de recherche à la hauteur des besoins.
  • Refuser la marchandisation des soins de santé dont les médicaments pour que les objectifs de santé publique ne soient plus dominés par le consumérisme des produits pharmaceutiques. Les médicaments essentiels lorsqu’ils sont « disponibles,économiquement abordables, de bonne qualité et bien utilisés » permettent de répondre aux besoins prioritaires de la population en matière de santé.
  • Refuser l’utilisation de population comme cobayes humains, contre nourriture ou toute autre rétribution, pour l’expérimentation de nouvelles molécules.
  • La sortie des stratégies de l’industrie pharmaceutique qui ont pour objectif la profitabilité du capital et exercent de fortes pressions sur les politiques publiques de santé. Pour ce faire,doivent se mettre en place de nouveaux modèles de R&D, de production et de distribution de produits de qualité, contrôlés par les citoyens.
  • Libérer et promouvoir la recherche : L’organisation et les orientations de recherche fondamentale doivent être libres de toute contrainte et ne pas être assujetties aux visées financières des firmes pharmaceutiques. L’utilisation des résultats de la recherche et le développement des innovations pouvant conduire à des améliorations thérapeutiques doivent être définies en fonction des besoins de santé publique de la population mondiale,dans l’intérêt général et sous maitrise citoyenne. Les coopérations internationales doivent être encouragées et les financements publics fournis à la hauteur nécessaire. Les résultats,au fur et à mesure de nouvelles découvertes ou innovations, doivent être rendus publics afin que le fond de connaissances scientifiques du monde soit enrichi et les savoirs partagés.
  • Refonder la législation internationale en matière de propriété intellectuelle et industrielle appliquée aux médicaments, sur la base de la primauté de la santé publique.

o Le système des brevets sur les médicaments doit être abrogé. Les dérogations obtenues par certains pays permettant de contourner les brevets (licence obligatoires), ont certes fait temporairement reculer les firmes aux exigences exorbitantes, mais sans régler le problème sur le fond et le long terme.

o Dénoncer les Accords sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) et les dispositions ADPIC+ qui font perdre toute latitude en matière de politique de santé publique aux pays en voie de développement, et limitent celle des pays développés potentiellement producteurs.

o Le système des brevets sur les médicaments doit être abrogé. Les dérogations obtenues par certains pays permettant de contourner les brevets (licence obligatoires), ont certes fait temporairement reculer les firmes aux exigences exorbitantes, mais sans régler le problème sur le fond et le long terme.

o Dénoncer les Accords sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) et les dispositions ADPIC+ qui font perdre toute latitude en matière de politique de santé publique aux pays en voie de développement, et limitent celle des pays développés potentiellement producteurs.

o Revenir sur la directive Européenne 98/44 relative à la brevetabilité des séquences génétiques et des organismes contenant des entités brevetables.

Nous proposons à tous les acteurs et usagers du secteur de la santé, à se mobiliser pour l’appropriation

Pour signer http://medicament-bien-commun.org/

L’action du FMI dans la crise de la dette grecque

 25 février par Pierre Pénet

Athènes, le 5 mai 2010 (CC – Flickr – Nikos Roussos)

Cet article analyse comment les gouvernements européens se sont employés à « tordre » les chiffres produits par le Fonds Monétaire International (FMI) afin de permettre la certification des politiques austéritaires durant la crise de la dette européenne. Le cas traité est celui du programme d’austérité en Grèce. Trois résultats sont mis en évidence.

- Cet article montre qu’en 2010 les économistes du Fonds du FMI ont proposé une restructuration de la dette grecque car ils avaient de sérieux doutes sur les chances de succès de l’austérité. Face au refus des pays européens de restructurer la dette grecque, les experts du FMI ont été contraints d’ignorer les risques de l’austérité sur l’économie grecque.

- Sur la base de données inédites, cet article identifie dans les rapports d’expertise du FMI plusieurs paragraphes copiés-collés à partir des rapports de la Commission Européenne. Ce plagiat institutionnel a permis au FMI d’effacer les doutes que ses experts entretenaient vis-à-vis de l’austérité et de mettre en scène un consensus public avec les institutions européennes.

- Plus généralement, le plan d’austérité en Grèce n’a pas été conçu pour « réussir » d’un point de vue économique : son véritable objectif était de combler des procédures décisionnelles défaillantes et de permettre la survie de l’Eurozone. De ce point de vue, l’application généralisée de l’austérité à l’échelle continentale ne procède pas simplement d’une préférence idéologique pour les coupes budgétaires mais découle surtout des contraintes institutionnelles européennes qui découragent des types alternatifs d’action publique comme la relance budgétaire et la mise sous contrôle des banques, des outils appliqués aux États-Unis après 2008).

Ici le lien libre d’accès vers l’article en anglais : https://www.researchgate.net/publication/328124673_The_IMF_failure_that_wasn’t_risk_ignorance_during_the_European_debt_crisis

Auteur.e Pierre Pénet Chercheur senior FNS Université de Genève | Institut d’histoire économique Paul Bairoch

Source http://www.cadtm.org/L-action-du-FMI-dans-la-crise-de-la-dette-grecque

Appel urgent convoi solidaire de février pour la Grèce

Si vous n’avez pas pu vous présenter le 6/2, lors de la permanence assurée par Nicolas le chauffeur du camion Savoyard pour le prochain convoi solidaire pour la Grèce de février, vous pouvez toujours apporter une contribution financière .

