Appauvris par les memoranda, les Grecs vont perdre tous leurs biens

Les emprunts non performants, la situation du parc immobilier en Grèce et les saisies des résidences principales

30 avril par Marie-Laure Coulmin Koutsaftis CADTM 


Grèce : protestations citoyennes contre les enchères électriques de résidences principales. CC DenPlirono

 

L’étau se resserre sur les Grecs. Appauvris par les mesures d’austérité imposés par trois memoranda, ils doivent désormais se battre pour conserver leurs maisons, menacées par les emprunts hypothécaires non performants. Contractés avant la crise et les 25% de réduction du PIB, souvent dans des termes léonins, ces emprunts ne peuvent plus être honorés après des pertes d’emploi ou des baisses des revenus dépassant les 40%.

 

La situation du parc immobilier en Grèce

En Grèce, pendant de nombreuses décennies après la seconde guerre mondiale, l’achat d’un bien immobilier constituait pour la plupart des ménages la seule manière à long terme de faire des économies susceptibles d’échapper à l’inflation. La plus grande part de la richesse des Grecs a longtemps été placée dans l’immobilier et en particulier dans leur résidence principale, qui constituait traditionnellement un moyen d’assurer leurs vieux jours, en l’absence de prestations d’un État social inexistant même avant la crise. D’après différentes études, en 2002 le patrimoine des foyers grecs étaient constitués à 81,8% de biens immobiliers, à 17% de dépôts et seulement à 1,2% d’actions. Les Grecs sont propriétaires de leur habitation à 80,1%, le deuxième taux le plus élevé, après l’Espagne, de l’ancienne Union européenne des « 15 ». Dans les régions agricoles ce pourcentage atteint même les 97% contre 73,5% dans les zones urbaines [1].

Le recensement d’Elstat de 2011 [2] annonçait 6.4 millions de logements privés pour un total de 3.66 millions de foyers, et ainsi 2.5 millions de logements vacants. En comparaison, le recensement de 2001 faisait apparaître 5,4 millions d’habitations privées, dont 1,4 millions d’habitations vides [3].

Cette augmentation importante du parc des logements en 10 ans explique et reflète le boom des emprunts hypothécaires suite à l’annonce début 2005 par l’État grec que la TVA s’appliquerait à partir du 1er janvier 2006 sur tous les chantiers du bâtiment, jusque-là épargnés. C’est le moment où de nombreux foyers ont contracté des emprunts immobiliers pour construire précipitamment, avant l’application de la TVA sur le bâtiment, jusque-là exempté [4]. Déjà l’entrée dans la zone euro avait entraîné une importante hausse du coût de la vie et de nombreuses familles recouraient aux emprunts à la consommation ou à des jongleries avec leurs cartes bancaires, multipliant les virements d’une carte à l’autre pour alimenter successivement plusieurs comptes bancaires. La plupart de ces dettes de cartes bancaires se sont transformées en nouveaux prêts de consommation à des taux de 6 à 8 %, après « arrangements » dans la période 2012-2014.

C’est aussi le moment où les grandes banques étrangères (avec en premier la Société Générale et la Deutsche Bank) ont déversé sur le marché bancaire grec leur surplus de liquidités, permettant aux banques grecques dont Eurobank de distribuer des emprunts hypothécaires et à la consommation, à un taux que les marchés français et allemand ne permettaient plus. Ceci sans aucune régulation par l’État grec. Les bases étaient jetées pour la crise qui s’en est suivie, qui est d’abord une crise de l’endettement privé, comme l’a bien montré la Commission pour la vérité sur la dette grecque [5].

Des recapitalisations importantes et une réorganisation du marché bancaire grec ont abouti à sa concentration au bénéfice de quatre banques principales, Alpha Bank, Ethniki (Banque Nationale de Grèce), Peiraios (Banque du Pirée) qui avait racheté en 2013 les trois banques chypriotes en faillite et la partie assainie de la Banque agricole Agrotiki, et détient donc les hypothèques des terrains agricoles, et Eurobank. Ces quatre banques ont par ailleurs développé des activités dans l’immobilier à travers des filiales spécialisées.

En 2010, à l’annonce du premier mémorandum, la Grèce entière avait regardé avec incrédulité Yiorgos Papandréou, alors premier ministre, expliquer devant les caméras que le gouvernement, après avoir appelé le FMI à la rescousse, s’efforcerait à ce que soit maintenu au moins un salaire ou un revenu dans chaque famille dans les difficiles années à venir. La Grèce venait de traverser une décennie glorieuse avec l’entrée dans l’euro et les jeux olympiques de 2004 ; cette « prédiction » sonnait particulièrement faux, et tout le monde s’était regardé en s’interrogeant sur la santé mentale ou du moins sur les motifs de l’étrange prédiction – inquiétante – du premier ministre de l’époque. Or les memoranda qui se sont succédés depuis 2010 ont provoqué des baisses de revenus ou même des pertes totales pour de nombreux foyers quand le chômage s’est installé – avec des pertes de revenus qui ont dépassé les 40%. Pour une famille moyenne, même si l’on garde un emploi, il fallait désormais revoir les dépenses mensuelles, et nombre de gens ont été obligés d’opérer un choix entre manger à leur faim, nourrir leurs enfants et rembourser leurs emprunts dont les taux étaient d’ailleurs relativement élevés : de 7 à 13%.

En outre, de nouveaux impôts ont été instaurés, comme l’impôt sur les constructions (ENFIA) ou les impôts de solidarité qui frappent aussi les retraités pauvres et les employés. Aussi au bout de sept années de crises et de memoranda, les familles ont eu de plus en plus de mal à rembourser leur emprunt, contracté avant les pertes.

Après des années de crise financière et de récession, les banques grecques sont lestées de 103 milliards d’euros de créances douteuses, soit environ 60% du produit intérieur brut du pays [6]. Dans la perspective des crash tests bancaires imposés par la BCE lors du premier trimestre 2018 et confrontées à des créances douteuses qui atteignait 46,7 % de leurs actifs [7] au troisième trimestre 2017, les banques grecques ont trouvé à s’en débarrasser coûte que coûte en les revendant à des fonds d’investissements financiers spécialisés.

Les fonds vautours s’emparent des prêts hypothécaires grecs non performants

Les quatre banques grecques ont négocié la vente à prix cassé de leurs créances douteuses ou crédits non performants (Non Performing Loans NPL) à des fonds d’investissement étrangers. Ces Non Performing Loans sont constitués principalement d’emprunts à la consommation, de cartes bancaires et de prêts à des petites ou très petites entreprises qui ne sont plus honorés par les débiteurs en cessation de paiement depuis plus de trois mois – pour la Grèce, souvent depuis plus longtemps.

– Eurobank a vendu en septembre 2017 ses créances toxiques d’une valeur de 1,5 milliards d’euros, à un fonds suédois spécialisé, Intrum Justitia AB (Intrum). Le prix de rachat (45 millions d’euros) a représenté environ 3% du capital dû à Eurobank.

– La Banque du Pirée va échanger contre 2 milliards des créances douteuses d’une valeur de 2,5 milliards d’euros. Plus précisément, elle va vendre des créances NPL d’une valeur de 2,3 milliards pour 400 millions d’euros, et recevoir 1,6 milliards pour 700 emprunts NPL contractés par 120 entreprises.

– La Banque Nationale Ethniki annonce par l’intermédiaire de Morgan Stanley qui la conseille qu’elle s’apprête à céder ses créances NPL, d’une valeur initiale de 2 milliards, atteignant 5,2 milliards avec les intérêts pour 1 milliard d’euros. Ces créances concernent 200 000 emprunteurs, pour des prêts à la consommation (1,1 milliard), des cartes de crédit (500 millions) et des prêts aux petites entreprises (environ 400 millions d’euros). À noter que dans le cas d’Ethniki, la majorité des cessations de paiement remontent à environ 7 ans pour des dettes d’un montant moyen estimé à 10 000 d’euros. La banque précise que la vente des créances douteuses a été précédée par une proposition de règlement faites aux clients dans le cadre du code de déontologie, généralement faites par téléphone, et ne concerne pas « ceux qui ont répondu aux offres d’arrangement ».

– À son tour, Alpha Bank a annoncé fin janvier 2018 la vente pour 1 milliard d’€ de ses prêts non performants NPL d’une valeur de 3,7 milliards (2 milliards plus les intérêts) [8].

Ces cessions risquent d’exclure définitivement tout espoir d’arrangement de leurs dettes hypothécaires pour les ménages en rupture de paiement, qui gardent jusqu’à fin 2018 le faible espoir d’un recours juridique offert par la loi Katseli-Stathakis.


Les enchères électroniques pour dettes, une exigence des créanciers

Les saisies par les banques sur les biens mobiliers et immobiliers des particuliers se sont concrétisées après l’organisation des enchères sur internet. La tenue des enchères avait été jusque-là empêchée par des protestations citoyennes, occupations d’Études notariales, etc., que le procédé des enchères en ligne est supposé contourner.

Pour se convaincre de l’« efficacité » de l’État grec, les créanciers demandent pas moins de 7000 enchères électroniques d’ici la fin août 2018, soit environ 1000 enchères par mois, à doubler pour les trois mois suivants pour atteindre un total requis de 13 000 adjudications à la fin de l’année [9].

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                                   protestation contre la mise aux enchères par l’administration
Un vaste mouvement de protestations citoyennes, qui s’étend sur toute la Grèce depuis plus d’un an, s’oppose physiquement à la tenue des enchères, en coopération avec la majorité des associations de notaires, concernés par les dégâts sociaux impliqués, qui ont contribué à bloquer les adjudications en refusant d’y procéder jusqu’à la fin de l’année 2017. En face, les banques et une minorité de notaires opportunistes pressés de procéder à des enchères s’alignent derrière le gouvernement, qui cède aux pressions des créanciers avec force propagande contre les opposants et en promouvant l’ouverture des enchères qui vont menacer les biens des couches les plus appauvries de la société grecque. Les luttes pour le logement en Grèce ont à peine commencé.


Les résidences principales tombent entre les griffes de l’Agence Autonome des Recettes Publiques

Pire, trois ans après l’élection de janvier 2015 qui a porté Tsipras et Syriza au pouvoir sur un programme de sortie de l’austérité et des memoranda, seule possibilité pour la Grèce de retrouver sa souveraineté, la loi mammouth votée début janvier 2018 prévoit la saisie et la mise aux enchères des biens privés envers l’administration pour dettes supérieures à 501 €. À noter que tant le FMI que le gouverneur de la BCE, Mario Draghi lui-même, font des saisies en ligne une condition sine qua non pour la 4e évaluation qui conditionne le 4e et dernier versement. La même loi prévoit que les protestations contre les mises aux enchères qui en ont empêché jusque-là la « bonne tenue » seront pénalisées par des peines d’emprisonnement ferme de 3 à 6 mois.

Si les résidences principales des gens les plus modestes étaient jusque-là protégées de l’appétit des banques par un arsenal législatif (loi Katseli revue, durcie mais étendue jusque fin 2018 par la loi Stathakis [10]), les nouvelles mises aux enchères prévues au bénéfice de l’Autorité Autonome des Ressources publiques, qui a remplacé le service des impôts et des douanes, ne sont soumises à aucune restriction. Ainsi dès février 2018, des résidences principales ont été mises aux enchères sur une plate-forme digitale, concernant indistinctement riches fraudeurs ou petits entrepreneurs ruinés qui ne peuvent plus payer les cotisations, petits propriétaires retraités pauvres ou chômeurs qui ne peuvent plus faire face à leurs taxes.

En effet, le nombre des contribuables qui ne peuvent plus faire face à la pression fiscale augmente de manière proportionnelle à la progression du taux de pauvreté, résultant des réformes imposées par les créanciers depuis 2010.

Petit à petit, même le paiement de factures domestiques est devenu difficile. En effet la hausse des impôts et le démantèlement des services publics comme l’électricité, l’eau courante et le gaz, et la surtaxation cumulée (TVA sur la somme finale qui contient déjà 15% de taxe…) ont abouti à des hausses exponentielles des factures. Résultat, il n’est pas rare que des factures d’électricité ou d’eau s’élève à 700 ou 1000 euros, causant un déséquilibre durable sur un budget familial serré. 30% des clients de DEI [11] l’entreprise encore publique d’électricité sont en rupture de paiement et les coupures d’accès à l’électricité se multiplient.


Les Grecs, otages fiscaux des créanciers et du gouvernement

En un mois entre septembre et octobre 2017, les contribuables débiteurs d’une échéance non honorée auprès de l’administration des impôts grecs avaient augmenté de 9,6%, ce qui démontre l’épuisement du système fiscal grec.

En octobre 2017 plus de deux tiers de l’ensemble des 6.100.000 contribuables ayant déposé une déclaration d’impôts avaient des dettes envers les impôts. En effet, les impôts non payés s’élèvent à 10,87 milliards d’euros pour la seule année 2017, avec une nouvelle ardoise de 1,27 milliard d’euros pour le mois de décembre [12]. Au total, près d’un million de cas de saisies sur les dépôts bancaires et sur les propriétés immobilières ont touché les contribuables grecs en 2017. D’après les éléments donnés par l’Agence des Recettes, l’ensemble des saisies a atteint 991.392 fin octobre 2017 contre 971.508 en septembre de la même année. Cette augmentation de 19.884 saisies en un mois signifie que l’Agence des Recettes a fait plus de 500 nouvelles saisies par jour [13].

Le gouvernement prétend que seuls les « mauvais payeurs » seront concernés par ces mises aux enchères, mais fin 2017, Euclide Tsakalotos, le ministre des finances et principal négociateur avec les créanciers, expliquait que « nombre de ménages s’ils ont vu leurs revenus baisser, en conservent un néanmoins mais choisissent de ne pas donner la priorité au remboursement de leur prêts bancaires ou au paiement de leurs impôts ». Ce discours justifie les mesures dictées par les créanciers au nom de « la lutte contre la culture du non-paiement », censée caractériser particulièrement les Grecs [14]. Or les créances douteuses n’étaient que de 5,5% du total des créances privées en 2008, passant à 7% en 2009 pour exploser à partir des memoranda à 45,9% de l’ensemble des créances en 2016, neuf fois plus que la moyenne de l’UE (5,1%). [15]

Tout l’esprit des memoranda tient en ces mots : pour justifier les mises aux enchères des habitations principales par l’État grec, il suffisait d’élargir la notion de mauvais payeur systématique à de plus larges couches de la population, de même que la baisse du seuil de pauvreté, indexé sur le salaire minimum réduit de 751 € en 2009 à 586 € en 2011, a rendu un peu moins dramatiques les statistiques sur la néo-pauvreté des Grecs. Et de même que la dette publique a justifié la mise à l’encan des biens et services publics grecs, les dettes privées justifient désormais les saisies des biens privés.
Ainsi 2,3 millions de contribuables (sur un total de 11 millions d’habitants en Grèce) avec des dettes s’élevant jusqu’à 2000 euros risquent de perdre leur bien immobilier parce que la chute de leur niveau de vie les précipite dans l’incapacité de payer.

Pour les mois de janvier et février 2018, l’Agence Autonome des Recettes du Public a enregistré un nouveau record d’impôts non payés de 2,6 milliards supplémentaires pour ces seuls deux mois, faisant explosant la dette totale des contribuables à 101,6 milliards d’€, dont 87,6 milliards possiblement recouvrables (c’est-à-dire correspondant à un endettement depuis moins de dix ans).

Les vrais mauvais payeurs et champions de l’évasion fiscale révélés par la liste Falciani (dite « Lagarde ») continuent, eux, à dormir d’un sommeil que rien ne vient troubler. Dans les commentaires de Poul Thomsen, responsable du secteur Europe pour le FMI lors de sa session de printemps en avril 2018, on voit se profiler au nom d’une « meilleure répartition fiscale au bénéfice des investissements », une nouvelle baisse du seuil de non-imposition, qui va soumettre de nouvelles tranches des classes moyenne et populaire [16] à la toute-puissance de l’Agence Autonome des Recettes du Public, transformée en shérif des créanciers.

Merci à Anouk Renaud et Éric Toussaint pour leur relecture attentive.

Notes

[4Cette loi N.3427/2005 a été signée par les ministres Alogoskoufis (Économie et Finances), Sioufas (Développement), Voulgarakis (Intérieur), Panayiotopoulos (Travail et Solidarité Sociale) et Papaligouras (Justice)[[https://www.taxheaven.gr/laws/law/index/law/11

[10La loi Katseli de 2010 prévoyait une protection des résidences principales face aux requêtes de saisie des banques pour impayés, en accordant un recours judiciaire pouvant aboutir à une tonte de la dette et à un règlement pour le remboursement du reste dû. La loi Stathakis de 2015 a confirmé cette loi en en raccourcissant le délai d’examen en justice et en étendant sa protection aux dettes envers les impôts, les caisses d’assurance, les collectivités locales et les organismes privés (banques). Elle établit aussi un seuil bancaire en dessous duquel il n’est pas possible de saisir un compte particulier et un « seuil minimum de survie » (entre 537 et 682 € pour un adulte célibataire, entre 1347 et 1720 € pour un couple avec deux enfants, etc). http://www.daneioliptes.com/web/10-αλλαγες-στο-νομο-κατσελη/

[12Ergasianet Φορο-εξάντληση : Στα 10,87 δισ. ευρώ οι απλήρωτοι φόροι το 2017 25-01-2018

[14Les Grecs dont une expression favorite est : « Je ne veux rien lui devoir » – qui explique aussi la générosité ostensible de l’hospitalité grecque.