La collecte pour les 27 fourgons conduits et accompagnés par 65 militants de France, Suisse et Belgique a été extraordinairement fructueuse en jouets, fournitures scolaires, outils numériques et matériel médical. Les fourgons sont tous pleins en revanche cette collecte a été beaucoup plus pauvre que d’habitude en nourriture (adulte et enfant), produits ménagers et hygiène.

Les réserves de lieux autogérés sont vides aussi nous rappelons ici les modalités de participations financières de préférence par virement :

IBAN d’ANEPOS
FR46 2004 1010 1610 8545 7L03 730
BIC : PSSTFRPPTOU
Merci de mentionner en objet du virement :  Action Solidarité Grèce

Mais vous pouvez aussi établir un chèque à l’ordre d’ANEPOS et l’envoyer à ANEPOS « Action Solidarité Grèce » BP10 81540 Sorèze .

La violence systémique du capitalisme néolibéral

Violences : « Comparer des voitures brûlées avec les ravages du néolibéralisme depuis 40 ans est absurde »

Les images de violence « ne résument en rien le mouvement actuel », estime l’historien François Cusset, auteur d’un livre sur « le déchainement du monde, logique nouvelle de la violence », publié au printemps dernier. Pourtant, nombre de commentateurs indignés tentent bien de réduire la mobilisation des gilets jaunes aux seules images de dégradations et d’affrontements. Et passent sous silence d’autres violences, celles « du temps ordinaire » que décrit l’historien dans son livre : contagion sociale du stress, précarité, violences contre l’environnement, oppressions sexistes… « Jamais le système économique actuel ne s’est autant accommodé de la violence », dit-il. Entretien.

Basta ! : Une nouvelle loi anti-casseurs adoptée en vitesse, une profusion de commentaires s’indignant de la violence des manifestations sur les plateaux télés, et même un défilé, celui des « foulards rouges », dont le mot d’ordre est « stop à la violence »… Que vous inspire cette focalisation sur la violence du mouvement des gilets jaunes qui en arrive à son troisième mois de mobilisations ?

François Cusset [1] : La violence est avant tout celle que subissent les gilets jaunes : non seulement de la police, avec 300 blessés graves en trois mois, mais aussi des bons bourgeois et des nouvelles lois liberticides. Le rôle désormais central de l’image permet de réduire un mouvement social à ses exactions, ou à sa défense active, aux dépens de ses autres aspects. Les images des détériorations, de l’Arc de triomphe à Paris par exemple, et celles des visages tuméfiés des manifestants après l’usage d’armes par la police circulent plus facilement, mais elles ne résument en rien le mouvement actuel.

Et n’oublions pas que certaines dégradations sur la voie publique, comme les vitrines d’agences bancaires cassées ou les barricades érigées dans les quartiers chics de la capitale, ont un sens plus politique. En ne retenant que ces images, on ne fait plus la différence, et on rabat la résistance sociale sur le nihilisme ou la brutalité d’État : ce n’est pas du tout la même chose. Les dégradations de l’Arc de triomphe relèvent du défi, du vandalisme bravache. Les barricades sur la voie publique sont plus proches de l’action d’autodéfense collective.

La question de la violence n’est pas un thème en soi. Nous sommes face à diverses formes, complémentaires, d’expression de la contestation. La voiture brûlée ou le cordon policier défié font partie d’une panoplie d’ensemble, qui va de l’indocilité à la mise en œuvre d’alternatives collectives en marge de la société, en passant par la subversion depuis l’intérieur du système économique. Et, tout simplement, comparer quelques voitures de sport enflammées et des abribus brisés avec les ravages systématiques du néolibéralisme dans les vies depuis 40 ans est absurde. Une telle violence systémique engendre mécaniquement une contre-violence réactive, dérisoire dans ses moyens mais photogénique. Pour l’essentiel, cette violence s’exprime sur des objets ou des façades.

Dans l’expression du mouvement, l’occupation de certains lieux, des rond-points à l’Ouest parisien, qui concentre de nombreux lieux de pouvoir politiques et économiques, a été l’un des modes d’action privilégié. Comment l’analysez-vous ?

La contestation, en 25 ans, est passée du social au territorial. Les logiques de classe et les identités politiques sont brouillées. Elles sont donc remplacées par un enjeu d’occupation territoriale, comme lors du mouvement Occupy Wall Street aux États-Unis ou les occupations de place en Europe – en Grèce et en Espagne – et dans le monde arabe. Sur les ruines des mots d’ordre politique antérieurs, en crise, il s’agit pour les manifestants de recréer du commun : soit dans des territoires abandonnés par le pouvoir – c’est le cas dans certains quartiers populaires d’Athènes ; soit dans des lieux qui incarnent symboliquement l’opulence, où il est logique de venir braver le pouvoir, comme sur les Champs-Élysées et ses environs ; ou encore dans des endroits qui sont des sites de résistance, comme les « zones à défendre » (ZAD). A Notre-Dame-des-Landes, nous avons assisté à une autre forme d’occupation du terrain, avec des personnes qui s’approprient et cultivent un lopin de terre, se battent pour un territoire sur lequel elles expérimentent des formes d’existence collective.