Marie-Laure Coulmin Koutsaftis

Documentariste, essayiste et traductrice du grec moderne, permanente au CADTM.

Source http://www.cadtm.org/Appauvris-par-les-memoranda-les

SOS Méditerranée : le rôle du médiateur culturel à bord du bateau

Médiateur culturel, trait d’union entre rescapés et sauveteurs

 Le 23 avril, 537 personnes ont été débarquées dans le port de Trapani, en Sicile, après avoir été sauvées par les équipes de SOS MEDITERRANEE. S’ils s’en sont sortis, c’est en partie grâce au médiateur culturel présent à bord de l’Aquarius. [Lire le communiqué sur le sauvetage]  Seraina, une jeune femme de 24 ans, a occupé cette fonction dont on ne parle pas beaucoup, et qui a pourtant une importance capitale dans la réussite des opérations de sauvetage. Elle a choisi de nous décrire ici son rôle et son expérience à bord. 

« Restez calme, n’ayez pas peur. Tout va bien se passer. Nous allons vous amener en sécurité à bord du bateau orange ». Tels sont les premiers mots entendus par les naufragés lorsque les canots de sauvetage de SOS MEDITERRANEE approchent une embarcation en détresse. Ils sont prononcés par le médiateur culturel, un membre de l’équipe de Médecins Sans Frontières (MSF). Véritable interface entre les personnes en détresse et les sauveteurs, son rôle est primordial. Lors de la première approche d’une embarcation en détresse, chaque mot et chaque geste comptent pour éviter qu’un mouvement de foule ne fasse chavirer le canot.

Le médiateur culturel accompagne les rescapés de la première minute du sauvetage jusqu’au débarquement dans un port sûr. Etudiante en sécurité internationale et résolution des conflits, Seraina parle couramment six langues. Elle conçoit son rôle comme « un pont » entre les équipes et les naufragés d’une part, et entre les équipes de MSF et SOS MEDITERRANEE d’autre part.

« La panique est contagieuse ! »

Dès la première rencontre visuelle avec une embarcation en détresse, elle essaie de discerner l’origine géographique et la langue des personnes afin d’établir une relation de confiance le plus rapidement possible. Personne d’autre ne communique avec les naufragés lors de la première approche. « Parfois, je ne sais pas, alors je demande ‘English ? Français ? Arabi ?’  Il faut discerner la langue dominante dès les premières secondes. C’est parfois un mélange de trois langues », raconte Seraina. Dans ce cas, pour ne pas perdre l’attention des personnes qui ne comprennent pas l’une des langues, le médiateur culturel doit faire des phrases très courtes et alterner les langues toutes les 5 secondes.

Seraina cherche d’abord et avant tout le calme avant de parler. Puis, elle se met debout sur le canot de sauvetage près de l’embarcation en détresse et donne le premier message : « nous sommes une organisation humanitaire. Nous allons vous amener à bord de notre bateau. Il y aura assez de place pour tout le monde. Vous êtes sains et saufs. N’ayez pas peur. Restez bien calmes. Nous allons vous donner des instructions. Il faudra bien les suivre pour que tout se passe bien. Nous allons venir vous chercher un par un ». Enfin, elle explique pourquoi et comment enfiler les gilets de sauvetage, prêts à être distribués.

Un message essentiel pour établir un lien de confiance duquel dépend en grande partie le bon déroulé de l’opération de sauvetage et, surtout, pour éviter la panique. « La panique est contagieuse. La situation peut très vite devenir critique, avec des gens qui tombent à l’eau, et qui peuvent se noyer et mourir ».

« J’ai très vite appris l’importance d’être constamment en contact avec les rescapés »

Le médiateur culturel représente l’équipe des marins-sauveteurs : son regard, son comportement, son calme, la lenteur de ses gestes, son sourire reflètent la confiance que les naufragés peuvent placer dans l’équipe. « Les personnes qui nous font face nous observent. Elles ont toutes appris à observer, à interpréter chaque fait et geste. C’est comme ça qu’elles ont survécu jusque-là. Elles voient si on a l’air inquiet, si on ne les regarde pas droit dans les yeux. Il s’est souvent passé des années avant qu’elles aient pu faire confiance à quelqu’un. Hocher de la tête, faire un signe de la main pour dire bonjour : cela fait une très grande différence pour rassurer les gens ».

Et si le contact est perdu ne serait-ce qu’une seconde avec les naufragés ? « Si je regarde vers le bas, les gens s’agitent, commencent à parler entre eux. J’ai très vite appris l’importance d’être constamment en contact avec eux. Leur parler pour les occuper, pour qu’ils évitent de penser à leur situation actuelle qui est très dangereuse ».

Le médiateur culturel doit s’adapter à la variété d’émotions auxquelles il fait face : incertitude, peur, panique, enthousiasme, excitation, joie. « Parfois l’une domine, mais c’est généralement un mélange. Il faut être prêt à tout ». Pour se préparer, Seraina doit « se stabiliser » elle-même, se maintenir dans « un calme d’acier ». « Je me rends compte de la responsabilité énorme qui m’incombe. Dans ces moments-là, si je laissais place à mes émotions, elles nuiraient au succès de l’opération. Il faut attendre que le sauvetage se termine pour les digérer ». Une fois le premier message passé et la situation stabilisée, le médiateur culturel ne communique plus verbalement avec les personnes en détresse. Il passe le relais au coordinateur adjoint des sauvetages qui leur donne les instructions pour débuter l’opération.

« Un petit ange qui s’avance vers nous »

Le médiateur culturel se transforme alors en véritable sauveteur. Grâce aux gestes de premiers secours répétés à bord, Seraina a sauvé plusieurs vies. Elle raconte que lors d’un sauvetage critique, elle a effectué un massage cardiaque à une personne retrouvée sans vie dans l’eau. A son retour à bord de l’Aquarius, alors qu’elle pensait que cela n’avait pas suffi : « l’infirmier s’est avancé vers moi, en me souriant. « Regarde ce monsieur là-bas, c’est celui qu’on a sorti de l’eau ». Je vois un homme par terre avec les yeux ouverts. Je le regarde, il me regarde et il cligne des yeux, comme pour me dire bonjour et merci. Je me suis rendu compte qu’il avait survécu ».

Seraina avoue avoir été touchée plusieurs fois par les mots des rescapés après un sauvetage à bord de l’Aquarius : « vous étiez comme un petit ange qui s’avançait vers nous. On se souviendra toujours de vous », lui a-t-on dit.

Comprendre les parcours, recueillir les témoignages, préparer à « l’après »

Après un sauvetage, le planning du médiateur culturel ne désemplit pas : il recueille des témoignages tout au long du trajet entre la zone de sauvetage et le port de débarquement pour comprendre le parcours des rescapés et les souffrances subies. « C’est le moment le plus difficile. Les témoignages malheureusement se ressemblent tous beaucoup. Parmi les centaines de personnes que j’ai interrogées pendant six mois à bord, une seule m’a dit qu’elle n’avait pas été torturée. J’ai appris plus tard qu’elle ne m’avait en fait pas tout dit ».

Ces informations sont primordiales car elles sont à la base du rôle de témoin que se donnent MSF et SOS MEDITERRANEE. « On espère que la communauté internationale agisse face à ces témoignages. » 

En fin de traversée, réunissant les rescapés en groupe, le médiateur culturel donne le dernier message qui les prépare à l’arrivée, à ce qu’on leur demandera quand ils arriveront sur le quai. Il les informe également des difficultés qui les attendent après la parenthèse de sérénité à bord de l’Aquarius. Ce moment est important : pour la première fois depuis longtemps, les rescapés se projettent sur ce qui les attend.

Après six mois d’une rare intensité, Seraina a dû se résoudre à débarquer. Lorsqu’elle en parle autour d’elle, elle décrit une « indignation qui a grandi avec le temps, contre le manque d’empathie » envers les histoires individuelles, toutes uniques et semblables à la fois, qu’elle a tant de fois écoutées… en français, en anglais ou en arabe.

Propos recueillis par Laura Garel

Photo : Anthony Jean / SOS MEDITERRANEE

Source http://www.sosmediterranee.fr/journal-de-bord/mediateur-culturel-trait-d-union-entre-sauveteurs-et-rescapes

Lesbos des réfugiés attaqués par un groupe d’extrême droite

A Lesbos (Grèce) 35 réfugiés blessés lors d’une violente attaque par un groupe d’extrême droite

La nuit de la honte à la place Sappho de Mytilène, à Lesbos.

Pendant toute la nuit du dimanche au lundi un groupe d’extrême droite avait attaqué des réfugiés, femmes et enfants compris, principalement des afghans qui occupaient la place Sappho pour protester contre la lenteur des procédures administratives et  contre leur confinement prolongé sur l’île.

Un  groupe d’extrême droite composé principalement des membres du Mouvement Patriotique de Lesbos et de l’Aube Dorée (néonazis grecs), avait attaqué les familles de réfugiés, femmes et enfants de bas âge compris, en leur lançant de fusées de détresse, des pétards, de pierres et de pavés.   En hurlant « Brulez-les vifs », « , « Jetez-les à la mer », « Ils veulent islamiser le pays », le groupe déchaîné balançait contre les réfugiés même des bancs arrachés de la place. Les réfugiés avaient formés un groupe compact, en encerclant d’une triple chaîne humaine les femmes et les enfants qu’ils essayaient de protéger de pierres et des fusées, par des bâches improvisées. Plusieurs solidaires sont accourus sur place pour leur porter secours. La violence des attaques était telle, que, selon le témoignage d’un témoin oculaire, même les secouristes n’osaient pas s’approcher pour évacuer les blessés, car ils étaient pris à partie par les attaquants, de sorte que c’était les solidaires qui transportaient les blessés sur des brancards improvisés vers les ambulances.

Selon le reportage du quotidien grec Journal des Rédacteurs (Efimerida tôn Syntaktôn)  la police s’est interposée, mais sans  procéder à l’interpellation et l’arrestation du groupe d’extrême droite et sans faire le nécessaire pour le dissoudre à temps leur regroupement. Les agents  de police auraient eu comme  consigne d’encercler les réfugiés sans pour autant arrêter les attaquants.

Après des heures de heurt, le groupe d’extrême droite s’en pris à n’importe quel réfugié qu’il croisait dans d’autre quartier en ville.  Bilan incertain, selon le Journal des Rédacteurs, probablement quelques 35 blessés dont certains graves, parmi les réfugiés.

Tôt le matin, vers 5.30 la police a évacué la place obligeant les réfugiés de monter à des cars qui les ont conduits au camp de Moria. Ceux d’entre eux qui ont refusé de  retourner au hot-spot de Moria,  ont été arrêtés : il s’agirait de 120 réfugiés et de deux ressortissants grecs, faisant probablement partie du groupe de solidaires qui ont accouru sur place pour assister les réfugiés.

La place Sappho est vide, les réfugiés rentrés au hot-spot ou pire en prison, le groupe d’extrême droite continue à nuire en toute impunité. L’Europe est sauve….

 Jusqu’à présent, la police n’a pas détenu un seul attaquant, bien que ce soit une communauté plutôt petite, où tout le monde connaît tout le monde.

Source http://www.efsyn.gr/arthro/astynomiki-epiheirisi-meta-ta-epeisodia-akrodexion

Conférence  » Toujours plus pour les riches « 

Le collectif Grèce-austérité vous invite à assister à cette conférence et discussion avec Dominique Plihon, porte-parole d’Attac France.

Soirée co-organisée par Les amis du monde diplomatique et Attac Isère

Mardi 22 mai de 20h à 22h

à la Maison des associations

6 rue Berthe de Boissieux à Grenoble

Patrie flottante La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Patrie flottante

Journées ensoleillées, estivales. Premières baignades de la saison. Décidément, le bonheur ultime aura la mort dure en ce pays. Les touristes, venus disons pour l’Acropole et le soleil, rencontrent parfois ces Grecs qui leur expliquent comment et combien il est urgent que… Jésus de Nazareth puisse alors sauver leur patrie. Qu’en est-il finalement entre le pays visitable et le pays réel ? Symboles déjà du Sud, “là où les doigts de l’homme avec cette maladresse qui ne mentent jamais, osèrent jadis modeler la matière”, comme l’écrivait, mais il y a déjà un moment le poète Odysséas Elytis.

Symboles… du Sud. Athènes, avril 2018

Certains medias rappellent alors en cette journée, le 27 avril 1941, moment précis où l’armée allemande était entrée dans Athènes. “Ce dimanche matin du 27 avril 1941, Athènes s’est réveillé brusquement. Toute la nuit, la ville a été secouée par des explosions de nombreux dépôts de munitions, ils ne devraient pas tomber entre les mains des Allemands. Enfermés chez eux, les Athéniens attendaient avec angoisse et anxiété l’arrivée des envahisseurs. Entre mauvais pressentiment et grande émotion, les fenêtres fermées, les athéniens suivaient la situation en écoutant leur radio encore libre.”

“Dans sa tentative à donner du courage aux Athéniens endeuillées, le speakeur de la station radio avec sa voix nasale bien distinctive, Konstantinos Stavrópoulos, diffusait alors les dernières phrases libres encore perçues depuis son poste: Ici Athènes et sa radio encore libre, pas pour bien longtemps… Grecs ! Les envahisseurs Allemands sont aux extrémités d’Athènes. Frères ! Gardez bien l’esprit du front au plus profond de votre âme. L’envahisseur pénètre dans notre ville désertée, aux fenêtres fermées avec toutes les précautions. Grecs ! Haut les cœurs !”

Pays paisible, adespote du “Parlement”. Athènes, avril 2018

Pays paisible. Devant sa vitrine. Athènes, avril 2018

Mémoire et alors symboles du Sud, lesquels… parfois nous surveillent il faut dire bien d’en haut ou de loin. Du pays paisible au pays pesant il n’y aurait visiblement qu’un bien maigre pas. “La capitale grecque mérite mieux qu’un quart d’heure sur l’Acropole et quelques clichés sur ses embouteillages. Pour qui sait flâner, elle cache des recoins insoupçonnés. Cité rebelle, branchée, balnéaire, nous sommes partis (re)découvrir Athènes…”, écrit le quotidien “Libération” dans un beau texte touristique, et cependant de semi-propagande.

Athènes, la supposée belle du jour, dissimule pourtant mal sa dystopie ambiante façon entre-deux-guerres. D’ailleurs, sans trop deviner de ce que ces nouvelles guerres en cours sont-elles ou seront-elles faites concrètement. En attendant, c’est parfois une certaine mémoire historique qui nous est rappelée, comme par exemple ces derniers jours en plein centre-ville, le génocide du peuple Arménien, perpétué par la Turquie entre 1915 et 1916, ayant débuté très précisément le 24 avril 1915.

Dystopie ambiante. Athènes, avril 2018

Arméniens et mémoire du génocide. Athènes, avril 2018

Arméniens et mémoire du génocide. Athènes, avril 2018

Boycott des produits turcs. Athènes, avril 2018

Les Arméniens de Grèce rappellent alors que ce génocide a fait près 1,5 million de victimes dans la population arménienne de l’empire turc, ainsi que plus de 250 000 dans la minorité assyro-chaldéenne des provinces orientales et 350 000 chez les Pontiques, orthodoxes hellénophones de la province du Pont. Ce n’est pas… rien. Ainsi, la piètre géopolitique actuelle des réelles ou supposées grandes Puissances dans cette même région du monde un siècle après, n’aura presque plus à rougir, comparée aux tristes faits et gestes du passé d’il y a un siècle.

La Turquie d’Erdogan multiplie actes de guerre et provocations envers les peuples et les pays voisins, et depuis Athènes… on baigne très exactement dans cette géopolitique alors… de proximité. Non loin de la place de la Constitution où les comités des Arméniens ont installé leurs stands, c’est sur la place de l’Académie toute proche, que les comités des Kurdes ont installé les leurs, histoire de rappeler toute la gravité de l’invasion de la l’Armée turque à Afrin. Dans Athènes depuis peu, on y découvre également ces autocollants, incitant les Grecs comme les touristes à boycotter les produits turcs. Culture… de guerre ? Sauf que dans la vraie vie, les humains aspirent parfois, et fort heureusement, à la paix… comme autant à leur bout de soleil. Ainsi, les beaux quartiers de la Riviera d’Athènes sont depuis 2016 la destination de choix pour de très nombreux citoyens turcs, modernes, aisés et souvent Stambouliotes. Ils s’y installent avec leurs familles pour être visiblement plus que bien accueillis par les Grecs. La piètre géopolitique n’est sans doute pas la seule issue pour ce monde… de la proximité humaine. Espérons-le en tout cas.