Avec les gilets jaunes, le défi territorial est sans précédent : jamais les beaux quartiers de Paris n’avaient été occupés par une foule aussi longtemps et de manière aussi répétitive, même pendant les épisodes révolutionnaires. Dès le début de la Commune [du 26 mars au 28 mai 1871, ndlr], l’ouest parisien avait été repris par les « Versaillais ». Cette occupation répétée au fil des « Actes » et des semaines comporte une dimension symbolique – aller sous les fenêtres du pouvoir et de ses lieux – et une signification politique : quand on estime n’avoir plus rien à perdre et personne à qui confier sa représentation – ni parti, ni organisation, ni institution –, le défi est d’aller occuper assez longtemps le terrain adverse pour qu’il se passe quelque chose. Relever ce défi suppose de nouer un lien collectif sur place et de poser ensemble la question du commun : la question de ce que l’on fait là, tous, à cet endroit précis.

La première victoire des gilets jaunes n’est-elle pas de rendre visible, au moins temporairement, la violence économique et sociale que subissent nombre de personnes ?

C’est l’aspect incontestablement le plus fécond du mouvement. C’est aussi son ferment révolutionnaire. Il a rendu visible les dégâts sociaux du capitalisme, la paupérisation, la souffrance, et créé sur cette base du commun. Il démontre en actes que cette guerre sociale peut être un socle collectif, le point de départ d’un combat plus solide et ancré, que les motifs antérieurs de lutte, davantage liés à des options partisanes ou à des identités précises à défendre. Celles-ci n’ont pas disparu. Elles sont – en partie – suspendues, mises sous silence, au moment de rejoindre l’endroit où l’on va manifester : dans les cortèges, on aperçoit peu de drapeaux, aucun signe d’affiliation politique.

La présence de l’extrême-droite suscite pourtant l’inquiétude…

En regardant en détail les accoutrements, on peut repérer dans la foule des militants d’extrême-droite. Et puis certains fascistes attaquent des groupes d’extrême-gauche. Mais dans l’ensemble c’est un mouvement dont la composante déjà politisée, qui semble minoritaire, a choisi de taire sa provenance politique, parce que la majorité l’exige : si vous êtes avec nous c’est sans récupérer notre mouvement. Les gilets jaunes musulmans, hélas trop rares, comme les gilets jaunes islamophobes, laissent en quelque sorte au vestiaire leur appartenance politique ou religieuse pour rejoindre le mouvement, le temps d’un samedi.

Cette suspension tactique des identités intervient pourtant dans un monde très identitaire – par la politique, la religion, la nation, l’origine. Mais la pregnance du contexte, l’élan des circonstances sont si forts qu’ils relèguent au second plan les identités antérieures, et constituent un peuple capable de coordonner son action pour affronter le pouvoir. La suspension de ces appartenances fait la puissance du mouvement, mais ne règle pas tout : la suspension des identités ne fait pas une nouvelle identité. Elle est aussi une limite.

Si les identités politiques ou syndicales sont suspendues le temps du mouvement, dans quelle héritage historique s’inscrit-il ?

La référence explicite et spontanée, dans les discussions du samedi, à des épisodes révolutionnaires antérieurs – 1789, 1848, Mai 68 – exprime la raison qui les guide : face à une injustice sociale sans précédent, nous n’avons rien à perdre et le pouvoir va finir par céder. On a parfois l’impression d’un clin d’œil aux ancêtres, d’une sorte de connivence historique avec leurs homologues d’il y a deux siècles. Qu’ils aient à l’époque pu révoquer puis guillotiner un roi sous-tend la foi des gilets jaunes : tant que nous tiendrons le pavé ensemble, nous avons une chance que le pouvoir cède.

Le contexte politique bien sûr n’est plus le même. Nous vivons aujourd’hui dans un système politique et institutionnel entièrement bloqué par un chantage moral, qui est en réalité idéologique : soit le libéralisme autoritaire et l’austérité bruxelloise, la ploutocratie sans espoir, soit le 3ème Reich à la française, ou la rafle du Vel d’Hiv. Du moins tel qu’a été présenté le deuxième tour de la dernière présidentielle. Le système est figé dans cette alternative, imposée comme le seul choix effectif.

La « contre-violence » des gilets jaunes répond, dîtes-vous, à la violence systémique du néolibéralisme… Pourquoi celle-ci paraît-elle presque invisible dans le débat public ?

Le terme violence est trompeur, il évoque le déclenchement d’un coup : une violence vient soudain briser le temps ordinaire. Or, la violence systémique du capitalisme néolibéral est à ce point présente dans les normes et les lois, les inconscients ou les courtoisies de façade, qu’elle en devient ordinaire, structurelle : le stress, la dépression, la haine de soi, la rivalité, la tension sociale, la pollution et la destruction de la vie.

Attention cependant à ne pas sombrer dans le simplisme mono-causal : ces « violences-monde », comme je les appelle, n’ont pas une cause unique, mais des causes multiples et parfois ancestrales, comme pour les violences sexistes et sexuelles. Les violences environnementales, inter-ethniques ou encore sexuelles ne sont pas des objectifs directs et conscients du système économique. Il s’en accommode, voire cherche à en tirer profit, à faire son miel des autres violences – comme le disait Naomi Klein du « capitalisme du désastre » et de sa « stratégie du choc ».

C’est à dire ?

Une catastrophe environnementale ou un attentat terroriste ne sont pas provoqués sciemment par « le système », évidemment. Mais une fois que le désastre a lieu, le système économique se saisit de l’aubaine pour imposer un « ajustement structurel » [des privatisations, des coupes budgétaires, des baisses de salaires, une réforme néolibérale des retraites ou des protections sociales, etc., ndlr]. Il est plus facile d’imposer un cran supplémentaire de paupérisation, de paranoïa sécuritaire ou d’objectif de rendement après un tremblement de terre ou un krach boursier qu’après une élection. La violence est au cœur de la genèse historique du capitalisme, elle n’est pas seulement un heureux accident, elle est aussi une origine sans cesse reconduite : le capitalisme moderne est né, il y a un demi-millénaire, de la traite négrière et de la colonisation.

On a voulu nous faire croire que le commerce adoucissait les mœurs. Le plus souvent, c’est la violence qui le stimule. On a oublié qu’en quatre années de mobilisation dans la deuxième guerre mondiale, entre 1941 et 1945, les États-Unis ont doublé leur PIB. Il faut se défaire de l’idée que la violence est une exception au sein du système économique. Jamais le système économique actuel ne s’est autant accommodé de ces violences ou en a été aussi directement partie prenante. Augmenter les rendements nécessitera toujours d’augmenter les contraintes, donc la violence.

Qu’a changé le tournant « néolibéral » dans la manière de ressentir et de subir cette violence ?

Entre le début des années 1970 et la fin des années 1980, le système économique dominant évolue. C’est d’abord l’extension à toute la planète de ce régime économique, et à toute l’existence de la valeur marchande. C’est aussi le déclin, voire la destruction, des gardes-fous qu’avait inventés ou laissés se développer le capitalisme et qui compensaient sa dureté : l’État providence, notamment, dont la période de gloire se situe après la seconde guerre mondiale, avec ses systèmes éducatifs et de protections sociales universels et accessibles. La privatisation en cours de ces systèmes, ou l’introduction dans leur fonctionnement d’une logique exclusivement comptable, le retrait de l’État d’autres missions, mettent fin à ces gardes-fous. Ce qu’on peut appeler la radicalisation du capitalisme consiste dans le règne sans partage de ses dogmes et dans la disparition de ces contrepoids. Nous payons aujourd’hui le prix très lourd d’une telle évolution.

Dans les autres formes de violences, quasi invisibles médiatiquement, vous évoquez la « violence évaluatrice » et « la contagion sociale du stress », en particulier dans le monde du travail. Comment s’exerce-t-elle ?

La violence évaluatrice est une violence du temps ordinaire : elle ne fait pas exception, elle ne laisse pas de traces, ni trauma, ni effusion de sang. Beaucoup d’évaluations, prises isolément, ont une raison d’être, pour l’évolution de carrière, le bilan de santé, etc. Le problème est la démultiplication de ces évaluations, leur flicage inutile et pesant, le fait qu’elles structurent notre vie quotidienne, de la naissance à la mort. Nous sommes évalués de l’école maternelle jusqu’à la retraite ; évalués par le bulletin scolaire, pour trouver du travail, pour mériter le chômage, pour que la police et la justice s’assurent de notre vertu. Notre état de santé est évalué constamment par les assurances…

Il existe aussi une auto – et une inter – évaluation permanente, parfois anxiogène parfois divertissante, pour laquelle les réseaux sociaux jouent un rôle essentiel, avec le recueil de données sur nos comportements qui sont ensuite commercialisées. Le terme d’évaluation fait partie de ce langage châtié qui permet de voiler la violence du geste. Or, l’évaluation permanente est un processus de destruction de l’autonomie, pour l’évalué comme pour l’évaluateur : c’est de l’extérieur, contre l’intéressé, qu’on va désormais définir la valeur de quelqu’un.

Comment digérer ou extérioriser ces « violences monde » et « cette violence du temps ordinaire » que vous décrivez dans votre livre ? Comment la réguler ?

On pourrait réduire le rapport à la violence de chaque sujet à un double flux de violence « entrante », ce qui fait violence à quelqu’un, et de violence « sortante », ce que cette personne fait de cette violence et la manière dont elle l’extériorise, la sublime, la compense – ou juste la « gère », comme disent les jeunes. Car cette extériorisation se fait, depuis toujours, selon deux modes principaux. Par la culture et la sublimation d’abord, qui permettent de renvoyer vers l’extérieur (fiction, spectacle) les passions et les violences subies par nous-mêmes, pour nous en soulager, comme le font le cinéma, les séries télé, le théâtre, mais aussi le sport qui accomplit une catharsis énergétique et physique. Mais une autre manière de l’extérioriser consiste à en transférer la responsabilité, à imputer à un groupe donné le mal que nous subissons : de l’employé malmené qui va se défouler sur son épouse, jusqu’au transfert vers des boucs-émissaires raciaux ou religieux. La liste des bouc-émissaires historiques est longue : les juifs, les musulmans, les roms, les homosexuels, les bobos, les États-Unis, les Chinois…

Nous vivons une crise simultanée de ces deux formes de régulation de la violence. La catharsis culturelle est rendue difficile par l’explosion quantitative et qualitative de la culture de l’image, elle-même porteuse de violence. Et la sublimation n’est pas la même lorsque nous sommes spectateurs et lorsque nous interagissons. La promesse d’interactivité elle-même, via les réseaux sociaux par exemple, produit aussi de la frustration – je n’ai pas suffisamment de « like ». Reste le transfert émotionnel vers des victimes expiatoires. Dans un monde en crise et déstabilisé, c’est la porte ouverte aux démagogues et aux charlatans. Et le risque du pire, fascisme ou ultra-patriotisme.