Touriste à Athènes. Avril 2018

Touristes sur l’Acropole. Athènes, avril 2018

Touristes à Athènes. Avril 2018

Sauf que la proximité, voire la promiscuité, n’est pas forcément ni toujours bon signe… Sous la pression de la récente nouvelle augmentation des flux migratoires depuis la Turquie, la situation devient alors insupportable et cela pour tous. Mytilène, capitale de l’île de Lesbos de 27.000 habitants, explose actuellement sous la pression d’une population d’ailleurs autant asphyxiée de 10.000 migrants.

Durant près de cinq jours, certains migrants, Afghans pour l’essentiel, avaient occupé la place centrale sur le port de Mytilène revendiquant entre autres le droit d’asile, tout comme la possibilité de pouvoir circuler librement à travers le pays.

Rajoutant au chaos ambiant, la police, c’est à dire le gouvernement et ses ordres, n’a pas voulu faire évacuer la place et la situation s’est envenimée dans la nuit de dimanche à lundi derniers, lorsque des habitants excédés, et aussi des Aubedoriens, ont littéralement attaqué les occupants de la place. La police alors s’est interposée entre les deux… réalités bien âpres, une police il faut dire plutôt bienveillante vis-à-vis des assaillants.

Nuit du 23 avril à Mytilène (presse grecque)

“C’est une nuit que nous ne devons plus revivre”, rapporte en effet la presse locale, quotidien “Embrós” de Lesbos, le 24 avril 2018. Finalement, les migrants ont été évacués et même interpellés par les forces de l’ordre, et le calme est revenu après pratiquement toute une nuit chaotique, où, ce n’est que par chance que nous n’avons eu à déplorer aucune victime.

La presse autorisée, s’est souvent contentée de rapporter les faits sous le seul angle d’une action initiée par de groupes fascisants, certes provocante et dangereuse. L’épineuse vérité cultivée depuis le terrain grec, c’est que la population grecque ne peut plus supporter la présence accrue et incontrôlée de tant de migrants, livrés il faut dire en partie à eux mêmes avec tout ce qu’une telle évidence peut signifier. C’est alors ainsi que les Aubedoriens peuvent et pourront encore… agir, même si dans leur immense majorité les Grecs ne se sentent pas proches des idées prônées par l’ancien groupuscule mué en parti politiqué parlementaire depuis seulement le moment troïkan de la Grèce.

Cela étant dit, le repli identitaire grec est plus qu’évident, pour la plus grande majorité des Grecs, le sentiment patriotique défensif domine désormais les mentalités, et c’est justifié. Leur pays concret et leur existence se perdent ainsi d’en haut comme d’en bas, leur avis n’est jamais sollicité, les dites réformes, l’austérité, la Troïka initiatrice des lois, le référendum bafoué, la surimposition, la destruction des lois sociales existantes, puis en même temps les flux migratoires incontrôlés, et les biens publics bradés… entre autres, c’est sans doute trop.

Manifestants, Athènes, semaine du 22 avril (presse grecque)

Affiche, Marxisme et 50 ans depuis mai ’68. Athènes, avril 2018

Affiche de gauche. Athènes, avril 2018

Accessoirement, et en dépit des affiches parfois heureuses du centre-ville, la gauche grecque et d’ailleurs sous toutes ses formes, elle est bien morte, ceci bien exactement depuis l’avènement de la “gouvernance” SYRIZA. “Le système est pourri, sauf que nous, nous le sommes bien davantage”, peut-on ainsi lire sur un mur d’Athènes en ce moment.

Dernier acte en date, le démantèlement et la mise en vente de la Compagnie Publique d’Électricité (DEI), déjà certaines unités de production de lignite au nord du pays, les mieux rentables seront prochainement vendues d’après la dernière loi que ceux de SYRIZA/ANEL ont fait adopté cette semaine au sein du “Parlement”.

Les électriciens, tout comme les retraités et ceux du personnel hospitalier ont certes manifesté place de la Constitution le même jour cette semaine, mouvements cependant et alors grèves ne sauvant même plus l’honneur à vrai dire. L’avis très actuel du journaliste et dessinateur de presse Státhis Stavrópoulos (issu d’ailleurs des rangs de la gauche) est sans appel:

“Tsipras n’a pas laissé un seul crime que ses prédécesseurs avaient pu commettre, sans le poursuivre, et même le parfaire. Continuateur dans cette même voie, il massacre les retraites, il disloque le travail, il brade la Grèce, il en rajoute dans la vassalisation du pays, il crucifie la Constitution, il pousse la jeunesse à quitter le pays pour l’étranger.”

“Le système est pourri…” Athènes, avril 2018

Illusions. Athènes, avril 2018

Réalités. “J’achète immobilier cash”. Athènes, avril 2018

“Et nul besoin que d’être fou pour ainsi nous rendre tous malades. Il suffit comme pour Tsipras, que d’être dévergondé, amoraliste, cynique et menteur. Et comme en plus il incarne cette parfaite marionnette des Puissants, la mayonnaise alors elle prend bien, et aujourd’hui il nous dira alors qu’il s’agit du Socialisme plus l’électricité d’où la vente de DEI”.

“Tsipras a ainsi offert aux Puissants, Grecs comme Occidentaux, le meurtre de la Gauche. Même dans leurs rêves les Puissants, ici comme en Occident, ils n’auraient imaginé qu’un simple valet nommé Tsipras leur aurait offert la tête coupée du pays sur un plateau, telle Salomé réclamant la tête de Jean-Baptiste. Le tout, contre des miettes pour le peuple grec et autant, contre trente pièces d’argent pour cette clique qui se prétend alors de gauche.”

“Je ne sais plus quel cerveau doit avoir un type comme Tsipras, lorsqu’il croit qu’il est possible de laver le mensonge par le sang. Et même ceux qui quittent en ce moment le navire Tsipras ne sont guère meilleurs que lui, ils sont même pires. Sans Tsipras, ils seront jetés dans le ravin, mais c’est autant dans ce même ravin qu’ils vont être jetés en restant à ses côtés” Státhis Stavrópoulos, le 26/04/2018. Très beau pays à ses inimitables… animaux adespotes. Nos nombreux touristes, parfois en airbnbistes convaincus ne liront certainement pas Státhis, comme ils ne remarqueront que rarement, cette expression du malheur bien profond qui se lit pourtant sur les visages des travailleurs du pays, vieux d’ailleurs, comme autant chez les plus jeunes. D’après Eurostat de cette semaine, 21% de la population en Grèce n’arrive pas à faire face aux besoins essentiels, et de toute l’Union Européenne, c’est seulement la Bulgarie et son peuple qui sont encore plus paupérisés que les Grecs, presse grecque de la semaine du 22 avril 2018.

Petit et vieux commerçant. Athènes, avril 2018

Travailleurs. Athènes, avril 2018

Touristes. En Attique, avril 2018

Animal adespote. Athènes, avril 2018

C’est déjà le prélude de l’été et ainsi celui des premières baignades. Dans les parcs ceux qui aiment s’occupent des animaux adespotes, non loin de certaines églises où les cultes et les usages anciens ont été récupérés pour les besoins de la seule modernisation chrétienne d’il y a près de mille ans. Coquilles culturelles ainsi vidées en leur temps, autant que de nombreuses idéologies et même théologies héritées des Lumières comme des deux siècles précédents et précurseurs en ce moment.

Plus terre-à-terre, les Grecs savent désormais que le temps des droites et des gauches ne sera plus, en tout cas plus comme avant, les sondages tournent alors à vide, même si le non-avenir par la dystopie promue comme… prometteuse passe et passera encore par le pseudo-système parlementaire. Celui en Grèce que les Syrizistes ont ainsi achevé, avec le dernier espoir via les urnes, referendum compris.

“Patrie flottante”, pays qui navigue, c’est aussi le titre du roman du journaliste Dimitris Papachrístos. Patrie alors flottante qui voyage avec le capitaine Barbagiannis Sitaras, originaire de l’ile de Chios. Un petit café au centre d’Athènes, juste en dessous du Parlement faisant office de passerelle pour son capitaine lequel voyage sans cesse les yeux fermés devant le spectacle du monde entier. Il a vécu la mort de son enfant aux États-Unis, et ensuite à Athènes, le suicide de sa femme. Pour le reste, il vit exclusivement à travers ses propres mots et il observe les faits autour de lui sous une allure bien interminable. Sans se laisser décevoir de tout ce qui arrive, tout comme de tout ce qui n’arrive alors pas.