Propos recueillis par Ivan du Roy

Photo : Lors de l’Acte XIII des gilets jaunes,le 9 février / © Serge d’Ignazio

A lire : Le déchainement du monde, logique nouvelle de la violence, éd. La Découverte, 237 pages.

Notes

[1François Cusset est historien des idées, professeur à l’université de Nanterre, auteur de « Le déchainement du monde, logique nouvelle de la violence », éd La Découverte.

Source Basta!, 11 février 2019

Le système d’asile ne répond plus

Campements, loterie, service payant: le système d’asile ne répond plus

En Île-de-France, la demande d’asile se fait… par téléphone, vers un numéro payant, sur une ligne saturée en permanence. Outre le retard, cela a pour conséquence de rendre invisibles les personnes en attente d’enregistrement de leur demande d’asile. Les files d’attente ne sont plus devant les services de la préfecture, mais elles existent toujours… au bout du fil.


Dix associations venant en aide aux demandeurs d’asile en Ile-de-France demandent au juge du tribunal administratif de Paris (TA) de prendre des mesures d’urgence pour garantir un véritable accès à la demande d’asile, dans le respect du délai légal d’enregistrement de trois jours. Il est aujourd’hui impossible pour une personne souhaitant déposer une demande d’asile en Ile-de-France d’accéder aux services de la préfecture sans attendre plusieurs semaines.

En cause : le numéro de téléphone mis en place en Ile-de-France en mai 2018 par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Ce service téléphonique est censé permettre à une personne souhaitant déposer une demande d’asile d’obtenir un rendez-vous par SMS auprès de la Spada, la plateforme d’accueil pour demandeurs d’asile. La Spada lui remet ensuite une convocation papier, sésame incontournable permettant d’accéder au guichet unique des demandeurs d’asile regroupant services de la préfecture et de l’Ofii, pour y déposer sa demande d’asile.

Premier écueil : ce numéro est très difficile d’accès ; il faut appeler des dizaines de fois, et attendre plus d’une demi-heure, avant de pouvoir entendre un agent de l’OFfii au bout du fil. Autre élément incompréhensible, ce numéro est un numéro payant.

Pour un seul appel de 45 minutes, le montant facturé par les principaux opérateurs utilisés par les exilés est équivalent à 6.75 euros. Ce coût est particulièrement exorbitant pour des personnes sans ressources qui, pour beaucoup, sont obligées de dormir dans la rue tant qu’elles n’ont pas pu déposer leur demande d’asile. De plus, au bout de 45 minutes d’attente, la communication s’arrête automatiquement et il faut alors tout recommencer.

Un délai qui pèse lourdement sur les exilés

Une situation d’autant plus grave que tant que la personne n’a pas enregistré sa demande d’asile, elle est en situation irrégulière et risque à tout moment d’être placée en rétention et expulsée. Elle n’a pas non plus accès aux droits sociaux destinés aux demandeurs d’asile : hébergement (sauf le 115, saturé), allocation, couverture maladie.

Pire, l’administration retiendra ce délai d’attente, qui n’est pas du fait des exilés mais bien de son fait, pour les placer en procédure « accélérée » qui est plus expéditive et moins protectrice et leur refuser le bénéfice des conditions matérielles d’accueil (notamment allocation et hébergement), si les personnes ont pris plus 90 jours après l’entrée en France pour déposer leur demande d’asile.

De plus, l’autre système local d’entrée dans la procédure d’asile, les CAES (centres d’accueil et d’examen de la situation), est saturé. Pour y avoir accès, il faut au préalable être passé par des centres d’accueil de jour parisiens, eux-mêmes saturés. À tel point que l’un d’entre eux a dû avoir recours à des solutions aberrantes comme le tirage au sort pour permettre l’accès des personnes à la procédure d’asile.

Un accès à la demande d’asile pointé du doigt à de nombreuses reprises

L’accès à la demande d’asile dans la région à de nombreuses fois été dénoncé par le Collectif asile Ile-de-France dont font partie la plupart des associations requérantes. En 2016 notamment, les délais d’enregistrement étaient de plusieurs mois, entraînant la formation de nombreux campements notamment dans le nord de Paris qui mettaient les exilés dans une précarité extrême.

Pourtant, le Ceseda (Code l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), transposant la directive européenne dite « accueil », prévoit que l’autorité administrative a trois jours pour enregistrer une demande d’asile (ou maximum dix jours en cas de nombre élevé de demandes).

Aujourd’hui, nos dix organisations condamnent les graves dérives du système de plateforme téléphonique payante de l’Ofii qui n’a pas pour but de faciliter l’accès à l’asile, au contraire. Il a surtout pour conséquence de rendre invisible les personnes en attente d’enregistrement de leur demande d’asile. Les files d’attente ne sont plus devant les Spada, mais elles existent toujours… au bout du fil. Nous demandons au tribunal administratif de Paris qu’il garantisse un véritable accès à la demande d’asile pour tous et toutes, dans le délai légal de trois jours.

Organisations signataires :

ACAT France, ARDHIS, La Cimade IDF, Dom’Asile, Gisti, Groupe Accueil et Solidarité, JRS France, Ligue des droits de l’Homme, Secours catholique-Le Cèdre, Solidarité Jean Merlin

Source https://blogs.mediapart.fr/association-gisti/blog/110219/campements-loterie-service-payant-le-systeme-d-asile-ne-repond-plus

Des sanctions contre les chômeurs à l’ensemble des minimas sociaux ?

Comment des sanctions contre les chômeurs risquent, demain, de s’étendre à l’ensemble des minimas sociaux Par Rachel Knaebel 

Depuis début janvier, les chômeurs sont soumis à des contrôles renforcés en France. Un rendez-vous manqué, une offre d’emploi dite « raisonnable » refusée, et c’est la radiation, plus ou moins longue, avec suspension des indemnités. Cette politique punitive s’inspire clairement de celles qui sont menées en Grande-Bretagne et en Allemagne, où les sanctions se sont progressivement appliquées aux autres prestations sociales, allocations familiales ou aides au logement. Leurs conséquences sont sans appel : « Elles frappent d’abord les personnes les plus faibles », repoussées vers une encore plus grande pauvreté. En Allemagne, le tribunal constitutionnel est d’ailleurs en train de se pencher sur la légalité de ces sanctions. Explications.

Début janvier, le gouvernement français a durci par décret les contrôles et les sanctions à l’encontre des chômeurs. Cette politique ne tombe pas du ciel. Au Royaume-Uni, la possibilité de supprimer les allocations aux demandeurs d’emploi, qui manquent des rendez-vous ou sont jugés trop peu assidus dans leurs démarches, existe depuis plus de dix ans. « En 2007, le gouvernement travailliste a adopté une loi prévoyant des sanctions contre les personnes handicapées et en longue maladie, considérant que beaucoup n’étaient pas vraiment en incapacité de travailler », rappelle Anita Bellows. Depuis cette date, l’activiste du collectif « Personnes handicapées contre les coupes » (Disabled People Against Cuts) suit les effets de ces sanctions sur les personnes concernées. Et elles sont de plus en plus nombreuses.

Ces sanctions ont rapidement été étendues à l’ensemble des demandeurs d’emplois et des travailleurs pauvres qui perçoivent une allocation. Outre-Manche, une personne qui se retrouve au chômage percevra une indemnité forfaitaire pendant six mois (le Jobseeker allowance). Ensuite, elle recevra un minima social calculé en fonction de sa situation familiale, de ses revenus, du montant son aide au logement, etc. « En 2012, les conservateurs ont fait adopter une nouvelle loi, un « Welfare Act », qui a durci les sanctions à l’extrême. Elles ont gagné en durée et en sévérité », poursuit Anita Bellows.

« Les allocations peuvent être interrompues jusqu’à trois ans d’affilée »

« Les allocations peuvent être interrompues jusqu’à trois ans d’affilée, précise John, conseiller dans une agence du « Jobcentre » britannique du centre de l’Angleterre [1]. Même si la personne recommence à chercher du travail avec assiduité, si elle accepte de candidater à tout, ces sanctions ne sont pas levées. Une fois la décision prise, les allocations restent suspendues. » Et ce, jusqu’à l’échéance de trois ans ou si l’allocataire porte un recours en justice. « Des gens qui ne viennent pas à un rendez-vous parce qu’ils sont à l’hôpital sont sanctionnés, de même que des femmes qui sont en train d’accoucher… Quand les gens engagent un recours au tribunal, ils ont de bonnes chance de gagner, de faire annuler la décision », illustre Anita Bellows.

La justification affichée, en Grande-Bretagne comme en France, de ce nouveau régime de sanctions est d’inciter les personnes à retravailler le plus vite possible. Quels sont les résultats concrets de cette politique ? « Certaines catégories de personnes sont particulièrement vulnérables et affectées par la suspension des allocations. Cela inclut les parents isolés, les jeunes adultes qui sortent tout juste du système d’aide sociale à l’enfance, les personnes malades ou handicapées », souligne un rapport du Parlement britannique en octobre dernier. Souvent, les personnes sanctionnées « empruntent de l’argent, coupent dans leurs dépenses alimentaires et les autres dépenses de première nécessité, ou ne paient plus leurs factures, plutôt que d’augmenter leur revenus en retrouvant du travail », rapporte encore l’enquête parlementaire.

« Ces sanctions ont été utilisées pour faire baisser artificiellement les chiffres du chômage »

Les députés britanniques citent le cas d’une mère célibataire contrainte de se tourner vers les banques alimentaires. Son allocation avait été réduite parce qu’elle avait quitté un emploi à temps plein pour travailler à temps partiel, ne pouvant plus payer la garde de ses enfants. « Les personnes les plus sanctionnées sont celles qui ont déjà le plus de mal à naviguer dans le système, a constaté Anita Bellows. Ces sanctions, nous y sommes opposés par principe. En plus, elles ont été utilisées pour faire baisser artificiellement les chiffres du chômage » Résultat : si le taux de chômage officiel britannique affiche un séduisant 4 %, le nombre de travailleurs pauvres y est trois fois plus élevé qu’en France, avec plus d’un salarié sur cinq concerné !