C’est pour le roman la période de 2012, au moment où une partie de la ville avait été brûlée, alors manifestations, incendies, lacrymogènes, puis ce slogan tant braillé par la foule: “Que ce bordel de Parlement soit brûlé”. À partir de ce temps actuel, la patrie flottante navigue autant à travers l’histoire, ayant comme mât la mémoire, résistant aux vagues et au temps, et aussi devant toute forme de pouvoir. “Un roman qui défend la patrie, pour qu’elle ne s’enfonce pas dans ses propres eux usées, un texte qui défend alors l’homme, pour qu’il ne perde pas son identité en devenant simple numéro”, peut-on lire à travers les nombreuses présentations du livre sur Internet. Temps grecs très actuels.

“Patrie flottante”. Athènes, avril 2018

Prélude de l’été. En Attique, avril 2018

Usages anciens récupérés. Église byzantine à Athènes, avril 2018

Animaux adespotes nourris. Athènes, avril 2018

Journées ensoleillées, on dirait estivales. Premières baignades de la saison, les touristes venus disons pour l’Acropole et le soleil rencontrant parfois ces Grecs qui leur expliquent comment et combien il est urgent que… Jésus de Nazareth puisse peut-être sauver leur flottante patrie !

Les faits politiciens et même l’actualité étant du poison à mithridatiser jusqu’au plus profond de l’humanité restante en nous, nous sommes bien nombreux par exemple à ne plus vouloir accréditer la mascarade des élections futures et de toute sorte. Et il y a comme enfin de l’authentique sérieux, voire grave dans l’air du temps qui est le nôtre. Nos préoccupations s’élèvent ainsi parfois au-dessus de la mêlée, peut-être parce que la bassesse des supposés politiciens est sans précédant, dictature des Colonels comprise, si l’on croit ce que les Grecs pensent de plus en plus haut et fort.

Il fallait en arriver bien là… où nous ne sommes plus, pour qu’enfin, une pièce de théâtre puisse être entièrement consacré à l’œuvre du philosophe Dimitris Liantinis, preuve s’il en fallait, d’une certaine mutation dans les mentalités. Notons que Dimitris Liantinis était ce philosophe grec né en 1942 et disparu volontairement en juin 1998 en se retirant dans une grotte où l’on a retrouvé son squelette en 2005.

L’Académie d’Athènes l’avait couronné pour son livre sur Dionýsios Solomos, le grand poète de l’hymne national grec. Liantinis donc, ce penseur ayant évoqué le rapport dialectique entre les Grecs et Thanatos, la mort, et qui avait également analysé le discours poétique de Georges Séféris, (Prix Nobel de Littérature en 1963).

L’œuvre de Dimitris Liantinis au théâtre. Athènes, avril 2018

Beau pays… flottant et navigable ! Attique, avril 2018

Beau pays… navigable, “là où les doigts de l’homme avec cette maladresse qui ne mentent jamais, osèrent jadis modeler la matière”.

Les touristes, venus disons pour l’Acropole et le soleil, rencontrent parfois ces animaux adespotes, typiquement grecs. Patrie flottante !

Animal adespote. Athènes, avril 2018

* Photo de couverture: Jésus de Nazareth… et la Grèce. Athènes, avril 20

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

Collecte à Grenoble pour le convoi de mai dernières dates

Au mois de mai, un fourgon partira de Grenoble pour la Grèce
et se joindra au convoi solidaire, organisé par le collectif artistique et solidaire ANEPOS.

Notre action n’est pas humanitaire, mais politique et solidaire, sans intermédiaire : nous soutenons directement nos camarades grecs et les encourageons à continuer à résister et à s’entraider.

Rappel des besoins et modalités de récupération des fournitures

Les besoins sont urgents en :

Fournitures bébés : lait infantile en poudre (tous âges) petits pots, mixers de type babycook, soins bébés, sérum, vitamines, couches ( surtout 3, 4 et 5)

Jouets : petites tailles tels que figurines, ballons, cordes à sauter, légos, jeu d’échecs ( ni peluches ni encombrants),

Produits d’hygiène et paramédicaux : gels douches, protections périodiques, dentifrice, brosses à dents, lessives, pansements, désinfectant, chevillères/genouillères, ( ni attelles, ni médicaments) Biafine, Cicatryl,

Base alimentaire : légumes secs, fruits secs, biscuits, céréales, pâtes,riz, lentilles, thé, café, autres. La date de péremption minimale recommandée est juin 2018.

Mais plus particulièrement Lait 2eme âge, couches N°5, lentilles, pois chiches.

et n’oubliez pas des messages de soutien : avec dessins, photos, affiches,autocollants, infos sur vos luttes….des confiseries fermées et non fragiles peuvent être ajoutées.

Matériel spécifique pour la résistance : photocopieuses( en état de marche) ramettes papiers, ordinateurs, appareils photos/vidéos ( pour les contre- médias), disjoncteurs, dominos, câbles électrique 3G ( 1,5mm et 2,5mm), outils de bricolage.

Important : la place dans les fourgons n’étant pas extensible, merci de vous en tenir à cette liste.

Vous pouvez aussi  envoyer des chèques libellés à l’ordre d’ANEPOS en indiquant au dos « Convoi Isère-Savoie de mai 2018 »

soit directement à l’adresse suivante : ANEPOS « Action Solidarité Grèce » BP10 81540 Sorèze,

soit par l’intermédiaire du collectif de Grenoble lors des rendez-vous  ou dans la boite aux lettres (n° 86) d’Attac 38 à la MDA rue Berthe de Boissieux à Grenoble.

Rendez-vous pour la récupération des fournitures sur Grenoble :

3 dates de collecte sont déjà passées il reste encore 2 points de rencontres :

le mercredi 2 mai de 17h à 19h devant le MIN (marché de gros) 117 rue des Alliés à Grenoble.

Mais vous pouvez aussi déposer vos dons le 1e mai à l’issue de la manifestation sur le stand d’Attc 38, Cadtm, Collectif qui se tiendra au jardin de Ville.

Les personnes qui ne pourraient vraiment pas se rendre à l’un de ces rendez-vous peuvent adresser un message à greceausterite@hotmail.com, nous chercherons une solution.

L’appel de novembre d’Anepos qui reste d’actualité

Pas question de baisser les bras,
pas question de laisser faire…

En soutenant notre convergence de luttes, par-delà les frontières, entre mouvements sociaux, vous épaulez les initiatives solidaires autogérées qui, en Grèce, font face au durcissement des politiques austéritaires (forte hausse de la mortalité infantile, baisse de 50% de la retraite complémentaire pour les plus pauvres, expulsion de milliers de personnes de leur logement, nombreuses familles qui ne survivent que grâce à la solidarité) et au drame de la crise des réfugiés (dont beaucoup d’enfants, parfois orphelins, qui ont traversé la mer Égée et ont échappé aux camps indignes et inhumains).

Notre action n’est pas humanitaire, mais politique et solidaire, sans intermédiaire : nous soutenons directement nos camarades grecs et les encourageons à continuer à résister et à s’entraider. La liste des principaux besoins est à votre disposition, préparée avec eux pour des livraisons à Exarcheia (Athènes), Thessalonique et plusieurs îles. A vous de participer, si vous le désirez et comme vous le désirez.

Pas question de baisser les bras, ni ici, ni là-bas. Pas question de laisser faire. Pas question de rester chacun dans notre coin d’Europe face à la violence du pouvoir qui nous opprime, détruit le bien commun et nous vole nos vies. Pas question de subir sans agir de toutes les façons possibles : insoumission, résistance, création, solidarité…

Cette action n’est peut-être pas grand-chose face à l’ampleur du désastre, mais elle encourage à poursuivre nos luttes qui convergent vers un même but : reprendre nos vies en mains et montrer ce dont nous sommes capables ensemble.

Hauts les cœurs !

Le collectif artistique et solidaire Anepos
Les conducteurs des fourgons des convois
Les organisateurs de la collecte

Compte rendu des convois de mars et novembre 2017 http://lamouretlarevolution.net/spip.php?rubrique15

Au Col de l’Échelle, impunité pour les identitaires

Au Col de l’Échelle, impunité pour les identitaires d’un côté, prison ou tabassage pour les soutiens pacifiques des migrants de l’autre… Jusqu’où iront le gouvernement, la police et la justice pour décourager la solidarité ?

Alors que des citoyen·ne·s, associations et collectifs locaux se mobilisent depuis de longs mois pour organiser l’accueil de personnes exilées sur leur territoire face aux pratiques irrégulières des forces de l’ordre, les évènements de ce week-end à Briançon montrent bien que le délit de solidarité a encore de beaux jours devant lui.