En Angleterre, « la mise en place des sanctions s’est faite dans une grande indifférence, parce que les chômeurs sont stigmatisés. Mais aujourd’hui, avec le système de l’Universal Credit, qui fusionne les allocations sociales et chômage sous un même guichet, des personnes qui travaillent mais touchent des allocations parce que leurs revenus sont bas se retrouvent aussi sanctionnées. On commence donc à en parler plus largement », rapporte Anita Bellows. La réforme du « Crédit universel » (Universal Credit), votée en 2012, se met en place progressivement. Elle fusionne dans un même service et une même allocation l’ensemble des aides : l’allocation chômage minimum – l’équivalent du RSA –, l’allocation pour les personnes dans l’incapacité de travailler pour cause de maladie ou de handicap, l’aide au logement, le crédit d’impôt pour la reprise d’un travail et le crédit d’impôt pour les enfants à charge. C’est cette allocation devenue unique qui peut désormais être réduite « si vous ne faites pas ce pourquoi vous vous êtes engagé », comme chercher du travail et fréquenter un Jobcentre [2].

En Allemagne, des sanctions renforcées pour les jeunes

En Allemagne, les sanctions contre les chômeurs peuvent également concerner leur aide au logement. Mi-janvier, le tribunal constitutionnel, la plus haute juridiction du pays, a commencé à étudier la question : ces suspensions d’allocations sont-elles compatibles avec la Constitution ? Le contrôle des demandeurs d’emploi y a été durci il y a plus de dix ans, au moment de la réforme du système d’assurance-chômage de 2005. La durée du chômage indemnisé a alors été limitée à un an. Le chômeur touche ensuite une allocation minimum, appelée « Hartz IV ». Le versement de cette allocation fait l’objet de contrôles renforcés destinés à « remettre au travail » au plus vite la personne concernée. Un rendez-vous raté, une formation refusée, une offre d’emploi à laquelle on ne candidate pas, signifient une coupe immédiate d’une partie de l’allocation, jusqu’à une suspension intégrale en cas de récidive.

Pour les moins de 25 ans, les sanctions sont encore plus drastiques : au moindre manquement, c’est la suppression totale de l’allocation. Au deuxième, l’aide au loyer – payée directement au propriétaire du logement – est aussi suspendue. « Ce traitement plus dur envers les jeunes est officiellement justifié comme une mesure “éducative” », déplore Inge Hannemann, aujourd’hui élue municipale de Hambourg pour le parti de gauche Die Linke. L’élue travaillait auparavant au Pôle emploi allemand, le « Jobcenter », entre 2005 et 2013, où elle a protesté contre la politique des sanctions. Avant, finalement, de se faire licencier.

Spirale d’endettement et perte de logement

« Les sanctions touchent avant tout les personnes qui sont déjà dans des situations difficiles : celles qui ont des troubles psychiques, les migrants, les personnes qui ne maîtrisent pas bien l’allemand ou qui, même si elles sont allemandes d’origine, ne maîtrisent pas le langage administratif. En fin de compte, elles frappent les plus faibles », souligne Inge Hannemann. Un centre social de la région de Wuppertal, dans la Ruhr, a récemment réalisé, en vue de l’audience au tribunal constitutionnel, un sondage auprès de plus de 21 000 personnes, chômeurs, travailleurs sociaux, avocats, agents du Jobcenter, sur les conséquences du régime de sanctions.

Les résultats de l’étude sont sans appel. Pour près trois-quarts des participants à l’enquête, les réductions d’allocation représentent le début d’une spirale d’endettement. Plus de 60 % des personnes interrogées affirment aussi que les sanctions contribuent à une perte de logement. Plus de 90 % des personnes qui ont répondu estiment, en outre, que les sanctions n’aident pas du tout à réintégrer les chômeurs sur le marché du travail. La majorité des agents des Jobcenter partage également ce point de vue.

« On n’aide pas les gens en leur faisant peur »

Pourtant, les sanctions pleuvent. Selon l’Agence pour l’emploi allemande, entre octobre 2017 et septembre 2018, plus de 920 000 sanctions ont été prononcées contre 400 000 chômeurs (un même chômeur peut être sanctionné plusieurs fois dans l’année). Un chômeurs sur six a été sanctionné dans l’année ! Pour les trois-quarts des sanctions, le motif était un simple rendez-vous raté [3]. « Quand j’ai commencé à dénoncer publiquement les sanctions, des collègues m’ont donné raison en interne, mais ils n’osaient pas le dire publiquement parce qu’ils craignaient de perdre leur job. Leur peur était justifiée. C’est ce qui m’est arrivé », témoigne aujourd’hui Inge Hannemann. Avec la procédure en cours auprès du tribunal constitutionnel, les langues se délient. Fin janvier, la directrice d’un Jobcenter local, celui de Brême, a sévèrement critiqué le système des sanctions dans une interview à un quotidien régional : « On n’aide pas les gens en leur faisant peur », a-t-elle déclaré, dénonçant les « dégâts » provoqués par les coupes dans les allocations.

Pour autant, l’ancienne conseillère Inge Hannemann ne croit pas que le tribunal constitutionnel, qui devrait rendre sa décision dans quelques mois, va interdire de couper les allocations aux chômeurs. « Le tribunal pourrait arriver à la conclusion qu’on ne peut pas couper le minimum vital. Mais pour les chômeurs, il y a un système de bons alimentaires qui peuvent être attribués quand les allocations sont suspendues. Donner ces bons est obligatoire pour les foyers où il y a des enfants mineurs. Sinon, il faut en faire la demande. Mais c’est le même conseiller qui décide de sanctionner et d’attribuer, ou pas, les bons. Et tous les magasins ne les acceptent pas, surtout à la campagne. Le tribunal pourrait en revanche affirmer qu’il faut arrêter de sanctionner plus sévèrement les moins de 25 ans, et qu’on ne peut pas supprimer l’aide au paiement du loyer, parce que cela met les gens à la rue, analyse l’ancienne conseillère. Mais il est possible que cela ne soit qu’une recommandation, et qu’ensuite la gouvernement prenne son temps pour légiférer, ou attende les prochaines élections. » Celles-ci auront lieu en 2021.

En France, l’ensemble de la protection sociale bientôt soumise aux mêmes sanctions ?

Et en France ? L’aide au logement ou les allocations familiales pourront-elles, demain, être aussi concernées par les sanctions visant un demandeur d’emploi jugé pas suffisamment zélé ? Pendant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron a annoncé vouloir mettre en œuvre la fusion des allocations et aides. La version française de l’Universal Credit c’est l’« Allocation sociale unique », envisagée par le gouvernement [4]. « Il faut regarder ce qui se passe en Grande-Bretagne car ils sont souvent les premiers à mettre en œuvre des réformes que les autres pays reprennent ensuite », alerte Inge Hannemann. La mise en place de l’aide sociale unique telle que le souhaiterait Emmanuel Macron va-t-elle suivre les modèles allemands et britanniques, et soumettre tous les bénéficiaires d’aides sociales au régime de sanctions qui vaut désormais pour les chômeurs ?

Rachel Knaebel

Dessins : Rodho

Notes

[1Le prénom a été changé sur demande du conseiller.

[2Voir l’information du gouvernement britannique sur les sanctions quant à l’Universal Credit ici.

[3Voir les chiffres ici.

[4Cette allocation regrouperait le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation de solidarité spécifique (ASS), la prime d’activité, les aides au logement (AL), l’allocation adulte handicapé (AHH), l’allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA, ex-minimum vieillesse) et l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), selon Le Monde.

Source https://www.bastamag.net/Comment-les-sanctions-contre-les-chomeurs-risquent-demain-de-s-etendre-a-l

E.Toussaint au sujet de Yanis Varoufakis 8e partie

  Série : Le témoignage de Yanis Varoufakis : accablant pour lui-même

CR réunion du collectif du 4 février 2019

Réunion du collectif « Citoyens de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe » du 4/02/2019

Présents : Lucienne, Christine, Georges, Béatrice, Liliane, Max

Retour sur la commande des produits VIOME du mois de décembre

– 35 personnes ont effectué des commandes, pas mal de nouveaux
– la distribution du catalogue et du bon de commande lors de la projection du film L’Amour et la Révolution au Club et lors de la soirée SCOP ont permis une diffusion de l’information efficace
– un petit stock a été constitué pour distribuer au fil de l’eau
– quelques points négatifs : la livraison a tardé et quelques personnes ne sont pas venues chercher leur commande lors des permanences
– prochaine commande, peut-être en septembre, en tout cas à un moment où il fera moins froid !
– un film intéressant sur les VIOMe diffusé sur ARTE, il dure 31 mn:
https://www.arte.tv/fr/videos/073399-064-A/arte-regards-des-savons-pour-resister/?fbclid=IwAR3TIIIW4yMdttaP-XmE2P6G_NRr7fmD8RTiDP7BPD_ZeUaQ4zU-97pGzu0

Recherche de film pour projection en 2019

– une piste intéressante : le prochain film d’Angélique Kourounis … peut-être dans quelques mois
– Christine essaie de trouver d’autres films

Convoi solidaire Anepos

Nicolas, qui participera au convoi qui partira en Grèce fin février, tiendra une permanence à Grenoble (rue Berthe de Boissieux) ce mercredi 6 février de 14h à 16h

Accord entre la Grèce et l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine

Cet accord qui contient, entre autres, le changement de nom de cette ancienne république Yougoslave en Macédoine du Nord, a suscité pas mal de remous en Grèce. Il n’est pas facile de se faire une idée de ce qui se joue avec cet accord. Un article de Emmanuel Kosadinos dans son blog sur Médiapart peut permettre de comprendre un peu mieux la situation :
https://blogs.mediapart.fr/emmanuel-kosadinos/blog/250119/apres-laccord-de-prespa-reflexions-sur-la-question-dite-macedonienne

Prochaine réunion du collectif

Lundi 15 avril 2019 de 17h à 19h salle 200 à la Maison des associations de Grenoble (salle réservée au nom d’Attac)

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