Dans le cadre d’une mise en scène médiatique au col de l’Échelle à la frontière franco-italienne, le groupe d’extrême-droite Génération Identitaire a bloqué la frontière entre le 21 et 22 avril, étalant des messages haineux en pleine montagne, barrant la route à des personnes épuisées par un trajet en montagne, les mettant ainsi potentiellement en danger, puis relayant les photographies de leurs faits d’armes sur les réseaux sociaux à grand renfort de commentaires xénophobes. Ainsi, à l’instar de ce qui s’est passé lors de l’action organisée en Méditerranée à l’été 2017 pour saborder les sauvetages de personnes migrantes, des militant⋅e⋅s d’extrême droite de plusieurs pays européens sont venues bloquer symboliquement la frontière sans que les forces de l’ordre interviennent ou que les autorités condamnent clairement cette action, se bornant à évoquer des « gesticulations ».

Le dimanche 22 avril, une manifestation pacifique composée de plus de 150 personnes exilées et de leurs soutiens est partie de Clavière en Italie pour rejoindre Briançon à pieds et ainsi protester contre la militarisation de la frontière et la non prise en charge des personnes mineures ou en demande d’asile par les autorités françaises. Les organisations locales et régionales alertent depuis 2015 sur les atteintes systématiques aux droits des personnes migrantes à la frontière franco-italienne, de Menton à Briançon sans qu’elles soient entendues par les responsables politiques.

A l’issue de cette manifestation spontanée, six personnes ont été interpellées par les forces de l’ordre. Trois ont finalement été relâchées mais trois autres sont toujours en détention provisoire, enfermées à Gap et à Marseille. Poursuivies pour « avoir par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée irrégulière en France de plus d’une vingtaine d’étrangers, avec cette circonstance que les faits ont été commis en bande organisée », elles risquent selon la loi française jusqu’à 10 ans de prison assortie de 750 000 euros d’amende. Le jugement ayant été renvoyé au 31 mai 2018, ces trois personnes originaires de Suisse et d’Italie resteront donc potentiellement enfermées jusqu’à cette date.

En marge de la manifestation, cinq participant·e·s attablé·e·s à la terrasse de l’Hôtel de la Gare à Briançon vont faire l’objet d’un contrôle d’identité. Les policiers demandent à l’une des personnes de les suivre, refusant d’en donner la raison. « On va pas te le répéter deux fois » lance un policier. La personne sort son téléphone pour prévenir un avocat, les policiers le lui arrachent et la projettent au sol, lui sautent dessus. Face contre terre, coups de matraque, clef de bras, coup de genoux, pouces enfoncés dans les yeux, étranglement, la personne est finalement traînée par les pieds dans les escaliers, toujours face contre terre, puis jetée sur le goudron deux mètres plus loin. Alertés par les cris, des gens arrivent, les policiers gazent tout le monde, y compris la personne gisant au sol, visage tuméfié, en sang, la mâchoire gonflée, respirant difficilement et aveuglée par les gaz lacrymogènes. Souffrant de multiples contusions, d’un énorme hématome à la mâchoire, d’une entorse aux cervicales, et de douleur au niveau de la trachée, cette victime de la violence policière est amenée aux urgences. Résultat : 10 jours d’interdiction totale de travail.

Il est inadmissible que ces personnes soient actuellement privées de liberté ou violentées alors qu’elles ont été interpellées dans le cadre d’une manifestation pacifique. En outre, ces militant·e·s de la solidarité ont participé à de nombreuses opérations de sauvetage en montagne, se rendant juste « coupables » d’assistance à personne en danger. Un cas de plus de dissuasion de la solidarité.

Le collectif Délinquants solidaires s’inquiète du peu de cas qui est fait par les pouvoirs publics de l’expression sans complexes d’une xénophobie et du blocage des frontières par des militant·e·s d’extrême-droite, qui a pour conséquences immédiates la mise en danger des personnes migrantes parmi lesquels des mineur·e·s, ainsi que le déni pur et simple du droit d’asile, qui est encore une obligation conventionnelle de la France.

Le collectif Délinquants solidaires condamne fermement la détention de soutiens des exilé⋅e⋅s et appelle à leur libération immédiate. Par ailleurs, il répète que la solidarité et l’accueil sur nos territoires manifestés par des milliers de citoyens et citoyennes doivent être encouragés au lieu d’être systématiquement dénigrés ou réprimés. Si les député·e·s ont raté l’occasion d’abroger le délit de solidarité, nous restons mobilisé·e·s et solidaires des personnes exilées pour réclamer un accès aux droits effectifs pour toutes et tous et le droit de s’organiser collectivement.

26 avril 2018
source Le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s) http://gisti.org/spip.php?article5902

La Grèce maintient le confinement des demandeurs d’asile sur les îles

AFP 23/04/2018

Le gouvernement grec va maintenir le confinement sur les îles de la mer Égée des demandeurs d’asile arrivés de Turquie, en contournant une décision de justice qui levait cette mesure, a indiqué lundi le ministère à la politique migratoire.

Ce maintien du confinement est permis par une nouvelle décision du service d’asile, justifiant cette mesure par un autre motif que celui retoqué par la justice mercredi, a précisé le ministère.

« Les demandeurs d’asile arrivant sur les îles se verront remettre une note précisant qu’ils doivent rester sur place pour faciliter le suivi de leur demande », a précisé à l’AFP une source du ministère.

A la suite d’un recours du Conseil grec des réfugiés, le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative, s’était prononcé mercredi contre les limitations à la libre circulation imposées aux arrivants sur les îles grecques depuis l’entrée en vigueur en mars 2016 du pacte UE-Turquie visant à couper la route migratoire en Égée.

Mais le Conseil s’était prononcé en jugeant infondée la justification alors apportée, soit des « motifs sérieux d’intérêt public ». Sa décision ne porte donc pas sur la nouvelle règle mise en place par le service d’asile, selon le ministère.

Le Conseil grec des réfugiés a dénoncé un « coup porté à l’État de droit », mettant en cause des pressions exercées par la Commission européenne. Le maintien du confinement « va continuer à exposer les réfugiés à des souffrances » et à alimenter les tensions avec les habitants des îles, a-t-il déploré dans un communiqué, se réservant de saisir à nouveau la justice.

La décision du Conseil d’Etat avait été salué par les ONG de défense des droits de l’homme, dont Amnesty international, qui s’alarment depuis des mois des conditions de vie des quelques 15.000 demandeurs d’asile parqués sur les îles.

L’annonce du gouvernement intervient alors que plus d’une dizaine de migrants et réfugiés ont été blessés dans la nuit de dimanche à lundi sur l’île de Lesbos lors d’affrontements avec des militants d’extrême droite. Ces derniers avaient attaqué près de 200 Afghans campant devant la place centrale de Mytilène, chef-lieu de l’île, depuis mardi dernier pour protester contre leur confinement

Le 23 avril projection-débat avec Yannis Youlountas et action de solidarité

Le collectif citoyen de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe – soutenu par Attac Isère et le Cadtm Grenoble

vous propose une projection-débat et une action de solidarité

<<<<<<<<<<<<<<<<<<< Projection – débat >>>>>>>>>>>>>>>>>
en présence du réalisateur

Lundi 23 avril 20h
Espace Aragon – 19 bis bd Jules Ferry Villard Bonnot

L’amour et la Révolution
Non, rien n’est fini en Grèce
réalisé par Yannis Youlountas

« Dix ans après les premières émeutes, les médias ne parlent plus de la crise grecque.Tout laisse croire que la cure d’austérité a réussi et que le calme est revenu.  Ce film prouve le contraire.
 A Thessalonique, des jeunes empêchent les ventes aux enchères de maisons saisies. En Crète, des paysans s’opposent à la construction d’un nouvel aéroport.  À Athènes, un groupe mystérieux inquiète le pouvoir en multipliant les sabotages. Dans le quartier d’Exarcheia, menacé d’évacuation, le cœur de la résistance accueille les réfugiés dans l’autogestion.
Un voyage en musique parmi celles et ceux qui rêvent d’amour et de révolution. »

 

<<<<<<<<<<<<<<<<<<< Action de solidarité >>>>>>>>>>>>>>>>>


Au mois de mai,
un fourgon partira de Grenoble pour la Grèce et se joindra au convoi solidaire, organisé par le collectif artistique et solidaire ANEPOS.

Notre action n’est pas humanitaire, mais politique et solidaire, sans intermédiaire : nous soutenons directement nos camarades grecs et les encourageons à continuer à résister et à s’entraider.

La liste des principaux besoin a été préparée avec eux pour des livraisons à Exarcheia (Athènes), Thessalonique et plusieurs îles.

La liste des besoins et tous les renseignements sur ce convoi : http://lamouretlarevolution.net/spip.php?rubrique15

 

Voici les prochains rendez-vous pour soutenir cette action solidaire et apporter votre contribution

<< Espace Aragon >>
(avant la projection du film L’Amour et la Révolution)
lundi 23 avril à partir de 19h

<< Devant le MIN (marché de gros) – 117 rue des Alliés – Grenoble >>
mercredi 25 avril de 17h à 19h
et

mercredi 2 mai de 17h à 19h

Les personnes qui ne pourraient vraiment pas se rendre à l’un de ces 4 rendez-vous peuvent adresser un message à greceausterite@hotmail.com, nous chercherons une solution.

Loi immigration en France : ils ont osé voter la rétention des enfants

Loi immigration: les députés LREM refusent d’interdire la rétention des enfants

Par Mathilde Mathieu

Les députés LREM ont voté, samedi 21 avril, le doublement de la durée légale de rétention des sans-papiers. Ils ont aussi repoussé tous les amendements visant à interdire l’enfermement des enfants, en annonçant un groupe de travail.

En prime, elle pouvait suivre à distance les « exploits » d’une centaine de militants d’extrême droite qui se sont improvisés gardes-frontière pour tout le week-end dans les Alpes, où ils ont déroulé 500 mètres de grillage dans la neige pour repousser les migrants, qui ont souvent risqué leur vie dix fois pour arriver jusque-là.

En guise d’anniversaire, surtout, les députés de la majorité ont voté samedi la mesure « phare » du texte de Gérard Collomb, qui allonge de 45 à 90 jours la durée légale d’enfermement des étrangers en centre de rétention administrative (les CRA), sorte de « sas » où les sans-papiers sont confinés sur décision des préfets en vue d’un embarquement en avion plus ou moins rapide, bien souvent hypothétique (absence de « laissez-passer » du pays d’origine, libération par un juge des libertés, etc.). Le plafond légal sera ainsi 7,5 fois plus long qu’en avril 2002.

Plus symbolique encore ? Samedi, les bancs LREM ont renoncé, sous la pression du ministre de l’intérieur, à prohiber le placement d’enfants dans ces centres de rétention, rejetant trois amendements successifs venus de leur gauche (PS, France insoumise et PCF), qui prétendaient en finir avec cette pratique en augmentation.

Les suppliques n’ont pourtant pas manqué. « Monsieur le ministre, trois mots : pas les enfants ! Plus les enfants ! a lancé Hervé Saulignac (PS). Ils sont par essence innocents. Un centre de rétention, c’est parfois des barbelés, des caméras, du mobilier scellé, des verrous, un univers carcéral qu’on réserve aux individus dangereux. » Du côté des communistes, Elsa Faucillon a interpellé tous les bancs : « C’est pour nous un moment grave, insupportable. Je vous en conjure, votez contre ! »

L’an dernier, sur 26 000 étrangers placés en CRA (hors outre-mer), le Défenseur des droits a encore comptabilisé 134 familles avec 275 enfants, un chiffre en augmentation – sachant qu’un mineur isolé n’est jamais enfermé. Dans une décision récente, il a surtout demandé aux autorités « de faire évoluer la législation pour proscrire [la rétention d’enfants] dans toutes les circonstances », avec une « préoccupation » particulière pour Mayotte où plus de 4 000 mineurs (venus des Comores) ont été privés de liberté l’an dernier.

« Ne tournons pas autour du pot, a résumé Jean-Luc Mélenchon, pour sa première prise de parole de la semaine sur le projet de loi. Nous sommes ici un certain nombre à être absolument, totalement, radicalement opposés à la rétention des enfants. (…) Nous allons être condamné à tour de bras par toutes les instances internationales ! »

À plusieurs reprises déjà (encore cinq fois en 2016), la France a en effet été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui n’a certes pas sanctionné la rétention d’enfants en elle-même. Mais elle a constaté que « les conditions inhérentes à ce type de structures [avaient] un effet anxiogène sur les enfants en bas âge », et jugé que « seul un placement de brève durée » pouvait « être compatible » avec l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui prohibe les « traitements inhumains et dégradants ». À la clé, des milliers d’euros de préjudice moral versés aux familles (tchétchènes, arméniennes, etc.).

Samedi, le PS était toutefois mal à l’aise pour donner des leçons à La République en marche. Alors que le candidat Hollande s’était engagé en 2011 à mettre fin à la rétention des enfants pour privilégier l’assignation à résidence, une circulaire de 2012 de Manuel Valls l’a seulement encadrée, provoquant certes une chute momentanée des statistiques, mais qui ont vite remonté.

En 2016, surtout, le gouvernement Valls a bel et bien inscrit, cette fois dans la loi, la possibilité de placer des familles en CRA, non seulement lorsqu’elles ont fui une première fois (ou fait échouer un embarquement), mais aussi lorsque les préfectures estiment qu’une courte rétention (« 48 heures avant un départ programmé ») sera moins brutale qu’une interpellation de la famille la nuit du départ. En ce 21 avril 2018, les socialistes ont trouvé la parade : haro sur Manuel Valls.

« Le premier ministre de l’époque, que vous avez longuement soutenu, a recouru allègrement à toutes les dérogations existantes ! » a ainsi lancé Valérie Rabault (PS), à l’adresse des bancs LREM. « Nous pouvons aujourd’hui les uns et les autres réparer ce qui ne l’a pas été jusqu’ici », a pour sa part déclaré Olivier Faure, le patron du PS.

Côté LREM, la quasi-totalité du groupe souhaitait arriver, il y a encore quelques semaines, à une prohibition. Le responsable du texte lui-même, Florent Boudié, nous confiait sa volonté de « l’interdire en tout cas en métropole », pour contourner les difficultés propres à Mayotte. Samedi, changement de pied : « Pourrions-nous nous permettre d’interdire la rétention des mineurs sur le territoire métropolitain et la maintenir sur les territoires ultramarins ? Au nom de quelle égalité républicaine ? » Un groupe de travail va plutôt se réunir, au sein du groupe LREM, pour plancher sur une future éventuelle proposition de loi… Au sein de la majorité, on explique réfléchir, entre autres voies, à des bâtiments dédiés à l’accueil des familles, en dehors des CRA mais tenus par les forces de l’ordre, à un plafonnement restreint du nombre de jours, etc

C’est qu’entre-temps, Gérard Collomb a dégainé quelques promesses : « Nous allons aménager de manière prioritaire certains CRA dans lesquels seront placées les familles » (c’est déjà le cas), « Nous investirons dans les conditions matérielles et sociales », « Nous ferons en sorte que la durée soit la plus brève possible », etc.

Mais sur le fond, le ministre en a fait un enjeu d’« efficacité ». « Si même les personnes qui fuient le droit, on ne peut pas les expulser », celles notamment « qui se sont déjà soustraites à une procédure d’éloignement », « alors on n’expulsera plus personne, a-t-il prévenu. La situation deviendra inextricable ». Son obsession ? Les familles albanaises et géorgiennes, autorisées à venir sans visa pendant trois mois, qui obtiennent rarement une protection, mais « font une demande d’asile à peine arrivées ». Et de glisser : « En Allemagne, la situation de ces familles est examinée en moins d’une semaine, nous devons nous aligner… »

À l’arrivée, seules trois députées LREM (dont Delphine Bagarry) et trois Modem ont voté les amendements d’interdiction, auxquels on peut ajouter onze abstentionnistes, tandis que le gros des troupes suivait Gérard Collomb, en compagnie de 70 LR, 2 UDI et 6 frontistes, dont Marine Le Pen.

Sur l’allongement du délai de rétention, le ministre n’a guère rencontré plus de résistance dans son camp. « La problématique qui existe est que nous ne revoyons pratiquement personne », a plaidé le ministre, rappelant que moins de 20 % des « obligations de quitter le territoire français » (OQTF) sont exécutées. Même une fois placées en CRA, 40 % « seulement » des étrangers sont renvoyés, notamment parce qu’ils restent au sol tant que leur consulat n’a pas signé un « laissez-passer ». Or celui-ci n’arrive parfois jamais, pour cause de lenteurs ou d’obstructions administratives dans les pays d’origine.

Mais comme Mediapart l’a déjà expliqué (voir notre analyse), une fois passés douze jours (durée moyenne de rétention), la probabilité de voir arriver des laissez-passer chute drastiquement. En 2017, 635 personnes seulement ont été libérées au bout de 45 jours en CRA, faute de laissez-passer. Le passage à 90 jours prévu par Gérard Collomb a paru tellement peu efficace au groupe LR que même ce dernier s’est abstenu, avec le FN. La majorité l’aura donc adoptée toute seule.

Source : https://www.mediapart.fr/journal/france/220418/loi-immigration-les-deputes-lrem-refusent-d-interdire-la-retention-des-enfants

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